Mon histoire a eu lieu il y a environ un an.

Nous sommes résidents d'une petite communauté orthodoxe, où tout le monde connaît tout le monde. Et si cela ne suffit pas, nous sommes une famille avec une maison aux "portes ouvertes". Cela signifie que nos voisins peuvent venir 24 heures sur 24, non seulement pour demander du pain, du fromage ou des légumes, mais également pour emprunter des outils, et aussi simplement pour rentrer et discuter.

Tous les vendredis soirs, des femmes viennent parler jusqu'au retour des maris de la prière. Le Chabbath midi, les garçons invitent leurs amis de la Yéchiva, et à tout moment de la journée, la maison ressemble à une épicerie à cause des enfants et des jeunes hommes qui viennent jouer ou parler, ou simplement parce qu'ils s'ennuient chez eux.

Mes enfants disent toujours : "Si tu veux construire un studio dans le salon de ton voisin, il acceptera aussi". J'aime cette affirmation, mais au cas où quelqu'un s'en soucierait, je ne compte pas l'essayer un jour...

* * *

A la veille du Chabbath Parachat Zakhor, mon voisin d’en face frappe chez moi et dit : "Tu sais que nous faisons le Chabbath Chéva’ Brakhot de mon frère. Toute la famille vient dans notre village, et nous avons trouvé des appartements pour chaque famille, mais je n’ai pas bien calculé, et il me manque un appartement pour mes parents. Ce n'est pas qu'ils n’ont pas d’appartement, mais ils sont âgés, et il leur est difficile de marcher et de monter les étages. Vous habitez juste en face de chez moi, au premier étage et juste à côté de l’endroit où se déroule le repas. Rendez-nous service, voyagez pour Chabbath. Je suis même prêt à vous payer, car je n'ai pas d’autre solution." 

Comme je l'ai déjà dit, nous ferions tout pour les autres, mais si le voisin d'en face m'avait demandé de sauter de mon balcon dans la rue, ou d'essayer de sauter dans son balcon, cela aurait été plus facile pour moi.

Parce que, ce que j'oublie de vous dire, c'est que bien que mon voisin ait le Chabbath Chéva’ Brakhot de son frère, moi, j'ai le Chabbath Kalla de ma fille. Parce que jeudi de cette même semaine, j'allais marier ma fille.

Si nous étions une famille ordinaire, il n'y aurait pas eu de problème, car nous voyagerions de toute façon à Jérusalem. Mais notre famille n’a pas l’habitude d’aller au Chabbath Oufrouf (le Chabbath précédant le mariage, organisé par le ‘Hatan), et en réalité, même lorsque nous avons marié des garçons, nous n'avons rien fait de spécial. Chez nous, les deux familles font le Chabbath Chéva’ Brakhot ensemble, tandis que le Chabbath Kalla, nous restons à la maison avec la mariée.

Et de peur que vous ne disiez : "Allez, ce n'est pas un problème, car si ce Chabbath là, vous ne faites rien, alors quel est le problème de quitter la maison ?", le fait est que, puisque la mariée va quitter la maison, notre coutume est de faire de ce Chabbath un "Chabbath d’au revoir à la mariée". Nous invitons tous les enfants mariés, tous les amis, et plus ou moins tous ceux qui nous connaissent de la communauté à un Kiddouch afin de réjouir la mariée.

Et juste ce Chabbath, il me demande de quitter la maison...

D’un autre côté, je t’ai déjà dit ce que représentent nos voisins pour nous. C'est tout.

Je lui dis : "Écoute, tu nous mets dans un grand dilemme. Laisse-moi parler à ma famille."

* * *

Je rassemble les membres de ma famille, y compris la mariée, et leur dis : "Écoutez, le voisin a un problème. Il a besoin de l'appartement pour ses parents. Ils ont un Chabbath Chéva’ Brakhot..." 

Je leur dis : "Je vais vous donner un argument, et s'il n'est pas accepté, je répondrai au voisin par une réponse négative, et voici l'argument :

Si cela avait été l'inverse, et que nous avions un Chabbath Chéva’ Brakhot et que nous avions vraiment eu besoin de l'appartement du voisin, et que, d'un autre côté, le voisin avait un Chabbath normal ou un Chabbath Oufrouf qui est comme un Chabbath normal, alors nous aurions mieux pu penser à une telle possibilité. Êtes-vous d'accord ?

