Nous vivons depuis plus d’un an, l’« ère Corona ». Si D.ieu veut, nous nous dirigeons vers un « retour à la normale », mais il serait terriblement dommage que tout redevienne exactement comme avant. À travers les épreuves, Hachem nous avertit qu’Il souhaite que nous changions. Bien que nous n’ayons plus de prophètes qui puissent nous dire comment agir, le Torat Avraham écrit que les épreuves remplacent la prophétie. En analysant les domaines les plus touchés par l’épreuve, on peut tenter d’en tirer leçon et de se rapprocher d’Hachem.

Penchons-nous, tout d’abord, sur deux aspects du judaïsme – notre lien avec Hachem en tant qu’individu et notre lien avec Hachem en tant que membre du peuple juif.

Il existe plusieurs interdits qui, s’ils sont transgressés, sont passibles de Karet (retranchement). Mais seules deux Mitsvot positives ont cette conséquence, si elles ne sont pas accomplies – la Mila et le Korban Pessa’h, approché à l’époque du Beth Hamikdach durant la fête de Pessa’h. Que signifient ces deux Mitsvot et qu’est-ce qui les rend uniques ?

Comprenons tout d’abord pourquoi les interdits sont plus souvent sanctionnés de Karet que les obligations. Dans une relation interpersonnelle, comme le mariage, certains actes peuvent affecter le lien, sans le rompre pour autant. Mais certaines actions sont si graves qu’elles peuvent briser cette relation. De même, une faute commise crée un fossé entre l’homme et Hachem, et la profondeur du gouffre dépend de la gravité de la faute. Souvent, quand le tort est irrévocable, il est sanctionné de « Karet ».[1]

Bien qu’empêchant un rapprochement avec Hachem, le fait de ne pas accomplir une Mitsva positive ne brise pas notre lien avec Lui. Une négligence dans ce domaine n’entraîne donc généralement pas une telle punition (celle de retranchement), sauf pour les deux Mitsvot précitées. Pourquoi ?

Quand un homme se marie, il doit s’engager à s’unir à sa femme, sans quoi le mariage ne prend pas effet. L’individu peut effectuer plusieurs bonnes actions, prodiguer toutes sortes de bienfaits, cela ne le rend pas « marié » à l’autre, d’après la Torah. De même, lorsque l’on s’unit à Hachem, il faut un engagement qui marque le lien. La Mila et le Korban Pessa’h sont des alliances avec Hachem, par lesquelles le Juif s’engage à respecter la Torah.

Pourquoi faut-il deux Mitsvot qui marquent ce lien avec Hachem ? Une seule n’aurait-elle pas suffi ? Chacune de ces Mitsvot fait allusion à une certaine forme d’engagement. La Brit Mila fut imposée, en premier lieu, à un particulier – Avraham Avinou. Cette Mitsva représente donc l’engagement de l’individu vis-à-vis d’Hachem. Le Korban Pessa’h représente notre engagement envers Hachem en tant que peuple juif. Ses lois mettent l’accent sur l’importance d’accomplir la Mitsva en groupe, insistant sur l’aspect national de la Mitsva. Ainsi, ces deux sortes d’engagement sont nécessaires – celui du particulier et celui du membre de la nation.

On comprend à présent le sens d’une loi très particulière concernant le Korban Pessa’h. Un Juif incirconcis n’a pas le droit d’en profiter[2]. Pourquoi ? Le fait de ne pas accomplir une Mitsva dispense-t-il de respecter les autres Mitsvot ?[3] En réalité, on ne peut pas sincèrement s’engager vis-à-vis d’Hachem en tant que membre du peuple, si l’on ne s’est pas engagé sur le plan personnel.

Ceci dit, rapportons une remarque faite par Rav Lopiansky, quand on lui demanda quelle leçon tirer de la crise actuelle. C’est la première fois que les synagogues restèrent fermées si longtemps et que les regroupements communautaires furent tellement réduits. Il écrit : « "Qui suis-je ?" Telle est la question que l’on devrait se poser. Nous sommes habitués à prier et à étudier au sein de la communauté, à regarder autour de nous et à agir comme les autres. Nous en sommes venus à croire que notre judaïsme était solide et sain. Mais – surtout durant les plus sombres jours de cette épidémie – quand nous fûmes livrés à nous-mêmes, nombreux d’entre nous réalisèrent que notre judaïsme n’était pas ce que nous pensions. Il convient donc de se poser sincèrement la question : "De quoi ma Avodat Hachem a-t-elle manqué, quand le Tsibour n’était pas autour de moi ?" De même, en tant que communauté, nous devons prendre conscience qu’aussi forts que nous puissions paraître, nous sommes vite ébranlés. Et en tant qu’enseignants, nous devons nous demander : "Sommes-nous en train de bâtir des élèves suffisamment robustes pour tenir le coup quand ils seront seuls ?" »

L’aspect communautaire du judaïsme est essentiel et de grande valeur. Cependant, comme nous l’avons vu dans le lien entre la Mila et le Korban Pessa’h, il ne suffit pas d’être de « bons juifs » quand nous sommes entourés et observés. La Avodat Hachem de l’individu doit être suffisamment solide pour qu’il continue à étudier, à prier et à servir Hachem comme il le faut, même sans la présence de la communauté, et sans l’influence de la pression sociale. La secousse qu’a connu la vie communautaire montra que pour de nombreuses personnes, ce n’est pas le cas. D’où, l’appel de Rav Lopiansky de nous focaliser sur notre niveau spirituel en tant qu’individus. Il faut une grande analyse de soi et de nombreux efforts pour intérioriser les fondements de la Émouna et la Hachkafa de la Torah qui guident le Juif, même quand il est seul.

Puissions-nous mériter de tirer leçon de cette période éprouvante et l’utiliser pour nous rapprocher d’Hachem.

Puissions-nous connaître la rédemption finale cette année.

 

[1] Notons que le repentir peut toujours rectifier le tort causé par la faute (bien que parfois, certaines souffrances doivent être infligées pour expier celle-ci complètement).

[2] Séfer Ha’hinoukh, Mitsva 17.

[3] Ni, bien sûr, la Mitsva en question.