Dans la conscience du peuple d'Israël, on a la nette impression que ce mois d'Eloul est très spécial. C’est une véritable préparation au mois de Tichri pendant laquelle nous nous dirigeons vers les jours du Jugement. Le Jugement qui va intervenir est particulièrement crucial, « qui va vivre et qui... », et il nous est donné un mois entier pour nous préparer, pour être prêts et dignes du meilleur de nous-mêmes.

C'est pourquoi il est évident que l'on nous demande pendant ce mois-là d'avoir une conduite des plus sérieuses. On est plus scrupuleux dans la réalisation des Mitsvot et dans notre souci de faire Téchouva de la façon la plus complète. Pas question de futilités, c'est une période cruciale. Le mot "sérieux" est un mot-clef ici, et c'est sur lui que nous allons "braquer les projecteurs".

Il me parait évident, et c'est le 'Hidouch de ce présent article, que le mois d'Eloul est intrinsèquement une période dans laquelle il faut multiplier la Mitsva de la Sim'ha, de la joie. Étudier la Torah, accomplir les Mitsvot, prier, faire preuve de générosité : nous devons faire tout cela avec éclat, et en y ajoutant de la Sim'ha. Il faut savoir qu'il n'y a aucune contradiction entre le mot "sérieux" – dans la mesure où l'on doit considérer les choses avec beaucoup de gravité – et cette nécessité d'augmenter la Sim'ha !

La définition du mot "sérieux" ne signifie pas qu'il faut agir tristement. D'ailleurs, la Torah est très réticente à toute tristesse de façon générale.

Ce n'est pas le but du mois d'Eloul d'être plongé dans un état de tristesse et de regrets constants, causés par le sentiment que l'on est incapable de réaliser correctement les Mitsvot. Cela conduit au désespoir et la dépression. Et inversement, c'est une erreur d'avoir l'impression que l'on peut tout accomplir correctement ; un tel sentiment est non seulement faux mais il est même nuisible. Si trouver l'équilibre entre les deux émotions contradictoires est une sacrée paire de manches, il est utile qu'un article lui soit consacré !

En fait, le « sérieux » qui est demandé est d’avoir conscience que la pratique de la Torah et des Mitsvot est vitale, et que par conséquent, on ne peut pas prendre à la légère un sujet aussi crucial et aussi significatif. C’est ce « sérieux » là qui doit être cultivé et travaillé.

Même chose pour la Midda de Sim’ha : elle aussi est vitale. Elle est également très significative et cruciale. De fait, il faut s’en occuper avec le même degré de « sérieux ».

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Quand j’expliquais cela à un ami, il s’est étonné et m’a demandé : « La Sim’ha ? Comme préparation aux jours de Jugement ? As-tu déjà vu un homme avant une audience devant le tribunal civil à laquelle il paraît pour infraction ? Il te paraît plein de Sim’ha ? Franchement, tu n’es pas "sérieux" ! »

Effectivement, je lui ai dit que son exemple était édifiant.

Au tribunal, l’accusé est conduit devant un juge qui décidera s’il mérite une punition pour une infraction particulière. Et il n'y a vraiment pas de Simh’a là-dedans, il n'y a même aucun lien avec elle. Mais dans notre cas, le jugement porte aussi sur la notion de Simh’a elle-même. Une partie substantielle des « accusateurs », sur lesquels le juge va s’appuyer pour décider de son verdict, évoquent justement la Sim’ha. Et plus un homme est heureux d’accomplir les Mitsvot, plus le jugement lui sera favorable, et plus il approchera de la sentence de façon sereine !

Ce que j’ai écrit jusqu’à présent sur un plan général doit être particularisé. Car l’importance du travail sur la Sim’ha peut être considérée sous plusieurs angles.

Premièrement, c’est tout simplement la façon la plus juste de pratiquer les Mitsvot. Le verset dit qu’il est fait de nombreux griefs au moindre manque de cette Midda : « Quiconque ne sert pas Hachem son D.ieu dans la joie et de bon gré… » (Dévarim 28,57). Et c’est donc le premier point sur lequel il faut être attentif dans le processus de Téchouva et il est bon de veiller à suivre autant de possible la voie juste.

Deuxièmement, les livres saints expliquent que la Sim’ha témoigne du rapport à la Torah et aux Mitsvot en général : celui qui en est heureux montre sur lui-même qu’il a intégré ses Mitsvot, qu’elles font partie intégrante de lui, qu’elles rythment son moteur interne. Et de fait, le rapport que le « juge » suprême en fera sera en conformité. Car la façon de juger diverge selon que l’homme a lié ou pas son intériorité au Bien. Ses échecs seront considérés de façon complètement différente que les mêmes revers essuyés par une personne n’ayant pas construit une telle intériorité.

Troisièmement, le mois de Eloul (ainsi que Tichri) est principalement orienté vers un nouveau départ pour la personne, la fondation d’une base stable sur laquelle il sera possible d’élever une construction spirituelle. La qualité de Sim’ha n’est-elle pas la pierre angulaire, la plus fondamentale, de cet édifice ?

Ainsi, il n’y a rien de mal à déclarer qu’il faut multiplier la Sim’ha pendant le mois de Eloul. Car cette dimension est tellement fondamentale que nous sommes tenus, je dis bien tenus, de l’intégrer dans la préparation d’un avenir serein.

Sérieusement !