La paracha de cette semaine, « Balak », est nommée sur un roi de Moav, ennemi farouche des enfants d’Israël qui souhaitaient mettre un terme à leurs succès répétés.

Toutefois, conscient que le peuple d’Israël était porté par une « force » et une réussite extraordinaires, il décida de commencer par s’attaquer à l’origine de cette force : le lien avec D.Ieu, en faisant appel à un prophète des Nations, Bilam.

Néanmoins, et en dépit de toute l’énergie et de tous les efforts déployés par Balak et BIlam, leur plan funeste échouera. La lecture de la paracha donne le sentiment suivant : les ennemis d’Israël ont beau s’échiner à vouloir le combattre, voire le détruire, ils ne peuvent rien contre lui, tant que l’Eternel les protège. Même les règles fondamentales de la nature peuvent être suspendues pour sauver Israël des mains de ses ennemis. Aussi verrons-nous dans cette paracha se succéder des situations burlesques, inattendues, inouïes : un âne qui parle, le plus grand prophète des Nations qui voit moins bien que son ânesse, et est aveugle à ce qui se joue devant lui. Ce même prophète qui ne parvient pas à maîtriser sa parole. Les mots sortent de sa bouche, mais il ne les a pas choisis, ils s’imposent à lui. Il veut maudire le peuple d’Israël, mais il est contraint de le bénir !

Il s’agit d’un premier enseignement de taille dans notre quête du bonheur au fil de la paracha. Israël a cette chance unique : il échappe aux règles de la nature, il est un peuple à part directement protégé par l’Eternel, ces ennemis ne peuvent rien contre lui.

Par ailleurs, en contrepoint de la personnalité de Bilam, nous pouvons apprendre les qualités morales que nous devons développer en nous-mêmes pour connaître le bonheur et l’épanouissement.

En effet, Bilam est, dans notre tradition, l’archétype du contre-exemple moral, celui dont nous devons fuir la fréquentation et dont nous ne devons absolument pas imiter le comportement. Il incarne des traits de caractère à l’opposé de ceux des Patriarches. Aussi, dans les Pirke Avot (Les Maximes des Pères), nos maîtres énoncent le principe suivant : « Celui qui possède ces trois qualités fait partie des élèves d’Avraham avinou : un bon œil, un esprit modeste, un appétit limité.  Celui qui possède ces trois qualités fait partie des élèves de Bilam Haracha’ : un mauvais œil, un esprit orgueilleux et une soif de richesse insatiable ».

La première des qualités d’Abraham, qui fait défaut à Bilam, est donc celle du « Ayin tova » « un bon œil ». Dans son commentaire sur les mishanyot, le Rambam s’intéresse de près à cette notion de « Ayin tova » et il note qu’elle permet non seulement d’être heureux de son sort et de sa part, mais outre, elle procure à l’homme une joie et un bonheur authentiques. 

Il ne s’agit pas seulement d’être satisfait et ne pas ressentir de manque, mais cette qualité du « Ayin tova » « le bon œil » va au-delà, elle diffuse au quotidien un sentiment positif d’épanouissement, et de bien-être. Il s’agit de rechercher systématiquement le bien qui se loge dans chaque situation, d’être pénétré de l’idée qu’Hachem s’occupe de chacun d’entre nous et qu’il donne à chacun exactement ce qui lui faut à un instant donné. C’est précisément parce que Abraham était doté d’une telle qualité, voir la bonté infinie de l’Eternel dans le monde, qu’il a été en mesure de transmettre son enthousiasme et sa conviction aux autres homme de sa génération et de les ramener vers la croyance en un D.ieu Unique.

Le bon œil permet donc de déchiffrer le monde à travers un regard positif qui perçoit dans chaque évènement l’extraordinaire bonté d’Hachem (R. A. Miller), le potentiel d’épanouissement qu’il contient et dans quelle mesure l’homme peut en faire un bon usage, une opportunité de se construire et d’avancer dans la vie.

Il ne faut probablement pas penser qu’il existe des être qui naissent avec un « ayin tova » et d’autres avec un « ayin ra’a ». Mais, il est possible de se dire que nous naissons avec ces deux dispositions d’esprit, et il nous appartient précisément de nous considérer comme les élèves d’Avraham Avinou, et de développer la première qualité, celle du « bon œil » et fuir l’« exemple » de Bilam.

Ce n’est pas un exercice facile, car tous les hommes ne sont pas portés spontanément vers l’optimisme, l’ouverture et une approche positive de la vie. Le reconnaître n’est ni un aveu de faiblesse, ni une honte, c’est, au contraire, admettre son humanité avec ses limites, et se donner les moyens de se parfaire, en luttant contre nos pulsions délétères. Certains aiment à dire que « le pessimisme est de nature, l’optimisme de combat ». Aussi, faut-il être prêt à livrer ce beau combat intérieur, imposer le silence au « mauvais œil », au pessimisme, et s’efforcer de rechercher l’harmonie qui traverse le monde, le hessed et la bonté qui sous-tendent la Création.

Il faut, dans ce domaine, partir avec des objectifs modestes, et se dire que chaque fois que l’on parvient à porter un « bon œil » sur la vie, sur les hommes, et bien-sûr, sur « nous-mêmes », nous avons remporté une belle victoire. En célébrant intérieurement chacune de ses victoires, nous parviendrons à prendre goût à cette disposition d’esprit et elle diffusera dans notre quotidien, avec l’aide d’Hachem, une brise rafraichissante de bonheur et d’optimisme.