La saison de la grippe se fait sentir dans la communauté, d'abord auprès des enfants et ensuite des adultes. Mais les maladies ne sont pas les seules à être contagieuses. Sans même le réaliser, votre humeur d'aujourd'hui influe aussi sur les sentiments de votre entourage. Dr. Nicholas Christakis de l'université de Yale l'exprime ainsi : « Si quelqu'un vous sourit, vous lui souriez en retour. C'est une émotion passagère et contagieuse qui passe d'une personne à l'autre. » Il a découvert que si vous manifestez votre joie de vivre, un ami vivant non loin de là a 25 % de plus de chance de goûter à ce bonheur.

Mais Dr. Christakis a découvert un revers de cette tendance. Sa recherche indique que si vous manifestez de la colère, ceux qui vous côtoient sont également touchés par la colère. La contagion du bonheur est bienvenue, mais lorsque la colère se répand, elle est toxique, destructrice et peut avoir des conséquences désastreuses.

La Parachat Vayakhel renferme cette mise en garde : « Vous ne ferez point de feu dans aucune de vos demeures en ce jour de repos. » Au sens littéral, ce verset est la source de l'interdit d'allumer un feu le Chabbath. Mais le Chla Hakadoch, Rabbi Yéchayahou Halévi Horowitz (1558-1630) propose une interprétation homilétique de ce passage.

Il suggère que le feu, Ech, est une allusion à la colère et la rage. Ce verset nous prescrit de ne jamais laisser la colère ou la Ma'hloket (controverse) brûler la veille ou le jour du Chabbath. Le Zohar affirme que « dans vos demeures », est une référence au cœur, pour éviter qu'il s'emplisse d'un feu émotionnel comme la colère, l'amertume ou la négativité. D'après le Rambam, la véritable colère n'est jamais saine, ni productive. On peut au maximum manifester de la colère afin de communiquer un message ou de réaliser un objectif, mais on ne peut jamais céder à l'émotion de la colère.

Une personne colérique perd le jugement et la vision, et agit souvent de manière autodestructrice. Le Séfer 'Harédim (Téchouva, chap. 4) écrit : si l'on perd une belle fleur, ce serait une folie de réagir en brisant un objet précieux qui vaut mille fois plus que la petite fleur. De la même façon, celui qui perd son sang-froid élimine sa sérénité, une qualité bien plus précieuse que la perte assez triviale de l'objet qui a déclenché sa colère.

Le terme de « rage » vient du latin rabies, qui signifie folie. Céder à la rage est un acte de folie, car vous perdez beaucoup sans rien recevoir en échange. Le Rambam dans les Hilkhot Déot (2:3) écrit que la colère diminue la qualité de vie de l'homme : « Ceux qui se mettent souvent en colère n'ont aucune qualité de vie ; en conséquence, nos Sages nous ont prescrit de nous écarter de la colère au plus haut point, jusqu'à ce que l'homme ne sente aucune courroux, même dans des situations où il est justifié. »

Chabbath est caractérisé par la sérénité, la tranquillité et le contentement ; aucune place pour la colère, l'impatience ou la controverse. La veille de Chabbath est particulièrement propice au courroux ; tout le monde court et se presse d'achever les préparatifs, et souvent les enfants ne coopèrent pas ou les adultes ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Chabbath peut également être une source de colère si les repas ne se déroulent pas exactement comme nous le souhaitons, si notre sieste est interrompue ou si le discours du Rav à la synagogue a été trop long à notre goût.

Chabbath est un moment particulièrement important pour vaincre l'envie de colère et garder notre sang-froid. Dans le paragraphe de Rétsé du Birkat Hamazone du Chabbath, nous demandons : Chélo Téhé Tsara Véyagon Véana'ha Béyom Ménou'haténou – qu'il n'y ait ni peine, ni malheur ou négativité en ce jour de repos.

