רַבִּי יַנַּאי אוֹמֵר, אֵין בְּיָדֵינוּ לא מִשַּׁלְוַת הָרְשָׁעִים וְאַף לא מִיִּסּוּרֵי הַצַּדִּיקִים

« Rabbi Yanaï dit : ‘Il nous est impossible de comprendre la sérénité dans laquelle vivent les mécréants ni même les souffrances dans lesquelles vivent les justes… » (Maxime des Pères, Michna 19, Chapitre IV).

Cette énigme aussi énoncée par l’expression hébraïque « Tsadik véra lo, racha vétov lo [les souffrances du juste et la quiétude du méchant] » a toujours constitué un sujet de prédilection pour les renégats qui tentent de « prouver » ainsi qu’il n’existe pas de bien et de mal, ni de récompense et de punition… Toutefois, cette donnée contradictoire et ambiguë propre à l’existence humaine a été au contraire une source de dynamisme et de foi pour tous ceux qui placent leur confiance dans la Justice divine. 

Le Midrach Raba rapporte ainsi qu’à l’époque où les Grecs empêchèrent par la force les Hébreux d’accomplir les mitsvot, le célèbre rabbi Yossi ben Yoézer, arrêté pour avoir étudié la Torah, fut condamné à la potence. En pleine journée de Chabbat, alors qu’il était mené sur un cheval vers le lieu de son exécution, son neveu Yakim - qui avait pour sa part abandonné le droit chemin de la Torah - s’approcha de lui, montant avec arrogance un cheval magnifiquement harnaché, et nargua son oncle en lui disant : « Vois-tu, nous deux sommes bel et bien à cheval ! Regarde donc le mien, moi qui ai abandonné la Torah, et regarde le tien, toi un homme resté en tous points fidèle à la tradition… ». 

Rabbi Yossi répondit sereinement à son neveu : « Si tu as mérité une si grande quiétude personnelle pour le peu de bonnes actions que tu as accomplies, à plus forte raison ceux qui ont obéi aveuglément à la Volonté divine seront récompensés d’une façon incommensurable ! » 

Yakim rétorqua : « Mais regarde donc combien de souffrances se sont abattues sur toi, alors que tu as respecté et accompli les ordres de la Torah ! »
Imperturbable, rabbi Yossi répliqua : « Si tant de douleurs et de difficultés touchent ceux qui Lui ont obéi, à plus forte raison ceux qui ont choisi le chemin de l’hérésie seront châtiés d’une façon implacable ! » 

Yakim ne put rester insensible face une telle sérénité… Les mots de son oncle pénétrèrent dans sa conscience comme du venin, et il fut assailli par un immense regret qui lui fit faire téchouva. Rongé par un authentique et profond remord, il s’éloigna du cortège et exécuta lui-même sur sa propre personne les quatre peines capitales dont il était passible pour avoir enfreint les interdits de la Torah. 
Rabbi Yossi vit comment l’âme de son neveu s’éleva vers le ciel, et déclara avec admiration : « Il m’a devancé de peu au Gan Éden ! » (Béréchit Raba, 65-18)

Rabbi Yanaï nous conseille donc dans cette Michna de ne jamais nous préoccuper de la « comptabilité » divine des torts et des mérites, ni des récompenses et des châtiments...

Si notre humble compréhension humaine reste franchement inapte à saisir l’immensité de la Justice divine, montrons-nous au moins capables d’accepter avec sérénité ses verdicts et ses conséquences...