Barak Obama, prononce au New Hampshire, le 8 novembre 2008, un discours de victoire à la présidence des USA qui fera date dans l’histoire des victory speechs. Trois mots clefs, comme un refrain, deviendront son credo, et donneront le ton à sa double mandature à la Maison Blanche : 

« Yes, we can ! »

Obama, ses hommes et ses stratèges politiques utiliseront ce slogan, contenant un appel irrésistible à l’espoir, à la concrétisation des rêves, et surtout à la foi en l’homme, tout au long de sa cadence. Il suffit de volonté et de détermination pour réussir. 

Il faut comprendre qu’en 2007, Obama, candidat du parti démocrate, pressenti à la présidence des USA, doit surmonter deux handicaps : il a des origines africaines du côté paternel (et l’Amérique blanche, « sudiste » et conservative, ne le voit pas d’un bon œil) et son père est né dans la religion musulmane. Sept ans après les attentats du 11 septembre faisant 2977 victimes, perpétrés par Ben Laden, extrémiste islamiste envoyant ses kamikazes sur 4 centres névralgiques des USA, le défi de cette élection est de taille… Et il y parvient. 

Le ton est donné et depuis, plus que jamais, son « Yes, we can » va être adopté par la planète. Rien ne peut s’opposer à la volonté de l’homme nouveau, conçu, pensé, rêvé par l’Occident. 

Building et hommes d'affairesFusée au décollage

Maradona en mieux

La NASA met au point un dôme protecteur qui évitera que des astéroïdes pénétrant dans notre atmosphère ne s’écrasent sur terre. « Besoin de personne », on se tape sur l’épaule. C’est merveilleux, la technologie de pointe au service des humains. Yes, we can !

L'ère du coaching est là. Un bon entraîneur vous promet-on, et vous êtes virtuose du violon à 45 ans, star du foot ou Elon Musk en mieux. Yes, we can !

Encore un petit effort, et les neurosciences y sont presque : greffe de cerveau, homme bionique, on repousse la mort et la vieillesse, et on pense contrôler ces ennemis jurés de l’humanité. Yes, we can !

Et pourtant quelque chose dans la façon qu’a l’Occident d’exhiber ses exploits, cette suffisance, cette assurance à pouvoir repousser les limites, rappelle la génération antédiluvienne qui rêvait de s'autogérer, sans ne plus être dépendante du « bon vouloir » de l'Être Suprême… 

Que l’homme exprime ses talents, laboure le merveilleux monde qui s’offre à lui, exploite les trésors qu’il renferme est plus que légitime. Il a été créé pour.    

Mais seuls sur la planète, les terriens dans leur grande majorité ont décidé de larguer les amarres et sur leur radeau bleu naviguant dans l’espace, ils veulent se débrouiller tout seuls et ne rendre de comptes à personne. 

Ce « Yes, we can » là, n’est plus un vecteur de respiration, de hauteur, même s’il en a l’air. Il nous isole, nous colle toujours plus à la matière, et repliés sur nous-mêmes, télécommande en main, abrutis devant un smartphone qui nous dit que nous pouvons tout, il nous accable. 

On frappe les 3 coups 

La Paracha la plus spectaculaire du ‘Houmach s’ouvre devant nous. Elle contient toute la complexité des relations humaines à venir, prophétise les luttes qui auront lieu entre nous et les nations, et dont l’issue fixera la direction morale du monde. Ceci dans une mise en scène complètement avant-gardiste, où l’innocent se déguise pour mieux ruser avec le mal, et où le fourbe pleure comme un enfant, s’étant fait « rouler » par son frère. 

Le personnage d’Essav qui apparaît ici pour la première fois est fascinant. Il naît « fait », comme son nom l’indique, et chose incroyable, avec des dents et un système pileux complet. Pas besoin de développement, de maturation, d’adolescence ou de périodes charnières : il est fini, accompli, dès ses débuts. 

Et il peut. Oh, Yes,… he can !

Rien ne lui résiste : il chasse femmes et gibiers, quand il a faim, il n’attend pas, et il a bien l’intention de profiter du monde, sans perdre les privilèges d’être l’héritier d’un père exceptionnel. La vie est pour lui un terrain de jeux, de sport, de plaisir lui offrant jusqu'à 120 ans, une palette variée de stimuli

On peut se demander quelles étaient les relations entre ces jumeaux, s'ils jouaient ensemble, parlaient ensemble, avaient des affinités, car Ya’acov, certainement plus réservé que son frère, assis dans la maison d’étude, accommodant, droit, aimant la réflexion, ne devait pas éveiller beaucoup d’intérêt chez cet homme de trophées, de paraître et de séduction.  

Homme étudie la torah

Même Its'hak s’y trompera, croyant voir en Essav celui qui sublimera sa nature charnelle et qui, aidé par les bénédictions paternelles, allait atteindre la perfection. 

L’art de « ne pas pouvoir »

Ya’acov, le frère d’Essav, est lui l’artiste du « Yes, we can’t ».

Pas le « yes, we can’t » de la démission du monde, de la passivité et de la dépression, qui nous fait rentrer sous les couvertures, parce que « à quoi bon ? », « ça sert à quoi ? ». Non.

Mais celui qui sait que sans Lui, we can’t anything. 

Est-ce que Yossef peut quelque chose, bel adolescent, tellement prometteur, issu de la famille la plus noble et respectée du Moyen-Orient, lorsqu’il se trouve à 17 ans dans une caravane d’Ichmaélites, puis dans les cachots d’Égypte sur une dénonciation mensongère, et enfin, propulsé au sommet du gouvernement égyptien, bras droit de Pharaon, ministre du Trésor, de l’Agriculture et de l’Intérieur ? 

Est-ce que Yossef a contrôlé quelque chose ? Tout ce qu’il a pu, c’est reconnaître que D.ieu avait des desseins pour lui, et chaque fois qu’il se trouvait à un carrefour critique, avoir l’intelligence de se placer à la bonne intersection. 

Et le petit David, rejeton de la prestigieuse famille d'Ichaï, rouquin aux grands yeux, mis à l’écart car soupçonné d’être un bâtard, que le prophète Chmouel va oindre à la stupéfaction des siens, peut-il quelque chose ? Lui qui deviendra le plus grand roi d’Israël, guerrier hors pair, ne cessera de dire dans ses Psaumes que si un instant l’Éternel l’oublie, il n’est plus rien… 

Et le jour saint du Chabbath ? N’est-il pas un « yes, we can’t » par excellence, la preuve que tout continue dans le monde sans aucune intervention de notre part ?

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Comme c’est bon de ne pas pouvoir. De laisser entrer le Très-Haut dans nos vies et de poser nos bagages. 

Contrairement à ce que croit Edom, ne pas pouvoir est l’ouverture à l’apaisement et au bonheur. 

Si Essav et Ya’acov sont frères jumeaux, ce n’est certainement pas par hasard, car la nuance entre leurs notions de pouvoir, agir, œuvrer est fine, à s’y tromper. L’un y a mis le Divin, l’autre l’en a vidée.

Et ces deux conceptions vont s’entrechoquer tout au long de l’histoire. 

Profondément, essentiellement, la direction que les hommes vont choisir de donner à l'aventure humaine est là. Et il va falloir choisir son camp.  

« Yes, we can » or « Yes, we can’t », that's the question !

fresque tableau