La Haftara de cette semaine est tirée du deuxième chapitre du livre des Rois et nous conte les dernières heures du Roi David.

Au seuil de sa vie terrestre, le Roi David convoque ainsi son fils Salomon, son successeur sur le trône du royaume d'Israël, afin de lui donner des ultimes instructions. Rappelons également que Salomon était particulièrement jeune pour assumer de telles responsabilités : il n'avait alors que 12 ans ! Mais son père était confiant dans sa sagesse qui lui permettrait de régner avec intelligence soutenu par l'aide essentielle d'Hachem.

Le Roi David va tout d'abord exhorter son fils à se conformer durant toute sa vie à la volonté de l'Eternel « en marchant dans Ses voies, et en respectant Ses commandements ». Mais ces derniers instants particulièrement solennels et chargés d'émotion vont révéler une préoccupation « étonnante » de prime abord du Roi David, concernant certains membres de son entourage qui l'ont servi ou qui l'ont trahi.

Il faut dire que durant sa vie, le Roi David a dû mener de nombreux combats, non seulement à l'extérieur de son royaume, mais également au cœur de celui-ci et parfois même dans sa famille.

Notre texte évoque notamment le cas de trois personnes proches de David et vis-à-vis desquelles il estime encore nécessaire de donner des instructions à son fils.

La première personne évoquée est Yoav ben Tsérouya, qui a été durant de nombreuses années le général de l'armée de David, un proche parmi les proches qui avait la confiance du Roi. Or, à plusieurs reprises, cette confiance va être trahie, Yoav privilégiant son analyse et sa volonté aux ordres du Roi.

Et la Haftara évoque notamment les cas d'Avner et d'Amassa. Avner a été le général de Chaoul durant son règne, et à ce titre, il a combattu David puis s'est rangé derrière le fils de Chaoul, Ichbochet, rival de David. Pourtant, il va ensuite décider de servir le nouveau Roi d'Israël et proposer ses services à David. Ce dernier se réjouit de cette nouvelle et accueille avec plaisir et honneur Avner à ses côtés. Mais Yoav voit d'un mauvais œil ce ralliement « tardif », d'autant plus qu'il n'avait pas été consulté, et qu'Avner avait tué précédemment son frère Assael. Il tend un piège à Avner et le tue. David prendra le deuil publiquement pour Avner, quels qu'aient été leurs différends dans le passé, désavouant ainsi son général Yoav.

Lorsqu'il met en garde son fils au sujet de Yoav, David évoque également le cas d'Amassa. Ce dernier est un ancien général d’Avchalom, à l’époque où ce dernier s'était rebellé contre son père David. A la mort d'Avchalom, tué par Yoav contre l'ordre de David, Amassa se range derrière David, et ce dernier décide de remplacer Yoav qui vient de lui désobéir à nouveau par Amassa.

Lorsqu'il fut menacé par Chéva ben Bikhri, un rebelle impitoyable, le Roi David chargea Amassa de lever une armée en enrôlant les hommes de Yéhouda. Or, Amassa les trouva plongés dans l'étude de la Torah. Il les laissa finir leur étude avant de les enrôler, donnant ainsi une préséance à la Torah devant les ordres du Roi, conformément à la tradition. Mais Yoav ne voyait pas cela d'un bon œil et tendit à nouveau un piège à Amassa qui lui permit de le tuer.

Le Roi David n'avait pas souhaité condamner à mort Yoav de son vivant, car cela aurait pu être interprété de manière erronée par le peuple, et fragilisé la royauté. A la fin de sa vie, David était davantage libre d'agir conformément à ce que sa conscience lui dictait.

Reste à mentionner un point essentiel : David aimait Yoav qui était son neveu (fils de sa sœur Tsérouya). Il était versé dans la Torah et avait de grandes qualités de cœur et de générosité notamment vis-à-vis des pauvres. Rachi complète l'ordre donné par David à son fils de la manière suivante : « Assure-toi de faire exécuter Yoav dans ce monde afin de lui épargner les souffrances dans le monde à venir ».

Mentionnons également rapidement le cas des deux autres personnes évoqués par David.

Chimi ben Guéra s'est illustré en montrant une hostilité farouche à David lorsqu'il était en fuite face à son fils Avchalom. Chimi le poursuivait en l'insultant. Lorsque David fut couronné Roi, Chimi vint au devant du Roi pour s'excuser et le supplier de ne pas le tuer. David l'assura qu'il ne le tuerait pas personnellement.

Enfin, David mentionne le cas de Barzilaï au sujet duquel il recommande à son fils d'accueillir ses enfants à la table royale. En effet, alors que le Roi David et son armée devaient fuir face à Avchalom et qu'ils étaient fatigués et affamés, Barzilaï vint à leur rencontre avec des lits et des provisions. David en conçut une profonde reconnaissance pour son bienfaiteur.

Liens entre la Haftara et la Paracha

Les liens entre la Paracha et la Haftara sont nombreux. Nous pouvons tout d'abord mentionner des versets similaires, notamment le premier énonçant « les jours de sa mort s'approchèrent », que l'on retrouve également dans la Paracha où ces mots s’appliquent au patriarche Yaakov. Nos Sages nous disent que cette expression est employée notamment lorsqu'une personne meurt à un âge plus jeune que ses ancêtres, ce qui fut le cas de David et Yaakov.

