Vos petits-enfants resteront-ils juifs ? Parfois, des messages nous parviennent des sources les plus inattendues. D’un côté, on observe, certes, une nette augmentation de Juifs engagés dans l’observance de la Torah et des Mitsvot, et les statistiques démontrent que la communauté orthodoxe vit une résurgence sans précédent, mais il y a malheureusement un revers de la médaille. L’assimilation continue à sévir, privant notre peuple de toute vitalité et notre jeunesse en est la première victime. Les mariages mixtes et l’éloignement du judaïsme demeurent des fléaux mortels, infectant d’innombrables membres de notre peuple.

Récemment, un message troublant nous est parvenu par le biais d’un article paru dans le New York Times. Je ne regarde pas la télévision, et ne connais pas les émissions en vogue, mais le Times relatait une histoire à propos d’un incident survenu dans une série télé licencieuse et populaire. Dans cet épisode, on voyait une jeune femme non-juive qui rencontrait un jeune homme juif. Ils sortaient au restaurant, et au cours du dîner, elle mentionna le mariage. Il répondit qu’il ne pouvait épouser une non-Juive. Intégrant cette information, la jeune fille le mit au défi en lui posant une question simple : « Alors comment se fait-il que tu aies commandé un filet de porc ? ».

Sans sourciller, il répondit : « Je suis conservateur. »

Ce n’était qu’une série télévisée, mais sa réponse a provoqué de vigoureuses réactions - au point que l’histoire est arrivée jusqu’au New York Times. Un porte-parole du mouvement conservateur a exprimé de manière véhémente ses objections aux producteurs de l’émission, expliquant que la logique du jeune homme justifiant son droit à manger du porc en raison de son appartenance au mouvement conservateur était totalement fallacieuse et mensongère. Les producteurs rétorquèrent alors que l’histoire reposait sur des statistiques démontrant que la grande majorité des Juifs qui se décrivent comme « conservateurs » n’adhèrent pas aux lois de la Cacheroute.  

Mon but, en relatant cet incident, n’est pas de jeter l’anathème sur tel ou tel groupe, mais plutôt de souligner les conséquences tragiques qui s’accumulent lorsque les gens estiment que l’appartenance à un certain groupe leur donne le droit de dévier des lois de notre Torah.

Au fil des ans, dans le cadre de mon œuvre de Kirouv (rapprochement des Juifs à la Torah), je me suis heurtée constamment à ce raisonnement : « Je suis conservateur ou réformé. Donc ces Mitsvot ne s’appliquent pas à moi. »

Et c’est ici que l’on trouve un facteur déterminant dans la dissolution de la vie juive. La personne moyenne qui rejoint l’un de ces groupes a l’impression que cette attitude légitime son rejet de certains commandements, la Cacheroute étant uniquement l’un d’eux.

Bien entendu, de nombreux Juifs qui s’identifient comme membres de la communauté orthodoxe sont coupables de déconsidérer la Halakha dans certains cas, mais une différence fine les sépare : ils reconnaissent qu’ils profanent la loi juive, et ils ne cherchent pas à légitimer leur manque d’observance. Ils ne prétendront jamais qu’ils ont la latitude d’afficher un mépris pour les Mitsvot. Ils admettront plutôt leur faiblesse, laissant la porte de la Téchouva ouverte.

La culture américaine épouse la philosophie sur le but de l’homme dans la vie mentionnée dans la Constitution : « le droit à la poursuite du bonheur ». Or, il n’est écrit nulle part dans la Torah que le but de notre vie est le bonheur. Nous avons des responsabilités et des obligations, et même si ces responsabilités sont en conflit avec nos inclinations, elles restent néanmoins immuables et transcendent toutes les frontières culturelles et générationnelles. Notre engagement envers le judaïsme ne repose pas sur ce qui est en vogue ou ce qui correspond à nos besoins immédiats ou notre fantaisie, mais sur l’Alliance, scellée au Sinaï - une alliance éternelle et non-négociable. Dès que vous commencez à falsifier cette alliance, dès que vous pensez ne pas y être liés, et le fait de vous « étiqueter » vous donne le droit de déclarer que certains commandements sont nuls et non avenus, au bout d’un certain temps, la structure même de votre vie juive va se désintégrer.

La question posée par la jeune fille non-juive de l’émission : « Si tu peux manger du filet de porc, pourquoi ne peux-tu pas m’épouser ? » devrait inciter tout parent qui a négligé l’observance des Mitsvot à reconsidérer son engagement envers le judaïsme. Notre Torah et nos Mitsvot, telles qu’elles nous ont été données au Sinaï, nous ont permis de survivre au fil des siècles, mais si nous déclarons qu’elles sont sans intérêt, nos enfants abandonneront simplement le judaïsme en bloc, et tragiquement, c’est exactement ce à quoi nous assistons aujourd’hui.

Je me souviens, il y a plus de trente ans, à la création du mouvement Hinéni, je donnais une conférence à Miami Beach, en Floride, lorsqu’une grand-mère au cœur brisé s’approcha de moi. Les larmes coulant sur ses joues, elle me relata son malheur. Son petit-fils s’apprêtait à s’unir avec une non-Juive.  

« Oh, Rabbanite, dit-elle en pleurant, qu’ai-je fait pour mériter ça ? Je ne lui ai jamais imposé quoi que ce soit. Ma fille ne lui a jamais rien demandé. Nous lui avons demandé une seule chose : "N’épouse pas de non-Juive", et regardez maintenant ! Pourquoi, Rabbanite ? Pourquoi ? »

Cette pauvre grand-mère n’avait jamais pensé que la réponse qu’elle cherchait se trouvait dans le fait même que ni elle, ni sa fille n’avaient jamais rien demandé à ce garçon. Ce petit-fils n’avait jamais été mis au défi, jamais mis face à ses responsabilités en tant que Juif. Le joug des Mitsvot n’avait jamais été placé sur ses épaules. Il n’avait jamais été initié à nos commandements, jamais ressenti la gloire et la majesté du Sinaï. Alors, pourquoi ne contracterait-il pas de mariage mixte ? Tout comme la jeune fille de l’émission avait demandé : « Si tu peux manger du filet de porc, pourquoi ne peux-tu pas m’épouser ? »

Cette question reste douloureusement en l’air, et tous ceux qui espèrent un jour avoir des petits-enfants juifs doivent se la poser.