« Ils se tournèrent, ils montèrent par le chemin de Bachan. Og, roi de Bachan, sortit à leur rencontre – lui et tout son peuple – pour la guerre, à Edréi. Hachem dit à Moché : "Ne le crains pas, car J’ai donné dans ta main, lui et tout son peuple et son pays… » (Bamidbar 21,33-34)

Quand le peuple juif s’approcha du pays de Bachan, son puissant roi, Og, sortit en guerre contre lui. Hachem rassura Moché et lui promit que les Juifs sortiraient vainqueurs. Le fait qu’Hachem enjoigne à Moché de ne pas avoir peur prouve qu’il redoutait cette bataille, chose que nous ne voyons pas lors d’autres combats. Rachi précise la raison de l’appréhension de Moché ; Og avait un mérite spirituel. Plusieurs siècles auparavant, il avait prévenu Avraham que Loth avait été kidnappé, ce qui permit le sauvetage de ce dernier. Mais le Midrach nous révèle que les intentions d’Og n’étaient pas louables du tout. Il savait qu’Avraham allait tenter de sauver son neveu et espérait qu’il soit tué pour pouvoir se marier avec Sarah Iménou. D’après le Kli Yakar[1], Moché ne connaissait pas les véritables intentions d’Og et il craignait donc que son mérite ne le protège lors de sa bataille contre le peuple juif. Mais étant donné ses viles intentions, il ne méritait aucune protection. Le Midrach Tan’houma nous enseigne qu’en dépit de ses arrière-pensées, Og fut récompensé et mérita une longue vie – il avait plus de cinq cents ans lors de ce combat.

Rav Steinman en déduit que toute action aux conséquences positives est récompensée, même si les intentions que l’on avait en l’accomplissant étaient impures, méprisables[2]. On apprend également que si Og avait eu de bonnes intentions en sauvant Loth, ce petit acte de bonté lui aurait peut-être octroyé le mérite de remporter la bataille contre le peuple juif. Ainsi, les intentions qui se cachent derrière les bonnes actions sont d’une importance majeure et fixent le mérite et la récompense reçue.

Si l’on fait une bonne action sans avoir la bonne Kavana, est-ce comptabilisé comme une Mitsva ou est-ce simplement considéré comme un mérite, comme l’acte d’Og susmentionné ? Cette question est sujette à débat parmi les décisionnaires, qui se basent sur plusieurs cas rapportés par nos Sages. Le Sifra statue que si quelqu’un fait tomber de l’argent par terre et qu’un pauvre le trouve et l’utilise pour pourvoir à ses besoins, Hachem accorde une bénédiction à celui qui a perdu cet argent. Certains décisionnaires en déduisent que même si l’on n’a pas l’intention de pratiquer la charité, dès lors que quelqu’un en profite, cet acte est considéré comme une Mitsva.

Par ailleurs, la Halakha stipule : « Mitsvot Tsrikhot Kavana » – Pour qu’une Mitsva soit accomplie, il faut avoir l’intention de faire une Mitsva. Or, sur la base du cas précité, les décisionnaires estiment que cela ne s’applique pas dans les relations interpersonnelles. Ils expliquent qu’il existe deux sortes de Mitsvot ; parfois tout le but de la Mitsva est d’effectuer une certaine action, sans résultat tangible, sans conséquence directe et visible. C’est le cas du Loulav, par exemple. Pour une telle Mitsva, si l’individu n’a pas de Kavana, son acte est insignifiant, car il n’a rien engendré.

Par ailleurs, il existe d’autres Mitsvot, en particulier celles Ben Adam La’havéro, dont le but est le résultat ; par exemple, donner de la Tsédaka à un pauvre. Dans ce cas, même si l’on n’a pas de bonne intention en accomplissant la Mitsva, le but a été atteint, étant donné que le pauvre s’est enrichi. C’est pourquoi, même si l’on a involontairement fait tomber de l’argent par terre et qu’un indigent en a profité, on a accompli la Mitsva de Tsédaka.

Toutefois, d’autres décisionnaires objectent et estiment que toute Mitsva effectuée sans Kavana n’est pas considérée comme telle. Ils pensent que les Mitsvot Ben Adam La’havéro ne sont pas différentes des autres Mitsvot. Le Sifra est alors compris différemment ; la personne a un mérite et reçoit une bénédiction, parce que quelqu’un a trouvé son argent, mais elle n’a pas accompli de Mitsva. Pour Rav ’Haïm Kanievsky également, si quelqu’un accomplit une Mitsva Ben Adam La’havéro sans Kavana, il ne fait pas une Mitsva, mais cela lui ajoute des mérites.

Revenons à Og. Il fit une bonne action à l’égard d’Avraham et fut récompensé par une longue vie. Mais ses mauvaises intentions limitèrent son mérite. On en déduit que si nos actes profitent à quelqu’un, la Kavana jouera un rôle important et déterminera le niveau de récompense que nous recevrons.

Ceci s’applique aussi aux actions qui nous semblent banales, comme le fait de nourrir un enfant ou de s’occuper de lui. Rav Chlomo Wolbe énuméra les nombreuses Mitsvot que l’on peut accomplir au sein de son foyer, uniquement en travaillant sur la Kavana. La même idée s’applique à nos innombrables interactions au cours de nos journées, comme le fait de payer un chauffeur de taxi ou d’informer quelqu’un de l’heure qu’il est.

Puissions-nous tous mériter d’allier les bonnes intentions aux bonnes actions.

 

[1] Kli Yakar 12,34.

[2] Ayélet Hacha’har, Bamidbar 12,34.