Après avoir reçu la Torah au mont Sinaï, complétée par les principes fondamentaux de la justice qui doivent réguler les relations entre les hommes, le peuple juif se voit confier une merveilleuse mission : construire une résidence sainte pour Hachem.

En effet, la Torah ne considère pas que la terre est le lieu des hommes et qu’elle n’est pas digne de recevoir la Présence divine. Au contraire, nos Sages nous rappellent régulièrement que l’essence de la Présence divine est de résider sur terre, comme leurs paroles le signifient : « Ikar Chékhina Béta’htonim ». Toutefois, il appartient à l’homme de faire en sorte que les conditions soient réunies pour permette à cette Présence de résider parmi eux.

Examinons à présent le verset bien connu invitant l’homme à construire cette demeure (Chémot, 25, 8) : « Et ils me construiront un sanctuaire, afin que Je réside parmi eux ».

Une première interprétation de ce verset semble indiquer que grâce au sanctuaire qui accueille la présence divine, D.ieu peut désormais « résider » parmi les hommes. Néanmoins, au-delà de cette première explication, les commentaires nous invitent à aller plus loin et à comprendre que ce dont il est question ici, c’est avant tout la capacité de l’homme à accueillir D.ieu en lui, et pas seulement dans un sanctuaire extérieur sur terre.

En effet, les commentaires soulignent que le pluriel « afin que je réside parmi eux » (et non « afin que je réside en lui », ce qui aurait été la suite logique du début du verset qui mentionne le sanctuaire) témoigne que le projet divin est de résider en l’intériorité des hommes, c’est-à-dire dans leur cœur.

Effectivement, la Torah place un espoir infini dans les capacités de l’homme à s’élever, à se raffiner, et à assumer sa création à l’image de D.ieu. La Torah nous y invite explicitement à travers l’injonction bien connue : « Soyez saints, car Je suis saint ». L’homme a donc la capacité de recevoir D.ieu en lui à condition de se sanctifier, c’est-à-dire par le fait de prendre ses distances avec le matériel en ne le considérant pas comme une fin en soi, autrement dit comme une source de jouissance personnelle.

L’homme doit plutôt rechercher la possibilité qu’offre le matériel de servir D.ieu et de percevoir Sa grandeur à travers la beauté de la nature et les miracles du quotidien. De cette manière, le cœur de l’homme n’est pas envahi par une relation de profit avec le matériel, par une surenchère d’envies insatiables et des calculs personnels, mais il est libre afin de ressentir et d’accueillir le souffle de la Présence divine dans le monde.

Ce n’est pas seulement le cœur de l’homme et son rapport au matériel que l’homme doit sanctifier, mais aussi naturellement l’ensemble de son être et de son corps. En effet, les membres de notre corps sont les intermédiaires grâce auxquels nous percevons le monde qui nous entoure et pouvons nouer des relations avec autrui. Or, ces membres doivent aussi être contrôlés afin de permettre à l’homme d’atteindre son idéal de sainteté. C’est la raison pour laquelle notre tradition accorde une importance si grande à la capacité de l’homme à « préserver » certains organes, car ils sont les canaux à travers lesquels nous pouvons faire pénétrer en nous des idées, des pensées ou des sentiments qui nous élèvent, ou inversement qui nous rabaissent.

Inutile de s’étendre sur les conséquences néfastes engendrées par des visions non conformes à l’esprit de la Torah, qui pénètrent en nous en un instant et mettent ensuite des années à disparaître de notre mémoire (lorsque cela est possible…).

Pensons également aux paroles que nos oreilles entendent. En effet, elles sont susceptibles de créer et d’entretenir en nous des pensées négatives qui nous envahissent et nous perturbent, ou encore des sentiments négatifs sur autrui à cause de la médisance à laquelle nous aurions, D.ieu nous en préserve, prêté l’oreille.

Quant à la bouche, chacun connaît les règles exigeantes que nous devons respecter afin de ne pas porter préjudice à autrui par des paroles inappropriées. De même, nous devons nous efforcer de faire régner, dans notre esprit et dans notre cœur, des pensées de ‘Hessed (bonté) et de Sim’ha (joie) propices à l’élévation spirituelle.

Ces recommandations de nos Sages, maintes fois répétées dans la Torah, concourent sans aucun doute à sanctifier l’homme, à l’immuniser contre les influences négatives de la société et à faire de son corps une demeure adéquate pour Hachem. L’homme qui s’engage dans cette voie témoigne d’un profond amour de D.ieu et de la Torah, ainsi que d’une capacité à s’effacer et à contrôler ses pulsions en vue d’un idéal supérieur : servir D.ieu.

Rappelons que Rachi commente le verset susmentionné de la manière suivante :

Et ils me construiront un sanctuaire : Ils feront à Mon intention une maison de sainteté.

Rachi rappelle ainsi opportunément que cet effort de sanctification doit être fait exclusivement « Lichma », autrement dit en l’honneur de D.ieu et de manière désintéressée. L’homme ne doit pas rechercher une reconnaissance de son niveau spirituel, c’est-à-dire qu’il ne doit pas chercher à vivre « un moment d’élévation spirituelle » ou à prouver quoi que ce soit. Au contraire, il doit tenter de se raffiner pour D.ieu « Bétemimout », avec intégrité, modestie et humilité, en connaissant ses limites mais aussi la grandeur à laquelle il est appelé à s’élever. C’est ainsi que la seule demeure qui sied à Hachem est celle que l’homme se construit dans l’intériorité de son cœur et de son âme, en raffinant son être par amour pour Lui.

Les mots de notre Paracha prennent un relief particulier en ce début de mois de Adar. En effet, les Sages décomposent parfois « Adar » par « Alef-Dar », c’est-à-dire l’Unique, le Maître du monde réside parmi le peuple juif. C’est précisément cette présence qui donne à ce mois une joie intense (Rav Rozenberg). Ce contexte particulièrement favorable doit permettre à l’homme de se rapprocher de son Créateur, et de s’engager dans la voie du repentir par amour afin de permettre à D.ieu de résider pleinement en lui.

Nous ne trouverons probablement pas de meilleure conclusion que ces mots du prophète Isaïe (ch.66, 1-3) :

« Ainsi parle l'Eternel : Le ciel est Mon trône et la terre Mon marchepied : quelle est la maison que vous pourriez Me bâtir, le lieu qui Me servirait de résidence ? Mais, tout cela, Ma main l'a créé ! Tout cela est né d'une parole de l'Eternel ! Voici pourtant ce que J'aime à embrasser de Mes regards : les humbles, ceux qui ont le cœur contrit, ceux qui craignent Ma parole ».