Dans la Paracha de Pinh'as, il est écrit : « Moché parla à Hachem en disant : " Que Hachem, le D.ieu des esprits de toute chair, institue un chef sur la communauté…" » (Bamidbar, 27:15 -16)

« Hachem dit à Moché : "Fais approcher de toi Yéhochoua bin Noun, homme animé de Mon esprit et impose ta main sur lui." » (Bamidbar, 27:18)

Rachi explique, sur les mots « D.ieu des esprits » : Pourquoi le précise-t-on ? Il [Moché] dit devant Lui : « Maître du Monde, la nature de chacun t’est connue et Tu sais que chacun est différent – institue un chef qui saura diriger chaque homme selon sa nature. »

Moché Rabbénou, réalisant qu’il ne conduira pas le peuple juif en Erets Israël, demande à Hachem de nommer un successeur. Au cours de sa demande, il décrit Hachem de façon inhabituelle, « le D.ieu des esprits de toute chair ».

Rachi explique qu’Hachem sait tenir compte de la spécificité de chaque individu et Moché souhaite que son successeur développe cette qualité autant que possible. Notons que parmi tous les traits de caractère souhaités pour un poste de direction, c’est celui-ci que Moché jugea le plus important.

Il est donc fondamental de comprendre que chacun a une nature différente et qu’il faut diriger et s’occuper de chaque personne conséquemment. Cette qualité ne s’applique pas uniquement au chef du peuple juif – elle est nécessaire chez toute personne qui a une certaine autorité, comme un enseignant ou un parent.

Plusieurs exemples peuvent illustrer cette idée ; nous développerons un aspect peu connu, mais très important, sur la base de l’histoire suivante.

Étant enfant, Ra’hel avait de grosses difficultés scolaires, elle avait beaucoup de mal à apprendre et à retenir, et les spécialistes ne parvenaient pas à comprendre son problème. L’une de ses enseignantes semblait compatir à ses difficultés plus que les autres et était plus indulgente. Une fois, la fillette eut une très mauvaise note à un contrôle. Au lieu de la réprimander, la professeure lui donna une seconde chance, mais cette fois-ci, en lui donnant de nombreux conseils avant le test. La veille du contrôle, Ra’hel travailla très dur et obtint, à sa grande satisfaction, 16/20 – rien d’extraordinaire, mais compte tenu ses difficultés, elle était contente.

L’enseignante, en revanche, était plutôt déçue : « Ra’hel, je comprends que tu n’aies pas réussi le premier contrôle, mais pour le deuxième, je t’ai tellement aidée que tu aurais pu avoir bien plus que 16. Quand j’étais élève, j’avais aussi de grosses difficultés à l’école, jusqu’à ce que je comprenne qu’en faisant plus d’efforts, je pouvais réussir ; dès lors, j’eus de meilleurs résultats. Si tu en faisais autant, tu pourrais exceller. » Ce reproche toucha beaucoup Ra’hel ; elle qui avait travaillé si dur !

En grandissant, elle réalisa que son enseignante avait fait une grosse erreur. Jusqu’alors, elle avait compati avec Ra’hel parce qu’elle avait connu les mêmes difficultés dans son enfance, mais elle pensait que les problèmes de Ra’hel étaient les mêmes que les siens et que la solution serait également identique.

Quand elle vit que ce n’était pas le cas, elle s’impatienta, pensant que son élève était paresseuse, alors qu’en réalité, les problèmes rencontrés par Ra’hel étaient tout autres.

Devenue adulte, Ra’hel se sentit attirée par les élèves en difficultés et elle travailla avec ces enfants. L’une des élèves semblait, comme Ra’hel, ne pas suivre les cours et rêvasser en classe. Ra’hel essaya les méthodes qui l’avaient aidée quand elle était jeune, mais à sa grande déception, cela ne donna rien. Cet échec la contraria.

Elle parla à la thérapeute de l’école des difficultés qu’elle avait à aider cette fillette. La thérapeute lui expliqua qu’il existe deux types d’enseignants pour les enfants en échecs scolaires ; il y a ceux qui ont toujours réussi facilement leurs études et qui veulent aider les personnes moins brillantes et il y a ceux qui rencontrèrent les mêmes difficultés et qui veulent aider les personnes qui vivent la même situation.

L’avantage du deuxième groupe d’enseignants est qu’ils compatissent avec ces enfants, mais cela présente aussi un danger — ils s’attendent à ce que les problèmes rencontrés par leurs élèves soient les mêmes que les leurs, et que les mêmes solutions fonctionnent, bien que ce ne soit souvent pas le cas. La thérapeute proposa d’autres méthodes pour cette élève.

Cette histoire nous enseigne une leçon fondamentale : nous avons tendance à vouloir que les autres réagissent comme nous-mêmes. Ceci est naturel, puisque la seule façon que nous avons de voir le monde est la nôtre.

Pourtant, quand on dirige d’autres personnes, qu’il s’agisse de nos enfants, de nos élèves ou de nos employés, il est essentiel d’éviter de tomber dans ce piège et de réaliser que leurs points forts, leurs difficultés et leurs façons de penser sont probablement très différents des nôtres.

Par conséquent, les méthodes que nous avons utilisées ne seront pas forcément bénéfiques pour les autres.

Nous pouvons ainsi nous inspirer de la Midda (caractéristique, qualité) d’Hachem qui s’occupe de chaque individu de la manière qui lui est la plus appropriée et qui lui permettra de réaliser au mieux son potentiel.