’Hanouka est une fête très importante dans le judaïsme. D’ailleurs, nos Sages affirment que Pourim et ’Hanouka sont les deux seules fêtes qui seront éternellement maintenues. Or, plusieurs différences peuvent être relevées entre ’Hanouka et Pourim et elles semblent indiquer que la joie de Pourim surpasse celle de ’Hanouka.

De nombreux commentateurs soulignent que la fête de ’Hanouka est très peu évoquée dans le Talmud. À peine quelques mentions dans la Michna et seulement deux pages et demie dans la Guémara (principalement dans le traité Chabbath). Ce n’est pas parce qu’il y a peu de lois relatives à cette fête, compte-tenu des nombreuses Halakhot sur l’allumage des bougies et des discussions approfondies des décisionnaires. La différence est exacerbée par le fait que Pourim, qui ne dure qu’une seule journée, occupe une Massékhet entière de la Guémara.

Le ’Hatam Sofer propose une réponse très novatrice. Il affirme que Rabbi Yéhouda Hanassi, rédacteur en chef de la Michna, était un descendant de David. Les héros de l’histoire de ’Hanouka – les ’Hachmonaïm – bien qu’ils fussent des individus très vertueux, firent quelque chose d’interdit. Ils prirent le pouvoir, comme des rois. Or, les Cohanim ne sont pas autorisés à être rois, étant donné la bénédiction donnée par Ya'acov Avinou à Yéhouda : « Le sceptre ne se retirera pas de Yéhouda ni le législateur d’entre ses pieds »[1]. Les ’Hachmonaïm, issus de la tribu de Lévi, violèrent cette loi en usurpant la monarchie pour leur propre famille. De ce fait, Rabbi Yéhouda Hanassi ne voulut pas accorder à ’Hanouka la même importance que Pourim, à cause de l’erreur spirituelle des ’Hachmonaïm. Il évoque donc très peu la fête de ’Hanouka dans la Michna.

Rav Yossef Dov Soloveitchik[2] répond de façon très différente. Il met en avant une contradiction entre deux Guémarot. Dans Moed Katan[3], il est écrit que si quelqu’un voit un Séfer Torah qui brûle, il doit déchirer son vêtement (en signe de deuil) deux fois – une fois pour le parchemin et une autre fois pour les lettres qui y sont inscrites. La Guémara cite un verset de Yirmiyahou racontant que Yéhoyakim, un roi juif, avait brûlé un Séfer Torah.[4]

Cependant, une autre Guémara[5] raconte que les Romains brûlèrent Rabbi ’Hanina ben Téradyon sur le bûcher, en l’enveloppant préalablement dans un Séfer Torah.  Tandis que le feu brûlait, les élèves de Rabbi ’Hanina lui demandèrent : « Rabbi, que vois-tu ? »  Ce à quoi il répondit : « Je vois que le parchemin brûle, mais que les lettres s’envolent. »

Rav Soloveitchik n’a pas soulevé la contradiction apparente. D’après la première Guémara mentionnée, il semble que les lettres brûlent, et qu’il faille déchirer son vêtement pour elles ; or, d’après la deuxième Guémara, les lettres s’envolent indemnes. Rav Soloveitchik explique la différence entre les deux. La Guémara de Moed Katan parle du cas où le méchant roi juif Yéhoyakim, fils de Yochiyahou, brûla un Sefer Torah et dans le traité 'Avoda Zara, on parle du cas où des non-juifs le firent. 

Comment expliquer cela ? La Torah a été donnée à la nation juive, et parallèlement au côté positif, il y a l’aspect négatif ; un Juif peut faire un bien incroyable et, ’Hass Véchalom, provoquer un grand mal. Il peut souiller un Séfer Torah et anéantir sa Kédoucha, y compris les mots qui y sont écrits, parce que, depuis qu’elle nous a été donnée, un Juif est intrinsèquement lié à cette Kédoucha.  En revanche, les non-Juifs n’ont pas la capacité d’altérer la Kédoucha d’un Séfer Torah. Les Lettres de la Torah échappent à leur souillure.

Rav Soloveitchik ajoute que c’est la différence entre Rome et la Grèce. Comme le dit Rav Issakhar Frand : « Le thème dominant de Rome est le ’Hourban (la destruction).  Le thème dominant de ’Hanouka est la Touma (impureté, souillure). L’idée est la même. Les non-juifs peuvent détruire, mais ils ne peuvent pas souiller la Torah. Ils ne peuvent pas brûler ou affecter la sainteté de la Torah.  Alors, comment expliquer ce qui se passa avec les Grecs ? Dans l’histoire de ’Hanouka, non seulement les Grecs essayèrent de souiller, mais également les Mityavnim (qui étaient juifs, mais qui voulaient s’adapter à la culture grecque ; ce sont les hellénisants). Les Mityavnim sont devenus des Juifs grecs ou des Grecs juifs.  Or, puisqu’ils étaient juifs, ils avaient le pouvoir de souiller la Torah elle-même. »

Cela explique pourquoi ’Hanouka n’a pas la même place et la même importance dans la Michna et le Talmud que d’autres fêtes juives. Il est, en quelque sorte, embarrassant d’en discuter. Ce n’était pas une simple attaque de nos ennemis non juifs – c’était une guerre civile, au sein du peuple juif.  En ce qui concerne Pourim, il n’y a pas de honte à mettre en évidence le fait que Haman ait essayé de détruire les Juifs. En revanche, ’Hanouka, qui parle d’un incident sordide dans l’histoire de Klal Israël, ne reçoit pas la même importance que les autres Yamim Tovim. Mieux vaut garder les détails de l’histoire en dehors de la Loi orale.

Quelle leçon peut-on tirer de ce développement ? Premièrement, les dommages spirituels que les Juifs égarés peuvent faire sont beaucoup plus importants que ceux des non-Juifs. Autrefois, il fallait mener une bataille spirituelle contre nos ennemis afin de maintenir la pureté de la Torah. Cette lutte existe toujours, surtout quand il s’agit de certaines personnalités influentes dont le but est de saper les valeurs de la Torah. De nos jours, la plupart des Juifs laïcs n’entrent pas dans cette catégorie, ils ignorent simplement la Torah et sont souvent indifférents. Donc, au lieu de mener une guerre spirituelle, notre devoir consiste à leur montrer la beauté de la Torah. La fête de ’Hanouka est une excellente occasion de leur faire découvrir la lumière de la Torah, incarnée par les bougies ; même les Juifs les mois pratiquants allument les bougies de ’Hanouka.

Puissions-nous mériter que tous les Juifs s’unissent pour observer ’Hanouka et toutes les Mitsvot. 

 

[1] Béréchit 49,10.

[2] Cité par Rav Issakhar Frand.

[3] Mo'èd Katan, 26a.

[4] Yirmiyahou 36,27.

[5] 'Avoda Zara, 18a.