Dans le monde de la Torah, ne pas réussir ne veut pas dire échouer ! Voyez plutôt…

Rami, un homme qui a déjà dépassé la soixantaine, se souvient encore parfaitement aujourd'hui de sa triste expérience lorsqu'il a voulu être pris dans l'Armée de l'Air. En tant que fils d'une famille honorable et élève brillant de son lycée de Tel Aviv, il était évident pour lui qu'il effectuerait son service militaire dans le meilleur et le plus convoité des corps : l'armée de l'air israélienne. Il a passé les tests initiaux et a commencé à suivre le long, fastidieux, mais aussi prestigieux cours de pilote de chasse. La totalité du parcours prend quelques années et est divisée en différentes étapes, chacune étant sanctionnée par des examens permettant de sélectionner finalement les meilleurs.

Sans entrer ici dans tous les détails de l'affaire, disons que Rami a progressé dans le cursus de formation, étape par étape, jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus que le dernier échelon à passer avant de devenir... pilote de l'Armée de l'Air. Sa poitrine était déjà gonflée d'orgueil, il se voyait déjà ''choisi''. A ses yeux, cette dernière étape n'était qu'une escale technique mineure qu'il allait passer sans sourciller avant de recevoir les applaudissements de la famille et des amis, sur le tapis rouge menant à son avion. Mais, à son grand regret et son amère déception, il n'a pas réussi à franchir cette ultime étape : il a échoué à son cours. Ainsi, après de si nombreuses années d'études, d'investissement personnel et d'efforts énormes, tout son perfectionnement et ses connaissances acquises ne valaient d'un coup plus rien, tout est tombé à l'eau. Rami a dû quitter l'armée de l'air et a finalement effectué son service militaire en tant que… tankiste.

Encore aujourd'hui, Rami conserve en mémoire cet échec cuisant et tous les succès et les réussites qu'il a ensuite remportés dans sa vie n'ont pas suffi à lui faire oublier qu'il est passé à côté de quelque chose d'important.

Ça se passe comme ça dans les études : si on ne parvient pas jusqu'au bout du cursus, c'est comme si l'on n'avait rien fait.

Cette façon de penser que tous nos efforts n'ont finalement servis à rien, qui vient à l'esprit de l'homme lorsqu'il a échoué dans un projet et n'a pas réussi à atteindre le but qu'il s'était fixé, est susceptible de nous poursuivre dans le monde de la Torah et d'instiller en nous le sentiment que si nous avons échoué dans quelque chose, si nous n'avons pas pu atteindre le maximum, tout ce que nous avons fait et nous sommes efforcés jusque là tombe dans l'oubli. Or, il est à la fois important et surprenant de découvrir que, dans le monde de la Torah, contrairement à tout autre milieu, cela ne fonctionne pas du tout de cette façon. Sache-le : même si tu ne réussis pas, cela ne signifie pas que tu as échoué ! Comment ? Pourquoi ? Après tout, je n'ai rien en main ? Vous voulez savoir ?

Voilà ce que dit une Michna tirée des Pirké Avot (Maxime des Pères) :

"Il enseignait : Il ne t'incombe pas de finir ta tâche, mais tu n'es pas non plus libre de t'en désister."

Lorsqu'une personne a compris les explications des commentateurs et l'ampleur même, la profondeur insondable de la Torah et de Ses commandements, elle se retrouve dans une situation qu'elle n'avait jamais rencontrée jusque là. Une situation dans laquelle, quels que soient les actions et les efforts qu'elle pourra produire, elle n'atteindra jamais le maximum ni la complétude. A aucun moment elle ne pourra se dire : "Ça y est, j'en ai assez, maintenant je peux me reposer sur mes lauriers".

Parfois, elle entendra parler de Rabbanim qui étudient la Torah depuis 90 ans et plus, et qui produisent toujours des efforts parce qu'ils veulent encore progresser. Elle se demandera alors : "Qu'en est-il de moi ? Quand pourrai-je avoir tout fini ?"

Cette pensée est effectivement décourageante, mais seulement pour ceux qui ne savent pas comment se mesure la réussite dans le monde de la Torah. Si une personne se trompe et pense que si elle n'atteint pas la perfection et qu'elle ne termine pas toute la Torah, elle n'obtiendra jamais son "billet" pour le Monde futur et n'obtiendra pas le salaire énorme réservé à ceux qui pratiquent les Mitsvot, alors elle a vraiment de quoi être découragée. Car en effet, il n'y a aucune chance d'atteindre ce but. Ce miracle ne s'est même pas produit pour Avraham Avinou ou Moché Rabbénou.

Dans la Torah, ce n'est vraiment pas comme cela que ça fonctionne. On ne mesure pas le "quoi" ou le "combien", mais seulement le "comment".

Si une personne fait des efforts, s'investit dans un projet, et essaie de progresser afin d'accéder à son but, il n'est pas important que finalement elle ne l'atteigne pas. "Il ne t'incombe pas de finir ta tâche" : D.ieu n'a donné aucune mission à remplir quand Il a ordonné Ses commandements. Il a alors un tout autre objectif. Il exige de nous l'action, l'effort, et le dépassement de soi, ainsi que continue le Tana (le sage) dans la Michna quand il dit "mais tu n'es pas non plus libre de t'en désister". Tu dois juste chercher le moyen d'y arriver, t'efforcer de l'atteindre, essayer de progresser. C'est ça et juste ça l'objectif.

Le Ram'hal, l'un des plus grands kabbalistes, écrit ceci dans le chapitre 1 de son livre de Messilat Yécharim : "Nous apprenons ici que l'essence d'un homme dans ce monde est simplement de pratiquer les Mitsvot, de se travailler, et de supporter les épreuves". Note bien qu'il ne parle pas ici de succès, il parle d'efforts. C'est toute la différence…