Il est écrit dans la Parachat Pin'has (25, 11) : "בְּקַנְאוֹ אֶת קִנְאָתִי בְּתוֹכָם" (En assouvissant ma vengeance parmi eux.)

« Pin’has fils de Eléazar fils de Aharon le prêtre a détourné ma colère de dessus les enfants d’Israël. » Il convient de s’interroger : avant Zimri, nombreux parmi le peuple avaient déjà fauté avec les filles de Moav et de Midian. Pourquoi Pin’has n’a-t-il pas agi contre ceux-là ? Pourquoi attendit-il que Zimri fasse ce qu’il fit pour intervenir ?

Nous répondrons à l’aide de l’histoire suivante :

Un sage occupait le poste de Rav de la ville. Une année, il fut amené, le jour du neuf Av, à se rendre chez un ministre juif, riche et important, pour plaider la cause d’un juif menacé de mort. En entrant, il vit le ministre attablé avec ses proches, et devant eux, se trouvaient disposés des plats de viande et du vin ancien et prestigieux. Le ministre saisit sa coupe et but devant le sage. Quand il eut fini de boire, le Rav lui dit : « Que la boisson réjouisse votre palais et que vous en profitiez. » Après cela, il lui parla de l’affaire urgente qui l’avait amené en ces lieux, puis se retira.

Après qu’il fut sorti, les élèves qui l’accompagnaient s’étonnèrent : « Nous te connaissons et savons que jamais tu ne te montres hypocrite à l’égard de qui que ce soit. Il est vrai que tu ne pouvais réprimander ce ministre sans te mettre en danger, mais devais-tu pour autant lui souhaiter qu’il apprécie le vin qu’il consomme le jour du neuf Av ! » Le Rav leur répondit : « Par ces paroles, je me suis efforcé d’amoindrir la portée de sa faute. Je sais en effet que les médecins lui ont interdit le vin et la viande, car ils nuisent à sa santé. Aussi s’en abstient-il toute l’année durant. Mais aujourd’hui, il a bu plusieurs verres de vin et mangé de la viande plus qu’à son envie par pur esprit de provocation et de défi. Or il est bien connu que celui qui agit par provocation commet une faute bien plus grave que celui qui ne cherche qu’à assouvir ses appétits. C’est pourquoi je lui ai souhaité qu’il tire profit de sa boisson et de sa nourriture, l’induisant ainsi à boire et manger dans le but de satisfaire son appétit et non pour défier son Créateur. »

De la même manière, Pin’has perçut grâce à l’esprit prophétique que la faute commise par le peuple avec les filles de Midian avait suscité une puissante accusation contre Israël qui lui faisait mériter la destruction. Il trouva cependant l’argument qui permettrait de les sauver : il démontrerait que ceux qui avaient fauté avec les filles de Moav et de Midian, n’avaient agi que sous l’effet de la boisson. Le Midrach raconte en effet comment les Midianites avaient disposé des tentes devant lesquelles de vieilles femmes vendaient du lin tandis qu’à l’intérieur se trouvaient de jeunes débauchées. Les Juifs venaient pour acheter du lin, mais les filles de Midian leur faisaient goûter du vin fort dont ils ignoraient la saveur et les effets. N’ayant fauté que sous l’emprise de l’alcool, leur acte ne revêtait pas la gravité d’une faute commise en connaissance de cause. Mais comment pouvait-on prouver cette absence d’intention ? Pin’has attendit que Zimri, en toute lucidité, se présente avec Cozbi. Alors seulement, Pinhas s’avança, le frappa, puis les montra tous deux plantés sur sa lance devant les membres de sa tribu et devant tous les enfants d’Israël, aussi bien devant ceux qui avaient fauté que devant ceux qui n’avaient pas fauté. Tous virent et se turent. Aucun ne s’approcha de Pin’has pour lui faire du mal. Il apparaissait ainsi que tous justifiaient son geste. S’il en était ainsi, comment expliquer qu’ils aient fauté avec les filles de Midian ? Force était d’admettre qu’ils n’avaient agi que sous l’emprise de l’alcool, si bien qu’après avoir dessoulé, ils approuvaient l’exécution de Zimri. Ainsi, grâce au geste de Pin’has, défendant l’honneur divin en tuant Zimri avec l’approbation silencieuse de tout Israël, il fut possible de défendre la cause du peuple devant le Tribunal Céleste et de le sauver de la destruction.

C’est cela que nous dit le verset : « Il a ôté ma colère d’au dessus des enfants d’Israël », de telle sorte que Je ne les juge pas comme ayant commis une faute volontaire, mais comme ayant agi sous la contrainte. Comment ? En assouvissant ma vengeance « parmi eux », en tuant Zimri en public, au vu de tous, sans qu’aucun ne se lève pour lui faire du mal. Par ce moyen, il a permis que « je ne détruise pas les enfants d’Israël par ma vengeance » et c’est pourquoi « je lui donne mon alliance de paix » (Od Yossef ’Haï).