Thierry : Bonjour Rav. Je n’arrive pas à faire Téchouva, c’est trop dur, il faudrait changer tout mon mode de vie et mes habitudes, et à mon âge, je ne crois pas en avoir les capacités. Alors, je vais à la synagogue le jour de Kippour, mais bon… je ne me sens pas à ma place.

Le Rav : Bonjour Thierry, tout d’abord vous devez savoir que la synagogue est la maison de D.ieu. Vous y êtes toujours attendu les bras ouverts, et ce en toute occasion. J’aimerais juste revenir avec vous sur les difficultés dont vous parlez concernant la Téchouva. Qu’est-ce qui vous semble si difficile dans la Téchouva ?

Thierry : Ecoutez, tout d’abord, je sais bien que je n’arriverai pas à changer : manger scrupuleusement Cachère, faire Chabbath comme il se doit, les bénédictions avant de manger etc. Cela me demanderait trop de changements, trop d’efforts, et puis cet examen de conscience des fautes ça m’est insupportable, voire même déprimant…

Le Rav : Laissez-moi vous en dire un peu plus sur la Téchouva, nous dissiperons peut-être les idées reçues. Le mot Téchouva vient de la racine du mot « Lachouv » qui signifie ”revenir” en hébreu.

Faire Téchouva, c’est revenir à ses origines dans un premier temps, rétablir le contact avec D.ieu. Malheureusement, les gens croient que pour rétablir le contact avec D.ieu, il est nécessaire d’être parfait, sans écarts… ce qui est impossible, même d’après la Torah : « II n'est pas d'homme juste sur Terre qui fasse le bien sans jamais faillir »1. Mais surtout, comme vous le dites si bien, ce qui retient les gens au retour vers D.ieu, c’est l’ampleur de la tâche et la culpabilité…

Thierry : C’est bien ça. Alors, je sais que « D.ieu aime chaque juif et que chaque effort est méritant etc. » mais au fond, je ressens bien que D.ieu attend plus de moi et que je ne suis pas capable de le Lui donner…

Le Rav : D.ieu n’attend pas de vous plus que vous soyez capable de lui donner… Regardons ensemble dans Sa Torah: « trop précipiter ses pas, c'est manquer le but. »2 Le Gaon de Vilna explique sur place : « L’homme doit aller de palier en palier comme sur une échelle et ne pas sauter vers un palier qui lui est inapproprié. Celui qui sauterait plus haut que son niveau est un fauteur, car il tomberait. » Donc, il ne vous est pas demandé de changement drastique… Au contraire, il est nécessaire d’aller à votre rythme dans le processus de Téchouva, sous peine de « tomber » et d’en être démoralisé.

Thierry : Oui, mais on est d’accord que faire Téchouva ce n’est pas que ça, c’est un repentir total de ses fautes, un engagement de ne plus jamais fauter etc. Et là, il faut du changement, du vrai !

Le Rav : Là aussi, nos maîtres sont explicites. Faire Téchouva, c’est « emprunter une bonne voie »3, c’est-à-dire la volonté profonde d’emprunter les voies de la Torah, de s’améliorer. Peu importe à quelle distance l’homme se trouve du but final où il respectera toutes les Mitsvot de la Torah, s’il en a la volonté, s’il veut réellement se rapprocher des voies de D.ieu, cet homme-là fait Téchouva ! 

Le Rav Israel Salanter rappelait les propos du Talmud selon lesquels le « Saint Béni Soit-Il gracie ceux qui font Téchouva »4, non pas ceux qui ont déjà fait Téchouva… C’est-à-dire que la Téchouva est un processus continu qui ne prend pas un jour, une semaine ou même un an, parfois elle peut même prendre toute une vie. Le principal est la volonté sincère de s’améliorer. 

Thierry : Vous dites ça, mais d’un autre côté, j’ai entendu dire que selon le Rambam, une Téchouva n’était digne de ce nom que lorsque « Celui qui sonde les cœurs, Lui-même peut témoigner que le fauteur ne recommencera jamais sa faute »5. Il s’agit là pour le moins d’un changement radical !