Nous pensons souvent que la colère est une émotion instinctive, une réaction que nous ne pouvons contrôler. Or, ni le Zohar, ni le Chla ni d'autres ne la considèrent de cette façon. Allumer un feu le Chabbath est interdit, car il s'agit d'une Malékhet Ma'hchévet, un acte de construction créatif. La colère est également une création, et non une simple réaction naturelle. Lorsque nous nous mettons en colère, nous avons pris la décision, consciente ou non, de créer une colère et de nous autoriser à être en colère, mais nous n'y sommes pas obligés. Lo Taavrou Ech : ne créez pas la colère. Soyez maître de vous-même et résistez à ce besoin pressant qui peut être contenu.

Dans un article intitulé 10 choses que j'ai apprises lorsque j'ai cessé de crier sur mes enfants, une mère anonyme décrit le moment où elle décida de changer. Elle avait perdu le contrôle d'elle-même avec ses enfants devant un réparateur et elle était mortifiée. Elle se promit d'essayer pendant un an, à raison de 365 jours, de ne plus crier. À l'écriture de l'article, elle avait déjà dépassé les 400 jours sans céder à son besoin de crier ou de se mettre en colère, et elle exposait les 10 leçons apprises pendant cette période. En voici quelques-unes :

1. M'abstenir de crier n'est pas ma seule victoire depuis plus d'un an. Je n'ai pas été au lit avec un sentiment déchirant d'être la pire mère au monde.

2. Mes enfants sont mon public le plus important.

Lorsque j'ai eu mon moment d'épiphanie m'incitant à ne plus crier, je réalisai que je ne crie pas en présence des autres ; en effet, je veux qu'ils me considèrent comme une mère aimante et patiente. La vérité, je l'étais déjà…mais rarement lorsque j'étais seule, et souvent lorsque j'étais en public avec une audience pour me juger. C'est vraiment à l'envers ! J'avais toujours un public : mes quatre garçons m'observent constamment et ce sont EUX qui sont le plus important ; c'est à eux que je veux montrer à quel point je suis une mère aimante et patiente qui ne crie pas. J'y pense à chaque fois que je suis à la maison à m'imaginer que je n'arrive plus à tenir le coup, mais en réalité, j'en suis tout à fait capable…Je le fais en permanence lorsque je suis dehors !

3. Il faut retenir toujours deux mots : « au moins ».

Ce sont mes deux nouveaux mots préférés : ces termes me donnent un sens de la perspective et me rappellent de me détendre. Je les utilise souvent dans toute situation irritante avec mes enfants. Mon enfant vient juste de renverser une bouteille entière de lait par terre… au moins, ce n'était pas du verre et au moins, il essayait de m'aider ! Je les emploie également lorsque je suis sur le point d'abandonner : ok, c'est une journée difficile, mais il ne reste que trois heures jusqu'au coucher et non 12.

4. S'abstenir de crier est phénoménal pour tout le monde.

Depuis que j'ai cessé de crier, non seulement je me sens plus heureuse et calme, mais aussi plus légère. Je vais au lit sans culpabilité et me lève avec plus d'assurance : je peux comprendre mieux mes enfants, et suis plus aimante et patiente. Et je suis certaine que mes enfants aussi se sentent plus calmes et heureux.

Sachant à quel point les maladies sont contagieuses, nous prenons toutes les dispositions nécessaires pour éviter qu'elles contaminent les autres. Exerçons la même vigilance non seulement pour éviter de nous mettre en colère, mais aussi pour contrer la tendance à la colère qui est contagieuse. Chaque Chabbath, nous vivons un test de la colère qui nous met au défi d'allumer un brasier dans notre propre maison, dans notre cœur. Lorsque nous relevons le défi, ce sentiment de patience et de sérénité emplit non seulement notre foyer le Chabbath, mais également la semaine suivante.

Nous sommes incapables d'allumer un feu ou d'appuyer sur un interrupteur le Chabbath, alors de la même façon, ne laissons pas le feu de la colère brûler en nous.

Rabbi Efrem Goldberg