Un simple regard sur l’Histoire de l’humanité depuis l’Antiquité nous révèle que l’Histoire est jalonnée de flux et de reflux. Les civilisations, les cultures se succèdent, et bien souvent, celles qui sont à l’apogée de leur influence disparaissent aussi vite. Un poète français, Paul Valéry, a écrit que « les civilisations savent qu’elles sont mortelles ». La civilisation somptueuse des Pharaons en Égypte, comme la riche culture des Incas en Amérique, ne sont plus que des souvenirs pour les spécialistes. L’Histoire tourne avec ses montées et ses chutes. Allons plus loin : les conquérants croient réussir dans leurs conquêtes, mais elles aussi, finalement, s’effondrent. Tel est le destin des peuples, depuis le début de l’Histoire. Monter, descendre puis tomber, et seulement rester dans la mémoire des humains.

L’histoire d’Israël est fondamentalement différente, car elle transcende l’Histoire. On l’a déjà écrit dans une brochure intitulée « OUI, je lis la Bible » publiée en 1976 : « Tandis qu’Israël erre dans l’espace, les nations errent dans le temps ». L’errance d’Israël est due à son rôle de témoignage de la Transcendance, l’errance des nations dans le temps est le signe de la recherche permanente d’une signification. À partir de cette définition, on peut dire que l’errance des nations est, elle aussi, faite d’un flux (réussite temporaire des civilisations les plus riches) et d’un reflux (disparition de la civilisation). C’est ainsi qu’il faut comprendre l’analyse de l’Histoire, résumée précédemment (empires coloniaux, suprématie de la culture européenne). Ce fut le flux, mais le reflux réapparaît à chaque époque. Mais l’errance d’Israël, à l’inverse, ne dépend pas du TEMPS, mais de l’ESPACE. La Révélation du Sinaï a eu lieu dans un espace non lié à une nation, car elle est destinée à l’humanité. Par contre, cette non appartenance du LIEU implique aussi une errance dans l’espace. Liée à la Terre d’Israël, lieu du flux, l’errance est le reflux : naissance dans un désert, lutte permanente pour permettre un séjour fixe, destruction des deux Temples, exil depuis 2000 ans, c’est le reflux dans l’espace, dû au fait qu’il n’y a pas de reflux dans le temps. Israël reste le même dans le désert, en Canaan, avec les Juges, avec les Rois, avec les exils. Même attachement à ce qui assure l’éternité, la relation avec le Tout-Puissant, la diffusion de Son message partout. 

Les exils, les bûchers, les pogroms jalonnent ce reflux, mais le flux reste à Jérusalem : la Providence n’a jamais abandonné le Mur du Temple. Dans les quarante ans du désert, dans les quarante-deux pérégrinations avant la conquête de Canaan, dans les attaques constantes des Philistins dans la Bible, mais aussi plus tard dans le Bassin Méditerranéen, en Europe, en Afrique, jusqu’en Amérique, l’existence d’Israël se joue dans l’espace, mais le temps ne la modifie pas. 

Regardons aujourd’hui : la Shoah fut un reflux terrible, le retour d’une partie du peuple sur le sol sacré traduit ce reflux puis ce flux, la croissance spirituelle d’Israël sur son sol, grâce à la Providence, autant d’étapes de flux et reflux. Il n’y a guère de doute que le refus arabe d’accepter une entité juive sur ce sol est la traduction de ce reflux. Mais l’Éternel n’abandonne jamais Son peuple, fidèle véhicule de la spiritualité absolue. Ainsi devons-nous comprendre la démarche d’Israël : l’Égypte puis 'Amalek ont voulu empêcher Israël d’arriver au Sinaï, de remplir son rôle de véhicule dans l’espace, mais sa fidélité au Maître du monde, à Celui qui transcende le temps, assure sa survie.