J’ai entendu l’histoire suivante de Rabbi Eliézer Tourk. Il s’agit d’un récit de première main, étant donné que les trois protagonistes sont des habitants de son quartier qu’il connaît bien.

Un matin ensoleillé, deux voisins se disputaient de vive voix sur le toit d’un immeuble du quartier. Le bruit de voix des deux hommes alerta les passants circulant dans la rue, qui ne comprirent pas l’objet du conflit. C’est uniquement lorsqu’un autre voisin monta sur le toit qu’il comprit l’objet de cette vive discussion… Quatre voisins avaient construit ensemble le toit commun. Les quatre hommes avaient loué les services d’un entrepreneur réputé, qui avait achevé son travail correctement… La veille, l’entrepreneur était venu réclamer son paiement, tout en exigeant cinq mille shékels supplémentaires pour la construction d’un mur additionnel…

Les voisins échangeaient des regards perplexes et étonnés. Réouven prétendait que Chimon avait commandé le mur, tandis que Chimon soutenait n’avoir aucun rapport avec le mur, et Réouven l’avait de toute évidence commandé. Les deux parties tombèrent d’accord sur un point : elles savaient que le mur devait être construit, donc quelqu’un avait bien commandé l’édification du mur, mais de qui pouvait-il s’agir ?

La querelle s’envenimait, et il apparaissait que les deux parties étaient loin de parvenir à un accord. Le ton monta, d’autres récriminations anciennes sur des poussettes dans la cage d’escalier refirent surface, des plaintes sur le bruit au moment de la construction, des problèmes de lumière désormais absente… La querelle prenait de plus en plus une tournure personnelle, le feu de la division commençait à s’infiltrer dans l’immeuble… C’est alors qu’un troisième voisin sortit de chez lui, partenaire lui aussi dans le projet d’agrandissement, mais qui n’avait aucun rapport avec le mur de la discorde, sachant que celui-ci était construit à une bonne distance de son appartement. Malgré tout, ce voisin demanda à entendre les arguments des deux parties, qui s’exprimaient à voix haute et avec beaucoup de vigueur…

L’aimable voisin écouta attentivement les deux hommes et en l’espace d’un instant, prononça son verdict : « Mes frères, n’aggravez pas la situation, nous sommes tous frères, nous avons soigneusement veillé à conserver l’unité dans notre immeuble. Au terme d’un tel projet de construction en commun, il ne sied pas d’argumenter et de nous disputer, la discorde détruit toutes les bonnes volontés… Je dois encore 15 000 shékels à l’entrepreneur pour mon travail, je vais lui arrondir la somme pour arriver à 20 000 shékels, et je vais absorber le coût de la construction du mur, "le sauveteur est arrivé à Tsion", et la paix et la sérénité reviendront dans notre immeuble. »

Les voisins l’écoutèrent parler et le quittèrent en éprouvant un sentiment de reconnaissance profonde. Le voisin ne fit pas toute une histoire de son geste, il prépara un chèque de 20 000 shékels qu’il remit à l’entrepreneur. « Voilà, 15 000 shékels pour le travail que tu as effectué chez moi, et encore 5 000 shékels pour la construction du mur », déclara-t-il en toute simplicité. L’entrepreneur le remercia chaleureusement, rassembla ses ouvriers et ses outils et quitta l’appartement…

Une semaine s’écoula, puis une seconde, et le chèque n’était pas retiré du compte. Un mois, puis deux s’écoulèrent, et plus de deux mois plus tard, notre homme téléphona à l’entrepreneur et lui demanda pourquoi il n’avait pas encaissé le chèque. « Je ne sais pas, répondit-il, j’ai transféré le chèque à un ouvrier arabe qui a travaillé avec moi à ce moment-là à titre de paiement, et de mon point de vue, la dette a été payée. Pourquoi l’ouvrier arabe ne l’a-t-il pas encaissé ? Je n’en ai pas la moindre idée, la vérité c’est qu’il ne travaille plus avec moi depuis lors… »

Quelques jours plus tard, ce voisin se retrouva à la banque, et le mystère fut élucidé. Il se trouve que l’ouvrier arabe, avide d’argent, avait tenté d’ajouter un zéro à la somme inscrite sur le chèque, pour arriver à la somme de 200 000 shékels. Mais il était visiblement peu doué pour les falsifications. Les employés de la banque avaient rapidement remarqué son stratagème. Lorsque l’ouvrier arabe comprit que son compte était réglé, il déchira le chèque devant l’employé de banque abasourdi, et laissa les morceaux sur le comptoir…

Non seulement le voisin n’avait-il pas payé les cinq mille shékels, mais il avait également eu droit à un cadeau d’une valeur de 15 000 shékels. Mais surtout, il avait acquis un mérite éternel : faire régner la paix dans son immeuble, céder au profit des autres et consacrer son argent pour éviter une controverse.