Jérémy a 27 ans, il est marié depuis trois ans et habite en Israël depuis un an. Il a une petite fille et sa femme est enceinte de leur deuxième enfant.

Ce soir-là, c’est le soir de Lag Ba'omer qui marque le jour anniversaire du décès de Rabbi Chim'on bar Yo’haï, l’un des piliers de la Michna, la tradition juive orale, et l’auteur du Zohar, l’ouvrage principal de la Kabbala. Jérémy et sa femme sont invités à un anniversaire surprise à Ashdod.

Mais sa femme se sent fatiguée, elle n'a pas la force de faire une heure de trajet pour se rendre à la soirée d'anniversaire. Elle dit à son mari :

"Chéri, regarde. D’un côté je suis vraiment fatiguée, et d’un autre côté, tu as besoin de ‘Hizouk, il faut te renforcer, il faut aller chez les Tsadikim - les saints du peuple d’Israël. Ce soir, c’est Lag Ba'omer, c’est Méron, c’est la Hiloula de Rabbi Chim'on Bar Yo'haï ! J’ai besoin que tu reprennes des forces, que tu te renforces en Torah. Ce serait bien que tu ailles à Méron ce soir."

Jérémy avait très envie d’aller à l’anniversaire surprise d’Ashdod, mais il sent son épouse tellement fatiguée en ce neuvième mois de grossesse... et surtout, elle est vraiment décidée à ce que son mari recharge les batteries spirituelles du foyer. Il n’insiste pas pour aller à cet anniversaire.

Il faut savoir que Jérémy est monté en Israël pour s’élever spirituellement, il est arrivé en pleine épidémie de Covid-19 où le pays était confiné et là, il se dit que c’est l’occasion ou jamais d’aller pèleriner le Tsadik, surtout que son ami Touvia lui avait proposé de venir avec lui le matin-même.

Il se décide et appelle Touvia pour le rejoindre. Touvia est en voiture, et il récupère en chemin son Rav, Rabbi Réouven.

Il faut savoir qu’on ne peut pas accéder directement en voiture sur le site de Méron le soir de la Hiloula, vu l’affluence incroyable de l’événement. On doit se garer à un endroit où l’on prend un autobus qui nous amène à un autre autobus qui lui, nous dépose à 20 minutes à pied du Kéver - du tombeau de Rabbi Chim'on.

Durant tout le trajet, Rabbi Réouven est en contact avec le bus de sa Yéchiva pour ne pas le rater.

Arrivés à l'endroit de la première navette, Touvia tourne pendant de longues minutes avant de se garer. Et quand enfin il trouve une place, un policier les avertit qu’il compte enlever toutes les voitures de la file. Ils prennent cet avertissement au sérieux et cherchent une autre place. Au bout de quelques minutes, ils trouvent un terrain vague et se garent là-bas.

Ils marchent encore 10 minutes pour prendre la dernière navette et ils l’attrapent in extremis. S'ils l’avaient ratée, ils en avaient pour 2h30 de marche.

Ils descendent pour prendre la deuxième navette.

Arrivés vers l’entrée de Méron, Rabbi Réouven leur dit : “Attendez-moi, j’ai besoin d’aller aux toilettes, je vais y aller avant de rentrer dans la foule de Méron.”

Le Rav sort des toilettes, les trois hommes continuent leur ascension en direction de la tombe et trois minutes plus tard, le Rav leur dit à nouveau :

"Mé’hila, je suis désolé, je ne sais pas ce qu’il m’arrive mais je ressens une nouvelle fois le besoin d’aller aux toilettes".

Jérémy et Touvia sont étonnés, mais il n’est pas question pour eux de continuer sans Rabbi Réouven, ils prennent leur mal en patience et ils attendent une nouvelle fois le Rav.

Le Rav sort, et ils avancent ensemble vers l’une des entrées, la “Knissa 'Hé', ה”.

Cette entrée prend la forme d’un long couloir qui mène à l'entrée.

Et là, ils entendent une voix qui crie : "Méa’hora, méa’hora !", "reculez, reculez !”.

Personne ne réagit à cette injonction, chacun veut se rapprocher du tombeau, tout le monde se dit que c'est une ruse d’une personne qui veut de la place pour arriver au but.

Mais petit à petit, les personnes qui viennent en sens inverse affichent des visages stressés et répètent : "n'avancez pas, n'avancez pas plus !"

Touvia et Jérémy s'arrêtent quelques instants, et ils voient une équipe de secouristes arriver à toute vitesse. Ils se disent qu'un homme a dû s'évanouir.

Pourtant, les secours n'arrêtent pas d'affluer, pas avec un mais plusieurs brancards.

Tout le monde les regarde, stupéfait. Personne ne comprend encore ce qu'il se passe.

Au cœur de ce tumulte, Jérémy ressent le besoin de se poser. Il trouve un petit toit et escalade pour pouvoir s'asseoir. Il sort son téléphone, et il voit les premières photos diffusées sur les réseaux de ce qu'il se passe à quelques mètres de lui.

Il n' y croit pas, ce n'est pas possible, c’est un cauchemar ! Il n'entend que la musique festive qui est tellement forte que rien ne peut les alerter de la catastrophe qui est en train de se produire : un mouvement de foule, une énorme bousculade et des piétinements.

Il voit des personnes prier, comme si de rien n’était. C’est simple, la plupart des gens qui se trouvent là-bas n'ont pas de smartphone, et une heure et demie plus tard, la majorité ne sait toujours pas ce qu'il s'est passé, alors que 25 personnes ont déjà perdu la vie…

Deux jours plus tard, après Chabbath, lorsque les nouvelles tombent et sont désormais très précises sur le dramatique bilan humain, Jérémy se remémore ce pèlerinage et réalise qu'il a été sauvé de façon providentielle et miraculeuse d’une mort certaine.

Yonathan Herboni, l’une des 45 victimes, est descendu du bus sur Méron en même temps que Jérémy, Touvia et le Rav. Ils marchaient ensemble côte à côte.

Si Rabbi Réouven n'avait pas eu cette envie inexplicable d'aller deux fois aux toilettes en moins de trois minutes, Jérémy se serait retrouvé pris dans la bousculade et ne serait sûrement pas là pour nous raconter le miracle qui l'a sauvé.

Quand il se remémore son voyage jusqu'à Méron, il réalise que tout son parcours a été calculé par Hachem à la seconde près. Depuis le policier qui leur a dit que toutes les voitures seraient enlevées, ce qui les a obligés à refaire un tour pour chercher une autre place, alors qu'à leur retour, il s’est avéré qu’aucune voiture mal garée n'avait été déplacée... 

Malgré cette perte de temps, ils arrivent à attraper le dernier bus une seconde avant son départ, puis Rabbi Réouven les retarde deux fois pour aller aux toilettes, à trois minutes d'intervalle.

Hachem peut nous dévoiler Sa présence par de grands miracles contre nature, comme l'ouverture de la mer Rouge, et aussi parfois par ce qu'on appelle des moments de chance, des “coïncidences”, comme par exemple une envie naturelle mais soudaine de se rendre aux toilettes…

Hachem donne, Hachem reprend.

On ne peut pas expliquer de telles tragédies mais on peut aussi témoigner des vies sauvées, on peut et l'on doit se renforcer et se tourner vers Hachem, à la mémoire des 45 âmes parties.