Un second verset peut s'appliquer à la fois à David et Yaakov et évoque le fait qu'ils « reposèrent avec leurs pères ». Ce verset fait allusion également au fait qu’aussi bien Yaakov que David méritèrent d'avoir un fils méritant pour leur succession.

Enfin, Yaakov et David ont ceci en commun qu'ils sont demeurés dans la tradition comme des « hommes » qui ne sont jamais morts. Nous disons ainsi dans la Talmud que « Yaakov Avinou Lo Met », Yaakov n'est pas mort, dans la mesure où nous poursuivons sa tradition. De même, nous avons coutume de dire « David Mélèkh Israël ‘Hay Vékayam » (David, le Roi d'Israël, est vivant et existe).

La Paracha et la Haftara nous présentent toutes deux Yaakov et David donnant leurs ultimes recommandations à leurs enfants, et les enjoignant de poursuivre l'observance de la Torah, des Mitsvot et de demeurer dans les voies d'Hachem.

Bien sûr, une différence de taille ressort de la comparaison entre les vies de Yaakov et David. Le patriarche Yaakov quitte ce monde, entouré de ses 12 fils, tous des Tsadikim, des justes ; alors que le Roi David a connu durant sa vie bien des tourments avec ses enfants.

L’écho de la Haftara

La Haftara de cette semaine impose de s'interroger profondément sur les leçons que nos Sages ont voulu nous transmettre en choisissant ce texte. En effet, nous savons que chaque Haftara a été choisie pour les leçons éternelles qu'elle renferme. Or, notre texte semble relater des faits historiques relatifs à la vie de David et à sa succession sur le trône d'Israël. En outre, il faut admettre que nous pouvons ressentir un malaise face à ce texte qui rappelle des dissensions internes à notre peuple, des trahisons peu glorieuses, et nous met face à l'application d'une justice stricte au sein du peuple.

Peut-être pouvons-nous évoquer les pistes de réflexion suivantes :

Tout d'abord, notre texte nous rappelle que les Tsadikim, à l'instar du patriarche Yaakov ou du Roi David, font preuve d'une pleine lucidité à la fin de leur vie, et qu'ils abordent celle-ci sans sentiment de panique, mais avec une forme d'apaisement quant à leur vie dans le Olam Haba, le monde futur. Ils prennent soin de donner des recommandations emplies de sagesse à leurs enfants.

C’est ainsi que David, en pleine possession de son intelligence et de sa sagesse, enjoint son fils tout d'abord de rester près d'Hachem, et lui recommande ensuite d'appliquer une justice rigoureuse à l'égard de ceux qui pourraient menacer non seulement son pouvoir politique, mais aussi et surtout l'avenir spirituel du peuple.

Il faut reconnaître que Yoav et Chimi étaient érudits en Torah et avaient des qualités incontestables. Chimi était un Talmid ‘Hakham et était même le Rav du Roi Salomon. Voilà pourquoi le nouveau Roi va effectivement user de sa sagesse, comme lui a recommandé son père, pour exercer la justice sur Chimi. Il ne le condamne pas directement mais le met à l'épreuve pour voir s'il a vraiment fait Téchouva, et si, à présent, il est capable d'écouter et de respecter la royauté comme le recommande la Torah.

Sa sanction consiste à devoir rester à Jérusalem toute sa vie, avec une interdiction absolu d’en sortir. Cela peut ressembler davantage à une récompense qu’à une punition. Mais lorsque ce privilège devient un ordre, et l’enjeu d’une soumission à une autorité extérieure, les choses se compliquent fortement. Aussi, Chimi ne résistera pas, et au bout de trois ans, il désobéira au Roi. Son sort sera alors scellé.

De même, Yoav a fauté en n'acceptant pas la Téchouva de ces opposants d'hier. A la différence de David qui a toujours valorisé la capacité de l'homme à se repentir, Yoav, qui avait également de grandes qualités personnelles comme nous l'avons vu, faisait preuve d'une intransigeance coupable vis-à-vis de ces anciens adversaires.

C'est probablement, en partie, sur ces profondes questions spirituelles que nos Sages ont souhaité éveiller notre conscience à travers cette Haftara ; plus que sur les éléments factuels que nous ne pouvons pas toujours comprendre, et qui concernent des hommes extraordinaires dont nous ne pouvons sonder toutes les motivations.

En revanche, la capacité à accepter le repentir sincère et authentique des pêcheurs, les actes de bonté que nous devons accomplir vis-à-vis des faibles et des opprimés à l'image de Barzilaï, ou encore la nécessité de respecter les leaders spirituels de chaque génération sont des notions ô combien actuelles et sur lesquelles, nous le voyons à nouveau, l'équilibre de notre peuple est établi. Rappelons cet enseignement éternel de nos Sages : la Torah, les actes de bonté et la justice sont les piliers sur lesquels tient le monde.