Maintenant que cela est plus clair, est-il important que nous quittions l'appartement, cherchions un autre endroit pour Chabbath et trouvions un moyen d’en faire une expérience pour notre mariée, et, au passage, de gagner également des mérites avant la joie du mariage ?"

La mariée m'a dit : "Papa, la vérité est que j'étais convaincue, mais avec ta dernière phrase, tu m'as complètement convaincue. Je veux des mérites avant mon mariage et je suis prêtre à renoncer à mon 'Chabbath Kalla' à la maison, pour nos voisins."

Nous avons cherché et trouvé une grande maison dans un autre village, et avons remis l'appartement aux voisins.

C'était un merveilleux Chabbath Kalla. Nous avons invité la famille, y compris les enfants mariés et leurs épouses, ainsi que les amies de la mariée. Nous lui avons fait un Chabbath Kalla comme il se devait, et tout s'est déroulé à merveille.

Mais l'histoire ne commence qu'ici...

* * *

Motsaé Chabbath, nous revenons, et devons bien sûr préparer le mariage.

Lundi était le jeûne d'Esther. Mardi Pourim et mercredi, Chouchane Pourim, où nous devions nous rendre chez les parents de ma femme, à Jérusalem. Cela signifie que nous n'avons presque pas le temps de nous préparer pour le mariage, et il s’agit d’une fille et non d’un garçon, ce qui signifie que les préparatifs sont plus nombreux.

Dimanche, c’était une course inhabituelle. Nous nous sommes couchés à 1 heure du matin, fatigués et vidés.

Vers 2 heures du matin, j'entends une sonnerie de téléphone. Je n’y ai pas fait cas. J'ai pensé que c'était une erreur.

À 2h30, j'entends à nouveau le téléphone sonner.

Le temps que j’arrive près du téléphone, la sonnerie s'est arrêtée, mais je vois à l'écran dix appels manqués.

Autrement dit, d'1h30 à 2h30. Dix appels de numéros différents. Un signale d’alarme s’est allumé en moi. Qui me cherche comme ça à de telles heures ?

Je regarde les numéros et vois noir.

Deux appels du chef du Conseil de ma région, deux appels des membres du Conseil, deux autres appels non identifiés, mais avec une suite de chiffres - disons 3333, ce qui signifie que c'est le téléphone de quelqu'un de très lié.

Et ce qui m'a le plus effrayé, deux appels de la future belle-famille...

Ma femme s'est réveillée avec mon cri et m'a demandé ce qui s'était passé.

"Je ne sais pas, lui dis-je, mais ce que je sais, c'est que le monde entier me cherche. Quelque chose de très grave est arrivé ici."

De notre échange hystérique, toute la maison a été réveillée, y compris la mariée.

J'ai observé tout le monde et j'ai réalisé que personne n’était disposé à entendre de mauvaises nouvelles. Il était clair que quelque chose de grave s'était produit. Mais à qui ???

J'ai décidé d'appeler le futur beau-père.

Je l'appelle et, stressé, je lui dis : "Rends-moi service, ne me fais pas tourner en bourrique, dis-moi simplement ce qui s'est passé, quelle est l'histoire ?"

Il dit : "Calme-toi, calme-toi, tout va bien."

Je lui dis : "Je ne suis pas calme et rien ne va. Raconte-moi et ne tourne pas autour du pot."

"Attends, tu n'as pas entendu ?".

"Non. Qu'est-ce que j'ai entendu ? Qu'est-ce que j'ai entendu ? Parle !"

"Nous venons d’être informés que votre village rentre en quarantaine, me dit-il. Quelqu'un a contaminé beaucoup de gens, et j'ai compris que tu faisais partie de ceux qui doivent rentrer en quarantaine."

"C'est tout ?", lui dis-je, "Nous pensions que quelque chose de grave s'était passé. Merci mon D.ieu. Juste de l'isolement..."

"Ce n'est pas si simple, dit le beau-père, cela signifie que toi et ta femme ne pourrez pas venir au mariage. Nous avons déjà posé la question, et un Rav nous a dit que le mariage peut être reporté d'une semaine, et jusqu'à jeudi prochain, cela fera deux semaines que tu auras été en contact avec la personne et vous pourrez donc être présents."

