Dans le magasin de judaïca de Yoram, situé dans le quartier de Hatikva à Tel-Aviv, entra à une heure de l'après-midi une femme, la trentaine, habillée en jupe courte, et qui demanda presque en chuchotant :

« J'aimerais un Talith de prière, le moins cher que vous avez dans le magasin ! »

Yoram lui demanda :

« Dites-moi au moins pour quel âge il est destiné afin que je sache quelle taille vous donner. J'ai des Talith pour 7 ans, 5 ans et même pour 3 ans… »

« Cela n'a pas d'importance. L'essentiel, c'est que me donniez le Talith le plus petit et le moins cher que vous avez… »

Yoram s'excuse :

« Je suis désolé, mais je ne sais toujours pas quoi vous donner. »

La femme lui explique :

« Voyez-vous, j'ai un peu honte de vous expliquer cela, mais comme vous pouvez le voir, je ne suis pas religieuse. Mon père m'a demandé de me rendre à Jérusalem pour y rencontrer le Rav Ben Tov afin de recevoir sa bénédiction en vue de trouver un fiancé. Personnellement, je n'ai rien à voir avec toutes ces histoires et au début, je ne voulais pas l'écouter, mais comme mon père insista, j'ai finalement acquiescé. Je suis arrivé à la maison du Rav, j'ai payé ce qu'il fallait et il m'a reçu. Je lui ai raconté que je venais lui demander une bénédiction pour me marier. Le Rav m'a dit d'acheter un châle de prière, cela étant une Ségoula (procédé aux vertus surnaturelles) pour trouver son conjoint. Ainsi, j'allais pouvoir me marier rapidement. Voyez-vous, je ne crois franchement pas à ces choses-là, mais puisque j'ai déjà fait la démarche de me rendre à Jérusalem et de payer pour rencontrer le Rav, et comme de plus, je respecte mon père, je souhaite donc accomplir le conseil et en finir avec toute cette histoire.

Un yéménite d'un certain âge, qui était présent au même moment, dit à la jeune fille en rigolant :

« Si vous achetez un Talith de petite taille, vous rencontrerez un petit fiancé. Il vaudrait mieux que vous achetiez un grand Talith afin de tomber sur un grand fiancé ! »

La jeune fille rétorqua :

« Il est vrai que je recherche un fiancé de grande taille. Quel numéro dois-je prendre ? »

Yoram lui répondit :

« Il vaudrait mieux prendre la taille 60. »

La femme acquiesça et Yoram chercha dans ses rayons le Talith qu'elle souhaitait. Au même instant, le téléphone sonna. Ce fut un vieil ami de travail du nom d'Ouri, religieux, la cinquantaine passée. Après quelques mots échangés, il en arriva au vif du sujet :

« Il y a longtemps que je souhaitais t'appeler. Je recherche un parti pour mon fils en âge de se marier. Peut-être connaitrais-tu quelqu'un qui pourrait lui convenir ? »

Yoram ne connaissait pas du tout le fils d'Ouri, mais étant donné le concours de circonstances, il lui dit en s'amusant :

« Écoute, j'ai justement une jeune femme dans le magasin qui vient acheter un Talith comme Ségoula en vue de mariage. Est-ce que tu souhaites parler avec elle ? »

« Pourquoi pas ? » répondit Ouri.

Yoram s'adressa à la femme :

« Écoutez, je suis en ligne avec un ami qui cherche à marier son fils… »

Au même moment, le magasin commençait à se remplir de clients. La jeune femme fut très mal à l'aise et lui dit :

« Dites-moi, vous cherchez à me faire honte ? Je suis simplement venu chez vous acheté un Talith, pas un fiancé ! »

Yoram répondit :

« Pas du tout, à Dieu ne plaise. C'est simplement que du Ciel, les choses se passent ainsi. »

Ouri, qui attendait en ligne, lui dit :

« Tu sais quoi, prend juste son numéro de téléphone ! »

Yoram demanda doucement à la jeune femme si elle voulait bien lui écrire son numéro de téléphone sur un bout de papier. Après plusieurs hésitations, elle l'inscrivit, paya le Talith et s'en alla rapidement du magasin.

Deux mois s'écoulèrent lorsqu'entra dans le magasin une femme habillée en jupe longue et demanda avec un sourire radieux :

« Bonjour, comment allez-vous ? Est-ce que vous vous souvenez de moi ? »

« Je suis désolé, mais je ne vous reconnais pas. »

« Je suis venu chez vous il y a deux mois pour vous acheter un Talith en tant que Ségoula pour trouver un conjoint, et je vous avais laissé mon numéro de téléphone… »

« Ah oui, je me souviens maintenant. Alors, que s'est-il passé en fin de compte ? »

« Et bien le jeune homme m'a téléphoné et nous nous sommes rencontrés plusieurs fois… »

« Et alors ? » demanda Yoram avec une curiosité grandissante.

La jeune femme sortit de son sac une enveloppe contenant une invitation à son mariage.

Yoram fut très ému et la bénit d'un Mazal Tov.

Elle lui raconta qu'étant donné le concours de circonstances lui faisant rencontrer un fiancé qui observait la Torah, elle avait l'intention elle aussi de se renforcer dans ce sens. Elle lui dit :

« J'ai juste un petit problème avec la taille du Talith car mon fiancé est particulièrement grand, et il lui faut une Talith encore plus grand que celui que j'ai acheté. »

Yoram lui répondit :

« Pas de problème, rendez-moi l'autre Talith et je vous en donnerai un de la taille au-dessus. Il vous faudra juste payer un petit supplément. »

« Pas question de vous rendre le premier Talith. J'en achète un nouveau, mais le premier, je le garde. Une Ségoula, cela ne se rend pas ! »