Le Rav : C’est pour cela que nous avons des maîtres dont nous suivons l’enseignement. Tout comme en matière de Halakha, ils nous prescrivent la bonne marche à suivre, mais surtout la plus adaptée à notre génération. Le Rav Ye’hezkel Sarna a appris de son maître le Rav Israël Salanter qu’en matière de Téchouva, la marche à suivre était celle du Rabbénou Yona – « Emprunter une bonne voie » - sans nécessiter de changements drastiques pour être agréé : la volonté sincère suffit.6 

Thierry : Qu’en est-il du regret concernant ses fautes passées ?

Le Rav : Là aussi, la Torah n’est pas pour la mortification. Il y a lieu de prendre conscience de ses erreurs pour les corriger, bien évidemment, mais pas de se morfondre. Regardons comment la Torah voit les choses.

Concernant l’une des premières faute de la Création, D.ieu dit à Caïn : « Pourquoi es-tu chagrin, et pourquoi ton visage est-il abattu ? »7 Le Sforno sur place commente : « Lorsqu’un désagrément a une solution, il n’y a pas lieu de se lamenter sur le passé. Au contraire, il faut s’efforcer d’obtenir le salut ». 

Le Or Ha’haïm Hakadoch va dans le même sens lorsqu’il dit que « si le Satan veut te rappeler tes fautes et tente de tergiverser avec toi, ne l’écoute pas, car le simple rappel de la faute, même dans le but de la désavouer, risquerait de t’attirer vers elle »8. La Torah nous dit donc de ne pas nous ronger avec le rappel de nos fautes, car cela pourrait, dans un premier temps, nous miner le moral qui est l’atout principal de notre réussite, et dans un second temps nous attirer à d’autres fautes… Nous voyons donc bien que la vision de la Torah concernant la Téchouva est l’optimisme - aller de l’avant sans se morfondre sur son passé -, et la volonté sincère de s’améliorer…

Thierry : D’accord, mais comment obtient-on cette volonté sincère de vouloir emprunter les chemins de la Torah comme vous dites ?

Le Rav : C’est là que se trouve tout le secret, mon cher Thierry : en prenant conscience de l’amour inconditionnel que D.ieu nous porte. Depuis le premier jour de notre existence, Il nous gratifie d’innombrables présents : l’intelligence, la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, etc. Il nous pourvoit aussi de sentiments pour s’émerveiller d’un monde parfait dans lequel il fait bon vivre. Il nous entoure d’une famille, d’amis, d’amour, mais aussi de rêves et projets qu’Il nous aide ensuite à réaliser… C’est Lui qui est présent à chacune de nos peurs, chacun de nos doutes, œuvrant dans l’ombre pour que nous allions mieux à chaque instant. Si nous avons bravé les épreuves dont nous sommes sortis grandis, ce n’est que grâce à Sa miséricorde. Si nous sommes là où nous sommes aujourd’hui, jouissant de ce que nous jouissons, ce n’est que par Sa bonté… Comment ne pas avoir la volonté, l’envie, et même le besoin, de s’attacher à Lui ? Le travail consiste à prendre conscience de toute l’étendue de bonté dont le Saint Béni Soit-Il nous gratifie et de laisser ensuite libre court à cet amour naturel qui est enfoui en nous pour Lui… 

1 Ecclésiaste 7, 21

Proverbes 19, 2

3 Rabénou Yona, Chaarei Téchouva, premier portique second principe.

4 Traité Nidda page 70

5 Rambam, Hilkhot Téchouva, chapitre 2, Halakha 2

6 Or Israël, Rav Israel Salanter, note 30 et Daliot Ye'heskel, 3ème partie, page 143-166.

7 Genèse 4, 6 

8 Or Hahaim, sur Lévitique chapitre 18