Nous voici parvenus avec l’aide d’Hachem, cette semaine, à la dernière Paracha du livre de Béréchit. La fin de ce livre coïncide également avec l’évocation des dernières années de vie sur terre de notre Patriarche Yaakov.

La Paracha commence en évoquant les 17 années de vie passées par Yaakov en Egypte. Rachi nous précise que ce décompte spécifique nous indique les années de bonheur plein et entier que connut Yaakov dans ce pays.

En effet, la vie du Patriarche a été jalonnée par de nombreuses épreuves depuis notamment la rivalité avec son frère Essav, les tromperies de Lavan, sa vie de famille éprouvée par la stérilité de Ra’hel puis la disparition de Yossef. Enfin, Yaakov connaît quelques années de quiétude au sein de sa famille à nouveau réunie, à l’abri du besoin et pouvant s’adonner à l’étude de la Torah.

Il connaît également le bonheur de voir sa famille s’agrandir, et notre Paracha nous décrit le bonheur intense qu’il ressent en bénissant les enfants de Yossef, le fils tant aimé qu’il croyait ne plus jamais revoir.

Le Rav Chimchon Raphaël Hirsch nous rappelle que le formalisme de notre Paracha déroge avec la forme traditionnelle des Parachiot dans la Torah. En effet, généralement, les nouvelles sections de la Torah commencent par un retour à la ligne dans le Séfer Torah. Or, cette semaine, la Paracha Vaye’hi fait suite au texte précédent de la Torah sans aucun signe distinctif. Notre Paracha est ainsi dite « Stouma - fermée », c’est-à-dire sans espacement avec la Paracha précédente.

Le Rav Hirsch veut y voir une leçon sur le sens à donner aux premiers mots de notre Paracha, et notamment au bonheur que vit à présent le Patriarche au sein de sa famille. Ce sentiment de plénitude ne saurait être analysé de manière isolée, indépendamment des événements précédents.

Au contraire, en ne marquant aucun arrêt entre les textes, la Torah veut nous enseigner que le bonheur authentique, durable, intense est généralement le fruit des efforts et des difficultés qui l’ont précédé. Celles-ci contribuent à forger le caractère d’un homme et lui permettent de dépasser ses ressources d’origine afin d’atteindre un niveau qu’il ne soupçonnait pas à l’origine.

Sans évoquer les drames vécus par Yaakov, D.ieu nous en préserve, chacun d’entre nous peut faire l’expérience par exemple, dans la Avodat Hachem (le Service divin, les progrès accomplis dans la pratique religieuse), de périodes plus ou moins difficiles durant lesquels nous devons puiser au fond de nous les ressources nécessaires pour progresser dans l’étude ou dans la pratique des Mitsvot. Ces moments charnières nous permettent de passer des seuils et nous propulsent dans une vie dont nous savourerons plus tard le bonheur.

Les maîtres du judaïsme nous enseignent que celui qui souhaite vivre des moments de joie intense doit au préalable surmonter certaines difficultés. Nous pouvons ainsi penser à ces paroles des Sages du Talmud qui posent la question suivante : « Que doit faire l’homme qui souhaite vivre ? » Et de répondre : « Se tuer… »

Effectivement, c’est uniquement en « tuant » son orgueil, ses pulsions instinctives matérielles qui lui donnent l’illusion de vivre, que l’homme pourra atteindre une vie autrement plus qualitative en accord avec l’essence de son âme.

C’est d’ailleurs à propos de Yaakov précisément que le Talmud nous enseigne : « Yaakov Avinou n’est pas mort. De même que ses descendants sont vivants et continuent de perpétuer son héritage spirituel, de même Yaakov lui-même est vivant ».

Nous constatons effectivement dans notre Paracha que Yaakov est bel et bien vivant et entouré de ses 12 fils Tsadikim, comme le disent nos Sages : « Mitato Chel Yaakov Chelema - la descendance de Yaakov est parfaite ». Il en aura la confirmation dans notre Paracha. En effet, alors qu’il craignait que l’un de ses enfants ne suive pas la voie qu’il a tracée, il entendra tous ses enfants proclamer d’une seule voix : « Ecoute Israël, l’Eternel est notre D.Ieu, l’Eternel est Un ».

Cette élévation spirituelle de tous ses descendants sans exception survient pour la première fois dans l’histoire biblique et constitue certainement, pour un père, l’un des plus grands bonheurs auquel on peut prétendre sur terre.

Mais il est également possible d’interpréter cette conjonction de bonheur et de perfection d’une autre manière. En effet, le bonheur n’est pas toujours la conséquence de la « perfection », il peut en être la cause. Nos Sages nous enseignent que le plus haut niveau de service de D.ieu est celui que l’on atteint lorsque l’on agit par « amour », avec joie et gratitude.

Cet état de félicité et d’harmonie intérieure permet d’élever le Service divin à son plus haut niveau. Voilà pourquoi en ces instants où la famille de Yaakov est réunie autour du Patriarche, où les discordes ont laissé place à l’unité et la fraternité, où tous proclament leur amour de D.ieu, il est possible de dire : « Mitato Chel Yaakov Chelema - l’héritage de Yaakov est parfait ! »

Chabbath Chalom !