« Et le serpent était rusé, plus que toute bête du champ qu’avait faite Hachem, D.ieu. Il dit à la femme : "Même si D.ieu a dit : ‘Ne mangez pas de tout arbre du jardin’." » (Béréchit 3,1)

Rav Chimchon Raphael Hirsch explique sur l’expression « Même si D.ieu a dit » : « Le désir qui brûle en toi n’est-il pas la voix d’Hachem ? Pourquoi t’a-t-Il donné cette force du désir, du penchant ? La voix qui en est toi n’est-elle pas celle qui te vient en premier ? N’est-elle pas plus explicite ? »

La première faute commença par les paroles énigmatiques du serpent, rapportées dans le verset ci-dessus. Quel était véritablement son argument ? D’après le sens simple, il prétendait que « Même si Hachem avait dit de ne pas manger des arbres, et alors ? ». Mais cela ne semble pas être l’argument le plus convaincant pour inciter ’Hava à agir à l’encontre du commandement explicite d’Hachem.

Rav Chimchon Raphael Hirsch[1] propose une interprétation unique qui met l’accent sur un autre aspect de l’allégation du serpent – « même si D.it a dit de ne pas manger, et alors ? ». En réalité, cet argument était très persuasif : certes, Hachem t’a transmis un message en te disant comment Il veut que tu agisses – Il t’a ordonné de ne pas manger de cet arbre. Mais Il a également placé en toi le désir d’y goûter – cette volonté est également une forme de communication avec toi, qui précède d’ailleurs le commandement oral de ne pas consommer de l’arbre.

Le serpent met en avant une grande contradiction. D’une part, Hachem enjoint de ne pas consommer de l’arbre et d’autre part, une autre voix d’Hachem – cette voix qui est en nous, qui correspond à nos passions et nos désirs – nous pousse à en manger. Le serpent résout le dilemme en arguant que même si Hachem a dit de ne pas manger, Il a inculqué en nous le désir d’en consommer avant de nous l’interdire, donc il convient d’écouter la première voix.

Le serpent fit le raisonnement suivant : Hachem communique avec les animaux à travers la voix qui est en eux et qui s’exprime par leurs instincts naturels. Quand un ours mange un poisson parce que tel est son instinct naturel, il accomplit la volonté divine. Le Pérek Chira montre d’ailleurs comment la nature effectue le Ratson Hachem. Ce qui pose toutefois problème dans cet argument proposé par le serpent, c’est que le projet divin concernant l’humanité était tout autre.

L’homme a des désirs naturels, mais il est censé les soumettre aux commandements de D.ieu. Ce n’est pas contradictoire – les désirs peuvent être positifs et ils doivent être exploités, mais ils ne sont pas ceux qui déterminent les actions de l’individu. Hachem souhaite que l’homme se contrôle et qu’il accomplisse la volonté divine et il y parvient en ne suivant pas aveuglément ses désirs. Rav Hirsch précise : « L’homme n’est pas comme cela [comme les animaux]. Il lui incombe de choisir le bien et de se détourner du mal, grâce à son libre arbitre et à ses devoirs… Ainsi, outre sa force physique, l’homme a une force spirituelle. Inévitablement, sa nature physique va lutter contre le bien et va le pousser à mal agir… La voix d’Hachem ne parle pas en lui, mais à lui et elle lui dit ce qui est bien et ce qui est mal… Pour savoir exactement quelles sont les bonnes actions et quelles sont les mauvaises, il faut apprendre et la seule façon de l’apprendre est d’écouter la voix d’Hachem qui lui parle de l’extérieur [la Torah]. »[2]

Malheureusement, ’Hava fut victime des arguments du serpent et dans les versets suivants, la Torah raconte : « Et la femme vit que le fruit était bon à manger et qu’il était désirable pour les yeux. »[3] Par conséquent, Adam et ’Hava échouèrent à leur premier test (qui devait déterminer s’ils étaient conscients de leur différence de niveau par rapport aux animaux, de leur capacité à faire dominer la voix d’Hachem à leur voix intérieure).

La mission de l’homme depuis cet échec est de rectifier cette erreur et de reconnaître que la parole de D.ieu est la véritable force qui dicte l’attitude de l’homme ; ses désirs naturels devant être utilisés pour effectuer le Ratson Hachem et non pour aller à leur encontre. Ce message est très pertinent de tout temps, mais particulièrement à l’époque actuelle, où l’on parle beaucoup de la « liberté » de l’homme et de ses pulsions naturelles. Ce phénomène est utilisé pour justifier les modes de vie prohibés et odieux, sous prétexte que « l’on est né comme cela ». Outre la nature discutable de cet argument[4], même quand quelqu’un ressent un ardent désir à effectuer un acte prohibé, cela ne rend pas ce dernier permis pour autant. Certes, Hachem communique avec nous à travers note voix intérieure, mais cette voix doit être guidée par la voix extérieure – celle de D.ieu, présente dans la Torah.

L’effort d’écouter la voix d’Hachem plutôt que celle de nos instincts constitue l’une des missions les plus fondamentales de la personne sur terre – si l’on réussit dans ce domaine, on jouera un rôle important dans la rectification de la faute originelle.

 

[1] Rapporté dans le livre de Rav Fohrman, chapitre 6.

[2] Ibid.

[3] Béréchit 3,6.

[4] Il existe plusieurs autres facteurs qui déterminent le comportement de l’individu et ses désirs, par exemple l’éducation qu’il a reçue, le milieu dans lequel il vit, la pression sociale et des facteurs psychologiques.