La Paracha nous présente une cérémonie tout à fait unique. Quand les Juifs entrèrent en Erets Israël, ils passèrent entre deux montagnes – Har Guérizim et Har Héval. Six tribus se placèrent sur une montagne et les six autres sur la deuxième. Une série de bénédictions et de malédictions furent récitées, à laquelle tout le monde devait répondre Amen.

La Torah énumère les onze malédictions liées à certaines fautes. Cette cérémonie était une Kabalat Chevoua (un serment) nationale de ne violer aucune de ces onze transgressions. Parmi les actes méritant une malédiction, on trouve le fait de faire une gravure ou une idole et de la garder en secret, de dénigrer son père ou sa mère, de reculer la limite de son prochain, d’égarer un aveugle dans le chemin, de faire pencher le jugement d’un converti, d’un orphelin ou d’une veuve, de s’unir à la femme de son père, de se lier avec un animal, de s’unir à sa sœur, à sa belle-mère, de frapper son prochain en secret.

Rav Issakhar Frand pose la question suivante. Ces onze choses sont-elles les fautes les plus graves de la Torah ? On ne lit pas « Maudit soit celui qui mange du ’Hamets à Pessa’h » ou « Maudit soit celui qui profane le Chabbat ». Certaines fautes énumérées n’impliquent pas la punition de Karet, ni même la sanction – moins sévère – des coups. Si nous devions faire une liste des onze « pires actes », nous aurions peut-être évoqué ceux ayant trait à la Avoda Zara ou à la débauche, mais la plupart d’entre elles ne paraissent « pas si graves », pas au point de mériter une telle malédiction. Alors pourquoi ce sont précisément ces onze transgressions qui furent sélectionnées ?

Il rapporte la réponse du Darach Mordékhaï. Celui-ci souligne qu’il existe un dénominateur commun à ces onze infractions. Elles sont toutes effectuées « à huit clos » et l’individu a la possibilité d’agir hypocritement. Il peut se comporter en public comme s’il était le plus grand Tsadik, et une fois la porte fermée, il peut manquer de respect à ses parents. Il peut faire figure de l’homme d’affaires le plus honnête qui existe, mais, une fois la nuit tombée, à l’abri des regards, il déplace la barrière qui sépare son terrain de celui de son voisin, sans même que ce dernier le remarque.

Plusieurs autres interdits énumérés peuvent être effectués sous un vernis de vertu. D’après le Rambam, la malédiction réservée à celui qui écarte l’aveugle de la route s’applique à celui qui lui donne un mauvais conseil (dans le domaine des affaires ou autre), mû par des intérêts personnels. De même, la malédiction de celui qui frappe son ami en privé porte sur le fait de dire du Lachone Hara' derrière son dos. Les commentateurs affirment que ceci est particulièrement pernicieux, parce que la « victime » de ce Lachone Hara' est incapable de se défendre, puisqu’elle ne se sait même pas attaquée.

Ce n’est pas uniquement le préjudice causé par cette hypocrisie qui vaut une telle malédiction, mais c’est plutôt le défaut entraînant ce préjudice qui répugne tant nos Sages.

Cette idée est prouvée par le Min’hat ’Hinoukh qui parle de l’interdit de Guénévat Da'at (littéralement « voler l’esprit »). Si une personne laisse l’autre croire qu’elle lui fait une faveur, qu’elle lui rend un service alors que ce n’est pas le cas, elle se rend coupable de Guénévat Da'at. La Guémara affirme que contrairement à de nombreuses Mitsvot Ben Adam La’havéro, cette interdiction concerne également les non-juifs. Le Min’hat ’Hinoukh explique qu’il existe deux aspects à la Guénéva (qui signifie subtiliser sans que personne ne le sache), contrairement à la Guézéla (le vol effectué devant d’autres personnes). Tout d’abord, il y a l’acte interdit par la loi – celui de voler ce qui est à autrui – et deuxièmement, le vilain défaut de vouloir déposséder son prochain de ses biens. Il ajoute que si certains décisionnaires estiment que la Guézélat Goy est un interdit d’ordre rabbinique, tous s’accordent à dire que la Guénévat Goy est une prohibition de la Torah, à cause du défaut que cela reflète. Rav Its’hak Berkovits précise que l’hypocrisie et la sournoiserie sont très mal vues par ’Hazal. Cela dénote de la malhonnêteté et une peur d’autrui, mais non d’Hachem.

Tel est le message des onze malédictions de la Paracha. Elles nous enseignent qu’outre les interdits mentionnés, les défauts qui se cachent derrière sont ignobles, car ils indiquent une crainte de l’homme et non d’Hachem.

Puissions-nous tous mériter de nous éloigner au maximum de ces mauvais traits de caractère.