Notre quotidien est généralement rythmé par les tâches que nous devons accomplir : nos devoirs. Nous en avons vis-à-vis de D.ieu en première instance, de notre famille et amis, puis de nous-même, c’est les trois traités de la vie d’un Juif – D.ieu, l’autre et soi-même.

Généralement les gens ont tendance à investir la plupart de leur énergie de façon verticale et horizontale, envers D.ieu puis envers leur prochain, tandis que vis-à-vis de soi, ils ont tendance à remettre à plus tard, certains doutent même de la nécessité de s’occuper de soi…

C’est cette mère de famille nombreuse qui cuisine en moyenne vingt-et-un repas par semaine, fait tourner quarante-huit machines par mois et se réveille encore une fois par nuit pour refaire un biberon au petit dernier. Elle mange à la va-vite les restes des pâtes en sauce des enfants et souffre terriblement des genoux, ses innombrables flexions quotidiennes ne l’ont pas épargnée. Le soir venu, elle s’écroule sans la moindre sommation, après une énième journée de labeur sous les yeux désabusés de son mari.

Mais c’est également ce jeune trentenaire qui, entre ses deux heures d’étude quotidienne au Collel et ses quarante-cinq heures par semaine en position avachie devant son écran, s’alimentant de sandwichs thon mayo et honorant ça et là de ses bénédictions les défunts de sa communauté en avalant noix de cajou salées et boissons ultra sucrées, souffre d’une surcharge pondérale évidente et à qui les cervicales ne laissent pas de repos. 

Des braves gens comme eux, il y en a plein... peut-être même que vous et moi en faisons partie de temps à autre. Les répercussions d’un mode de vie malsain, ne sont plus à présumer. L’Organisme Mondial de la Santé (OMS) ainsi que les grandes Universités l’ont démontré, études à l’appui - un mode de vie négligé serait le grand responsable des maladies du siècle, tandis qu’une alimentation équilibrée liée à une activité physique régulière serait la façon la plus certaine de les prévenir.

L’Organisme Mondial de la Santé déclare «  la sédentarité représente l’un des principaux facteurs de risque de mortalité liée aux maladies non transmissibles. Les personnes ayant une activité physique insuffisante ont un risque de décès majoré de 20% à 30% par rapport à celles qui sont suffisamment actives » (https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/physical-activity

Il en va de même concernant les risques de maladies cardiovasculaires qui ont tendance à doubler chez les personnes ne pratiquant pas d’activité physique régulière comme le constataient les scientifiques de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Ils vont même jusqu’à dire que « les périodes prolongées d’inactivité représentent un risque pour votre santé aussi important que l’hypercholestérolémie, l’hypertension ou l’usage régulier du tabac » (https://pwc.ottawaheart.ca/fr/educatives/education-en-sante-cardiaque/les-facteurs-de-risque/activite-physique

Les études menées à travers le monde ces cinquante dernières années sont formelles : l’activité physique améliore les aptitudes musculaires, les capacités respiratoires, la santé osseuse, prévient le risque d’hypertension, d’accidents cardiovasculaires cérébraux, lutte contre le diabète, prévient certains types de cancers (du sein, côlon), préserve et parfois soigne même de la dépression. En bref, les vertus du sport sur la santé sont dorénavant un fait avéré. 

Et pourtant, pour beaucoup d’entre nous, nous en sommes encore si loin. Essayons de comprendre pourquoi.

Sur le banc des accusés, on aperçoit en tête de liste le surmenage ; on court pour réussir à être à l’heure à la prière du matin, pour accompagner les enfants dans leurs établissements, être performants au boulot, le repassage des chemises de Monsieur, les poux des enfants, alors pour mettre ses tennis et courir sur un tapis de course deux fois par semaine, on n’a plus de forces ! 

Pourtant l’exercice physique régulier permet d’améliorer les composantes de la condition physique comme l’endurance cardiorespiratoire, la force physique, la souplesse musculaire, la lutte contre la fatigue etc. L’épuisement n’est donc pas toujours le résultat d’un trop plein d’activités, il est bien souvent l’effet de son contraire.

Toutefois, la teneur en titre des ratages de projets en tout genre dans notre existence est incontestablement Madame Laflemme, forte de ses 5783 ans d’expérience. Cette experte de l’argumentation a plus d’un tour dans son sac pour démotiver nos élans les plus fougueux – « je commencerai demain » , « là, j’ai un truc urgent à faire » ou encore « j’ai pas les bonnes baskets », c’est ainsi que bon nombre de nos projets sont en attente d’un planning plus favorable. 

Cependant, si la paresse est la principale ennemie de l’effort, il est clair qu’elle ne réussit pas dans tous les domaines, il y a des juridictions où cette dernière est considérée persona non grata, comme le Chabbath par exemple ou vis-à-vis de la Cacheroute, et chacun à son niveau, réussit tout au long de sa vie à conquérir des domaines où ses idéaux règnent en maître irrécusable sur ses terres et ce, peu importe le prix à payer…

Pourquoi l’activité physique n’est-elle pas entrée dans ce domaine de conquête, pourquoi tant de gens tergiversent-ils face à cela ?

Indépendamment des facteurs causals évoqués plus haut, la raison est que dans le fond, le sport ne revêt pas le même caractère sacré à nos yeux qu’une Mitsva (commandement divin) ; il est souvent perçu comme une activité égoïste visant à se faire du bien et notre bien-être passe souvent en second plan. 

Est-ce réellement le cas ?

Pas d’après le Rambam en tout cas, Maïmonide écrit dans son célèbre Michné Torah (Déot, chap. 4, Halakha. 1) « Puisque le fait qu’un corps en bonne santé fasse partie des voies du service divin, car un homme souffrant ne peut rien saisir de la connaissance divine, il est par conséquent requis de s’éloigner de toute chose causant la perte de la santé physique et de s’attacher à tout ce qui apporte une médicamentation au corps ».

Le Rav Chlomo Ganzfried, dans son Kitsour Choul'han 'Aroukh, notera que la source de cette Halakha vient du verset « Vous garderez énormément vos âmes » (Deutéronome 4, 15).

D’ailleurs le Rambam en médecin chevronné va plus loin et écrit « Lorsqu’un homme s’adonne à l’effort physique et qu’il n’est pas rassasié son estomac est relâché et cela profite à sa santé » (Ibid. chap. 4).

Le Tour dans son vaste corpus de la loi va dans le même sens « C’est une Mitsva (un commandement divin) de se comporter de façon à préserver sa santé afin d’être robuste en vue du service divin » (Tour, Or Hahaïm, chap. 125) reprit par le Michna Béroura au même chapitre, alinéa 11.

En somme, si le sport favorise une bonne santé physique et mentale comme en témoignent les innombrables études faites sur le sujet, c’est qu’il revêt un caractère divin. Et oui, enfiler son jogging, mettre une reprise de volée au foot ou encore une bonne marche en montagne endosse un caractère spirituel et peut élever l’homme qui considère ainsi cela, à une proximité divine particulière tout en y prenant du plaisir.