La paracha Béhar (25, 39) nous dit : "Si ton frère vient à déchoir, près de toi"...

La parabole suivante éclairera ce verset :

Un roi avait un fils unique qu’il désirait voir versé dans toutes les sciences afin qu’il puisse lui succéder. Il confia donc son fils à un sage afin que celui-ci se charge de son éducation. Le pédagogue forma le prince durant plusieurs années au terme desquelles il le renvoya chez son père pour que ce dernier le teste. Le souverain interrogea son fils et le trouva excellent dans toutes les matières. Rempli de joie, il ordonna qu’on décore le professeur d’une médaille d’honneur et qu’on lui ajoute une récompense de mille pièces d’or. A ce moment, le sage dit au roi : « Il me reste encore une dernière chose à lui enseigner pour laquelle une heure suffira. » Le roi envoya son fils chez le sage. Celui-ci s’enferma avec le prince, l’attrapa par le cou et lui asséna cinquante coups sur les pieds jusqu’à les faire saigner. Le pauvre prince appela au secours, mais nul ne répondit. Après cela, le sage déposa le garçon sur une charrette et le renvoya chez son père. Quand le roi eut vent du cruel traitement infligé par le sage, il entra dans une colère terrible et le condamna à la pendaison. Quelques minutes avant son exécution, il convoqua le condamné pour qu’il lui explique la raison de son étrange comportement.

« Comment as-tu pu te montrer aussi fou pour rosser mon fils et perdre d’un seul coup toute la gloire que tu avais reçue ? »

Le sage lui répondit : « Vous m’aviez demandé d’enseigner

à votre fils les rouages de la royauté et c’est ce que je j’ai fait. Comme vous le savez certainement, le roi est chargé de juger son peuple avec équité. Il se peut qu’un jour, le prince sera amené à juger un homme qui aurait volé cent dinars. N’ayant jamais reçu le moindre coup, il pourrait condamner arbitrairement le voleur à subir mille coups. La sentence sera exécutée et le pauvre homme perdra sans doute la vie au bout de 300 coups pour une faute qui n’est en réalité pas passible de mort, commettant ainsi une terrible injustice. Voilà pourquoi, j’ai asséné délibérément au prince des coups afin qu’il puisse ressentir la véritable portée des sanctions qu’il infligera et juger ses sujets avec équité. Lorsque le roi entendit les explications du sage, il en fut très satisfait et ordonna qu’on lève sa sentence et qu’on double sa récompense.

Revenons à notre verset: si le riche n’a jamais connu la faim, lorsque le pauvre, affamé, viendra pleurer chez lui pour avoir du pain, le riche n’ayant jamais connu les affres de la faim ne saura pas le prendre en pitié. C’est pourquoi Hachem a ordonné aux riches comme aux pauvres de jeûner un jour dans l’année, Yom Kippour, pour que le riche se rende compte de la souffrance du pauvre et compatisse avec lui. De même il arrive parfois que le riche se retrouve démuni d’argent pour conclure une affaire qui se présente à lui et il en conçoit du chagrin. Hachem a fait cela pour qu’il puisse se mettre à la place du pauvre et comprendre sa situation.

A la lumière de ce principe, notre verset pourra se prêter à l’interprétation suivante : « Si ton frère vient à déchoir » - lorsque ton frère se trouvera dans une mauvaise passe financière ; place sa souffrance « près de toi » - souviens-toi du jour où tu as toi-même éprouvé les affres de la faim ou la gêne ressentie lorsque tu manquais l’argent nécessaire à la conclusion d’une affaire juteuse. Et ainsi, tu en viendras à le prendre en pitié (Ben Ich Haï : Drachot).