Nous voyons que la prière est un moment favorable au cours duquel l’homme peut parler au Roi des rois des rois, le Saint Béni Soit-Il, comme à un confident et s’attacher à Lui durablement, afin qu’Il ne s’éloigne jamais. Celui qui est autorisé à confier des secrets au Roi ne peut être que quelqu’un de très proche, qui y pense constamment. Et entre deux instants de communication privilégiée, leur lien reste tout aussi fort. Ainsi, dans toutes ses occupations, l’homme aura toujours D.ieu à l’esprit et attendra, avec espoir, de pouvoir de nouveau Le rencontrer et Lui parler.

Rabbi Avraham, le fils du Rambam, a écrit : « La raison pour laquelle les Patriarches et leurs fils à leur suite ont choisi d’être gardien de troupeau est qu’en tout lieu, ils pouvaient se retirer et s’éloigner de la vie citadine ».

Dans l’ouvrage Or Yé’hézkiel, il est écrit : « Si un homme veut travailler à s’habituer à la Mitsva d’Emouna, il doit commencer par reconnaître qu’il se tient devant le Saint Béni Soit-Il. Et comme le rapporte le premier chapitre du Choul’han Aroukh, « Je fixe constamment mes regards sur D.ieu » (Téhilim 16, 8) signifie qu’il doit savoir que D.ieu se trouve toujours devant lui. C’est la même idée qu’exprime David Hamelekh, que sur lui repose la paix, lorsqu’il dit (Téhilim 139, 7 à 10) : « Où me retirerais-je devant Ton esprit ? Où chercherais-je un refuge [pour me dérober] à Ta face ? Si j’escalade les Cieux, Tu es là… Que je m’élève sur les ailes de l’aurore… là aussi Ta main me guiderait… » Une telle prise de conscience ne s’acquière pas instantanément mais demande à l’homme des efforts importants.

Comme il a été mentionné, ce travail commence par l’acquisition d’habitudes qui vont permettre à l’homme de s’élever et d’atteindre la vérité. Et le domaine de prédilection dans lequel il va pouvoir se conditionner est la prière, car c’est à ce moment-là qu’il a besoin de ressentir qu’il se tient devant D.ieu. Cette perception va lui permettre de commencer à s’habituer à l’idée qu’il se trouve tout au long de sa vie devant Hachem. Toutefois, pour constituer le point de départ à cet apprentissage, cette perception doit être authentique, d’où la nécessité primordiale de s’y entrainer. C’est pourquoi, au moment où il prononce les mots "Baroukh Ata", l’homme doit s’évertuer à ressentir qu’il converse véritablement avec D.ieu. D’ailleurs, la Halakha (loi juive) vient confirmer cette réalité puisqu’elle mentionne qu’il est interdit de passer devant un homme en prières. Ce serait s’interposer entre lui et la Chékhina (la Présence Divine).

Il est rapporté dans l’ouvrage Na’hal Kédoumim qu’en fabriquant le Veau d’Or, le peuple d’Israël a renié l’existence d’une protection directe et a placé sa confiance en un intermédiaire. Cette faute, cette altération dans leur croyance ne pouvait être réparée que s’il apportait la preuve indubitable de la Présence Divine en son sein. C’est pourquoi ils reçurent l’ordre de construire le Michkan (le sanctuaire). Comme il est dit : « Et Je résiderai parmi eux ».

Le ‘Hazon Ich a écrit dans son ouvrage Or’hot Ich : « Chaque être a un violon accroché dans son cœur et D.ieu se délecte des sons mélodieux qui s’en échappent. Ce qui est extraordinaire et merveilleux est que l’homme puisse épancher son cœur devant Lui comme il le ferait avec son ami. Et D.ieu l’appelle son enfant chéri. »

Il y est écrit également : « Je connais un conseil valable pour chacun. D.ieu existe en permanence dans tout ce qu’Il a créé et c’est le secret de l’existence du monde qui est caché de ceux qui sont emportés par le courant de la vie matérielle. L’homme a le pouvoir de préparer son cœur à se tourner vers le Ciel car la possibilité lui a été donnée de se lier en pensées avec D.ieu et « Hachem est près de tous ceux qui l’appellent ». C’est ainsi qu’il apporte satisfaction à son Créateur qui, bien entendu, est imperceptible car l’intelligence humaine n’a pas le pouvoir de se Le représenter. » 

Il rapporte encore que le noble travail de la prière est de se faire une représentation vivante de la manière dont D.ieu entend ce que nos lèvres prononcent et prête attention aux pensées de notre cœur.  