Je lui ai dit : "Non, ce n'est pas bien de reporter un mariage. Le mariage aura lieu en temps et en heure, et si ma femme et moi ne pouvons pas venir - alors nous ne viendrons pas."

Ici, le marié a pris le téléphone et m'a dit : "Papa ?! (C'est comme ça qu'il m'appelle depuis les fiançailles.) Je ne sais pas pour toi, mais je ne viendrai pas au mariage si toi et maman ne venez pas. Alors, c’est dommage de perdre du temps dans cette discussion."

Cela m'a beaucoup ému. Je n’arrivais pas à décider ce qui était le plus important pour moi, notre coutume de ne pas reporter les mariages ou l’attention et le respect de mon futur gendre, qui n’est pas prêt à se marier si je ne viens pas.

Les membres de ma famille ont suivi la conversation. Ils ont immédiatement compris ce qui se passait et étaient également émus.

"En tout cas, dis-je, je suis content que telles soient les nouvelles et que rien ne te soit arrivé. Tu ne sais pas ce qui m'est passé par la tête..." dis-je, et soudain, je me suis effondré en larmes (et je ne suis pas un pleurnicheur). "J'ai eu la chance de vraiment me sentir comme ton père. Je pensais que quelque chose t'était arrivé, mon fils", ai-je dit, et toute la famille a pleuré.

* * *

J'ai raccroché et ai appelé un membre du Conseil pour qu’il m'explique ce qui s'était passé.

"Oh, nous vous cherchions pour vous faire savoir que vous devez rentrer en isolement et rester loin de la mariée !".

"Nous le savons déjà."

"Et en plus, nous avons besoin d'informations de votre part", me dit-il. "Il s'agit de la synagogue - Hakhnassat Or’him (hospitalité)."

Avant de raconter ce que le conseiller m'a demandé, je dois expliquer quelque chose sur la synagogue. En réalité, la synagogue s'appelle "Beth ‘Hassidim", mais son nom officieux est "Hakhnassat Or’him", puisque tous les invités du village y viennent, car c'est une synagogue qui accueille toutes sortes de personnes, et tout le monde s'y retrouve.

Puisque les invités ne savent pas où s'asseoir, j'ai été choisi pour les accueillir par un "Chalom ‘Alékhèm", et les assoir dans un endroit vacant.

Ce Chabbath-là, le malade du Corona numéro 29, membre de MADA (Maguen David Adom), a été accueilli dans la synagogue. Celui-ci même qui, en réalité, a contaminé tout Telz Stone, 30 malades du Corona, et 2000 isolés…

Les membres du Conseil et son chef m'appellent parce qu'ils savent que j’ai un mariage cette semaine, et comme il est évident que je suis celui qui l'a reçu et lui a serré la main, ils voulaient me faire savoir de toute urgence que je m’éloigne de la maison de la mariée afin de ne pas la contaminer, et, ainsi, peut-être, lui éviter de rentrer en isolement. De même, ils voulaient des informations sur les autres invités qui étaient à la synagogue afin de pouvoir les informer...

"Attends, attends !", dis-je au conseiller. "Un miracle nous est arrivé."

Et encore une fois, nous pleurons tous, cette fois, d’un pleur d'excitation, un pleur de remerciement au Créateur du monde pour Sa grande bonté, et un pleur pour une Kalla qui voulait des mérites et qui a commencé à les recevoir instantanément du fait de son acte si noble...

* * *

Le mariage a eu lieu jeudi, exactement le dernier jour où il était permis à cent personnes d’assister à un mariage. De plus, il était permis de se marier dans une salle fermée... Le mariage était très heureux. S'il avait fallu le reporter d'une semaine, nous aurions dû le faire dans une maison et se contenter de beaucoup moins...

À la fin du mariage, alors que nous transportions les cadeaux, j'ai senti dans mon cœur que le plus grand cadeau que j'ai reçu pour le mariage était de savoir que, non seulement ma fille avait épousé un excellent garçon, craignant D.ieu et avec des bons traits de caractère, mais que j'avais mérité d’un fils, réellement, qui avait accepté de reporter son mariage d'une semaine juste pour que son beau-père y participe.

Si tu veux, le message dans cette histoire est qu’on ne perd jamais d’un renoncement et d’un acte de bonté. Et plus le renoncement est grand, plus la récompense l’est.