Avec les deux parachiyot de la semaine, nous achevons le quatrième de livre de la Torah, le sefer Bamidbar, ainsi que le récit de la Torah, puisque le cinquième livre est considéré comme un résumé des quatre premiers livres.

Ces derniers versets nous présentent également les derniers instants de vie du plus grand prophète que la peuple Juif ait connu. En effet, Moché savait d’une part qu’il ne pouvait pas entrer en Eretz Israël, mais aussi, d’autre part, que la guerre contre Midyan était le dernier commandement qu’il devait accomplir avant de quitter physiquement ce monde.

A cet égard, l’attitude de Moché Rabenou dans notre paracha a de quoi surprendre, car elle va parfois à l’encontre de ce que l’on imaginerait d’un homme dans sa situation.

En effet, comme nous l’avons dit, Moché savait que lorsque la guerre contre Midiyan serait terminée, il quitterait ce monde. Dès lors, on aurait pu imaginer qu’il retarde cette guerre le plus possible, ou bien qu’il y ailler à reculons. Or, nous ne trouvons rien de tel dans l’attitude de Moche Rabenou. Il s’efforce d’accomplir ce commandement sans délai, avec la même attention et la même rigueur que pour les autres mitsvot. Son sort personnel semble lui importer peu au regard de l’importance de la mitsva qu’il doit accomplir.

Ce n’est pas tout. La paracha de masse’ nous donne un autre exemple dans le même sens. Il est question dans cette paracha de désigner les villes refuges qui doivent protéger les « meurtriers involontaires ». Six villes devaient être désignées de part et d’autre du Jourdain, en Eretz Israël et en dehors d’Erets Israël, à la frontière. Par ailleurs, ces villes n’offriraient de protection qu’après avoir été toutes désignées. Or, Moché savait qu’il ne pourrait pas désigner celles d’Eretz Israël puisqu’il ne pouvait pas y entrer. Il aurait pu considérer comme inutile de désigner les 3 villes de refuge en dehors d’Eretz Israël, puisqu’elles n’auraient pas d’utilité tant que les 3 autres villes de refuge d’Israël n’aient été désignées. Il n’en est rien. Moché Rabénou s’empresse d’accomplir également cette mitsva, même si elle n’a pas d’utilité concrète, et il désigne les 3 villes de refuge situées en dehors d’Israël.

Tout ceci souligne l’importance que notre maître, Moshé, accordait aux mitsvot et aux commandements transmis par Hachem aux hommes. Il ne percevait pas ceux-ci comme des contraintes, comme des freins imposés à son libre-arbitre. Il ressentait profondément qu’il devenait davantage lui-même, pourrions-nous dire, au fur et à mesure qu’il accomplissait la volonté de D.ieu. Les mitsvot étaient des moyens d’approfondir son être, de s’élever auprès de D.ieu et de coïncider ainsi avec la finalité de son existence. Chaque mitsva était chérie par notre Moché Rabenou, car il y voyait probablement l’opprotunité de dépasser son statut d’homme en accomplissant la volonté de D.ieu.

En effet, tout au long de sa vie, l’homme agit et parle conformément à son bon sens, à sa volonté, à ce que son esprit lui recommande de faire. Ce faisant, il reste un homme, parfois très vertueux, mais un homme. On peut ainsi imaginer que différentes personnes, cultivant la sagesse, pourraient se retrouver sur des choix de vie ou des conceptions philosophiques communes, même s’ils n’appartiennent pas tous à la tradition juive.

Ce qui fait l’originalité, la richesse et le miracle du judaïsme, c’est précisément le concept de « mitsva ». En les accomplissant, l’homme dépasse son statut d’être humain, il se rattache à D.ieu qui est à la source de ces commandements. Certains d’entre eux dépassent radicalement l’entendement humain, car ces actes relèvent précisément de la volonté de D.ieu . Cette dimension est unique, nul autre être humain, nulle culture, nulle « religion » ne pourra retrouver spontanément certains commandements ordonnés par D.ieu.

Quelle joie dès lors de savoir que, en accomplissant les mitsvot, nous nous rattachons au Créateur du monde, nous accomplissons Sa volonté et nous coïncidons avec la dimension la plus belle et le plus profonde de notre être.

Concluons sur une parabole du Maguid de Douvno qui illustre à merveille ce principe. Le Gaon de Vilna avait qualifié cette histoire de « emet la-amito » « une vérité authentique » approuvée comme telle dans le Ciel.

Il s’agit d’un homme qui avait loué une chambre d’hôtel dans une auberge. Et l’aubergiste lui donne la plus grande chambre, composée de différentes pièces. Le voyageur s’installe dans la dernière pièce au fond de la chambre. Soudain, un employé de l’auberge sonne et entre dans la chambre, et d’une voix épuisée et sacadée il lui dit « Monsieur, vous aviez oublié votre valise en bas, je vous l’ai monté ». Et le voyageur ne se retourne même pas pour voir la valise et déclare « Tu t’es trompé, ce n’est pas ma valise ». L’employé lui objecte alors « Mais, comment le savez-vous ? Vous ne l’avez pas même pas regardée ». Et le voyageur de répondre : « La mienne est très légère, elle ne t’aurait pas tant fatigué ».

Et le Maguid de Douvno, de nous dire que lorsque l’homme accomplit les mitsvot comme des poids, des chages, des contraintes, Hachem n’a pas besoin de « se retourner » pour voir ce que nous faisons, ou ce que nous prétendons accomplir, Il sait que ce n’est pas la Torah qu’Il nous a donnée que nous accomplissons, mais autre chose. La Torah et les mitsvot ne doivent jamais être vécues comme des contraintes, ou des poids. Une telle approche dénote d’emblée une méprise radicale sur nature de la Torah, sa finalité et sa complémentarité avec la nature humaine.

La Torah représente en réalité la sagesse la plus profonde à laquelle nous pouvons aspirer, elle permet à l’homme d’actualiser ses potentialités, de s’orienter vers le bien et le bon et de devenir chaque jour meilleur. Il est vrai, et c’est là tout le défi de l’Homme, que le monde est traversé par des forces contraires, qui font miroiter à l’homme des bonheurs faciles, libérés de toute contrainte, mais dont le goût devient rétrospectivement bien souvent très amer.

A l’image de Moché Rabénou, chérissons les mitsvot et les commandements, essayons, chacun à notre niveau, d’en accomplir davantage. Et, bien sûr, essayons de nous pénétrer que, en les faisant, nous coïncidons avec la dimension la plus profonde de notre être et nous nous élevons notre âme vers davantage de sainteté.