L’image que l’homme aura du monde dépendra du regard qu’il va porter sur celui-ci, ce qui signifie que tout est fonction de sa croyance. Ainsi, s’il est convaincu que le monde jusqu’à sa moindre parcelle est empli de la Présence Divine et que bien au contraire ce n’est pas le monde qui est Son réceptacle mais D.ieu Lui-même qui constitue l’endroit où le monde se tient, s’il débarrasse son esprit de toutes ses préoccupations matérielles, s’il prend conscience qu’il parle en ce moment avec le Tout Puissant et que Lui seul peut le sauver, que rien ne lui est impossible, qu’il n’est assujetti à aucun décret pour répondre à ses souhaits, que même la faute ne peut mettre d’entrave, comme il est dit (Chémot 33, 19) : « Je ferai faveur à qui je ferai faveur », et que si l’homme n’est pas méritant, Hachem possède un trésor de cadeaux qu’il distribue gratuitement, s’il déverse son cœur devant Lui comme un fils face à son père qui est sûr qu’il éprouvera de la compassion pour lui et qu’il écoutera ses pleurs, à condition que sa prière vienne du fond de cœur, qu’elle soit exprimée à chaudes larmes et qu’il se réjouisse intérieurement de savoir qu’il frappe à la bonne porte et qu’il y a une oreille attentive à chaque mot qu’il prononce, il est certain qu’une telle prière portera ses fruits.

On raconte qu’on est venu poser la question suivante au Ba’al Hatania : Comment pouvait-il prier si longuement,  plus que nécessaire, trois fois par jour et ne pas se lasser ? Voici la réponse qu’il donna : « Imaginez-vous que vous êtes invités à un entretien avec un prince respectable. Ne va-t-il pas vous être plaisant de vous asseoir avec lui et converser ? Vous allez certainement désirer passer le plus de temps possible avec lui. Il vous semblera difficile de devoir vous séparer de lui et prolonger l’entrevue ne vous paraitra pas une charge. Tel est mon état d’esprit lorsque je prie. Et ce n’est pas avec un prince ou un roi de chair et de sang que je m’entretiens mais avec Le Tout Puissant. Pourquoi voudrais-je écourter une conversation aussi plaisante alors que j’ai l’autorisation de la prolonger ? A chaque instant, je ressens l’immense mérite d’être un serviteur, un simple humain avec lequel le Roi des rois des rois consent de s’entretenir et désire écouter ! »

Voici encore les termes employés par le Ba’al Hatania (Likouté Amarim, chap.33) : « Combien grande est la joie d’un homme simple et modeste qui a le privilège d’héberger un roi de chair et de sang et de pouvoir s’en approcher. Pourtant, elle n’est rien comparée à celle ressentie lorsqu’on se trouve à proximité du Roi des rois des rois, le Saint Béni Soit-Il, comme il est écrit (Irmyia 30) : « Car qui [de lui-même] oserait se risquer à m’approcher ? dit Hachem ». Pour cette raison, les Sages ont instauré que l’homme adresse des louanges et des remerciements à D.ieu tous les matins, en disant : « Heureux sommes-nous, comme notre part est bonne… et comme notre héritage est extraordinaire… » En d’autres termes, de la même manière qu’un homme se réjouit d’avoir hérité d’une fortune considérable sans avoir fourni aucun effort, il doit éprouver un bonheur sans limite pour ce patrimoine prodigieux que les Patriarches lui ont légué, la reconnaissance de l’unicité d’Hachem, qu’il n’y a rien en dehors de Lui, Lui qui a bien voulu résider parmi nous, les êtres humains. »

Il est rapporté dans l’ouvrage Chomer Emounim qu’une prière accomplie dans la joie agit davantage que toutes celles baignées de larmes.

Cette joie, l’homme la ressent lorsqu’il voit en D.ieu l’image d’un père vivant qui l’accompagne et est toujours proche de lui. A l’inverse, combien l’homme est malheureux lorsqu’il pense que personne n’écoute sa souffrance. Il erre comme un orphelin bien que son père soit vivant.

A un homme qui lui demanda de prier pour lui, le ‘Hafets ‘Haïm fit la réponse suivante : « Un père n’apprécie pas que son fils lui fasse une requête à l’aide d’un intermédiaire. Il préfère qu’il se présente lui-même. » Il est évident qu’il n’avait parlé ainsi qu’au nom de son immense modestie, la prière d’un Sage ayant certainement bien plus d’impact que celle d’un homme simple. Toutefois, l’idée contenue dans ces propos était juste et authentique : « Va directement vers ton Créateur, épanche-toi devant Lui et adresse Lui tes requêtes. Le monde est rempli de Sa présence, il est le seul à pouvoir accomplir tes demandes. Personne ne peut mettre aucun projet à exécution sans qu’Il l’ait décrété. S’il en est ainsi, qu’as-tu à vouloir supplier les hommes et les considérer comme des libérateurs alors qu’eux-mêmes sont dépendants de la volonté de D.ieu ? »