Hagar est un personnage qui apparaît dans les Parachiot de Lekh Lékha et de Vayéra. Sa personnalité est assez ambivalente : ses traits de caractères sont tantôt loués, tantôt critiqués. Essayons d’analyser les aspects positifs et négatifs de son comportement.

Hagar est présentée comme la fille de Pharaon[1]. Plusieurs Midrachim nous racontent comment elle devint la domestique de Sarah. Le plus célèbre d’entre eux est rapporté par Rachi et nous dit : « Elle était la fille de Pharaon ; lorsqu’il vit les miracles accomplis en faveur de Sarah, il se dit : "Mieux vaut qu’elle soit une servante dans cette maison qu’une maîtresse dans une autre maison." »[2] D’après ce Midrach, c’est Pharaon qui décida d’envoyer Hagar servir Sarah, mais on ne voit pas qu’elle-même souhaitait y aller.

Mais un autre Midrach fait un récit quelque peu différent : « Rabbi Chimon bar Yo’haï dit : "Elle était la fille de Pharaon et quand elle vit les actes de Sarah elle se dit qu’il était préférable d’être la servante de Sarah que la fille de Pharaon." »[3] On déduit d’ici qu’Hagar fit elle-même le choix d’aller chez Sarah et ce ne sont pas les miracles, mais les bonnes actions de cette dernière qui l’y menèrent. Ceci prouve qu’Hagar avait un noble attribut ; elle était prête à renoncer à son statut élevé et à passer à un rang bien inférieur, parce qu’elle souhaitait se lier à la vertueuse Sarah. C’est un sacrifice énorme, mais elle le fit avec joie, pour son élévation.

Cependant, elle perdit bien vite de vue l’objectif de son service de Sarah. Ceci commença lorsque Sarah encouragea son mariage avec Avraham pour qu’elle lui assure une descendance. Au départ, Hagar était réticente[4], peut-être parce qu’elle ne s’estimait pas méritante. Immédiatement après son union avec Avraham, elle tomba enceinte, ce qui nourrit son arrogance, elle se sentait supérieure à Sarah qui n’eut jamais d’enfant durant ses nombreuses années de mariage. Oubliant son rôle subalterne à l’égard de Sarah, elle se mit à la critiquer et à raconter à d’autres femmes que la Matriarche n’était pas si vertueuse qu’elle le paraissait. À cause de son attitude insolente, Sarah, avec le consentement d’Avraham, se mit à éprouver Hagar.[5] Elle désirait par là rabaisser l’orgueil déplacé perçu chez sa servante.

La réaction d’Hagar est éloquente. Au lieu de s’améliorer et d’utiliser cela comme une leçon d’humilité, elle s’enfuit, ce qui prouve une grande faille. Elle était allée chez Sarah pour devenir meilleure, mais dès la première remontrance, elle ne chercha plus à s’améliorer ni à comprendre la cause de sa souffrance ; elle choisit plutôt de fuir les défis présentés par la mission qu’elle s’était fixée.

Des anges lui apparurent et lui enjoignirent de retourner chez Sarah et d’accepter son grade de servante. Ils lui enseignaient qu’en dépit des difficultés impliquées, ce rôle était le plus adapté à son perfectionnement. En outre, ils lui montraient qu’il était inutile de vouloir échapper aux challenges de la vie et de la situation sociale.

Hagar n’intériorisa pas entièrement cette leçon – à savoir, quand une personne est testée sur ses projets quant à son avancée spirituelle, elle ne doit jamais baisser les bras et abandonner. À son retour dans la maison d’Avraham, Hagar donna naissance à Ichmaël. Quelques années plus tard, après la naissance d’Its’hak, il devint évident qu’Ichmaël présentait un sérieux danger physique et spirituel pour Its’hak. Sarah insista pour qu’Avraham renvoie Hagar et son fils, discipline dont Hachem confirma la justesse.

Ichmael était malade lors de son exclusion et fut bien vite en danger de mort. La réaction d’Hagar indique, ici aussi, la même tendance à mal réagir aux situations difficiles. La Torah écrit : « Elle erra »[6] Rachi explique que cela signifie qu’elle s’éloigna d’Hachem et qu’elle revint à l’idolâtrie dans laquelle elle avait grandi. Ainsi, sa Émouna n’était pas suffisamment forte pour résister aux difficultés. La Torah poursuit : « Quand l’eau de l’outre fut terminée, elle abandonna l’enfant au pied d’un arbre. Elle partit s’asseoir au loin en disant : "Je ne veux pas voir cet enfant mourir. " »[7]

Voici une réaction vraiment scandaleuse ; au moment où son fils unique est sur le point de mourir, elle ne se concentre que sur son inconfort personnel – sur le fait d’assister à sa mort – au lieu de le réconforter à cet instant si douloureux. Une fois de plus, Hagar a fui le décret Divin qui l’avait mise dans une situation éprouvante.

’Hazal la mettent néanmoins à l’honneur et nous informent qu’elle finit par se repentir et devint vertueuse. Durant sa séparation avec Avraham, elle lui resta fidèle et ne se remaria pas. On lui donne un autre prénom, Kétoura, allusion au fait que ses actions étaient aussi bonnes que l’encens (Kétoret, en hébreu). Elle a, en quelque sorte, rectifié sa faille quant à sa façon de réagir à la difficulté ; après avoir été renvoyée de la maison d’Avraham, elle resta attachée à ses enseignements et eut par conséquent le mérite de se remarier avec lui[8].

Ses actions passées nous servent d’exemple pour savoir comment ne pas réagir quand la Providence décrète quelque chose qui nous semble négatif. Notre Avoda est de ne pas fuir l’épreuve, mais de nous tourner vers Hachem à travers la prière et l’amélioration de soi. De cette manière, nous pourrons utiliser ces incidents pour nous rapprocher d’Hachem.



[1] Voir Béréchit, chap. 16 et chap. 21. Pour le récit détaillé des incidents concernant Hagar.

[2] Béréchit Rabba, 45:1 rapporté par Rachi, 15:1.

[3] Torah Chéléma du Rav Ména’hem Kasha zatsal, rapporté par le Min’hat ’Haïm, p. 673-674.

[4] Rachi, Béréchit, 15:3 affirme que Sarah dut convaincre Hagar de se marier avec Avraham, ce qui laisse sous-entendre qu’elle ne voulait pas s’unir à lui.

[5] Voir Béréchit Rabba, 45:6 et les commentateurs pour les divers avis sur la façon dont Sarah affligea Hagar.

[6] Béréchit, 21:14.

[7] Béréchit, 21:16.

[8] Béréchit, 25:1.