La famille Lévi fait des travaux d’embellissement et tout le bâtiment est sens dessus dessous. Une semaine passe, puis une autre lui succède. Un bruit effarant et un nuage épais de poussière se répandent dans la cage d’escalier et pénètrent effrontément dans les appartements. Les ouvriers font de nombreux allers-retours et font fuir les enfants effrayés à l’intérieur. Tout le monde attend avec impatience la fin des travaux.

Ruth et Johanna sont voisines dans cet immeuble. Toutes deux souffrent de la situation, mais leurs réactions sont diamétralement différentes.

Routi grogne sans relâche aux oreilles de son mari : « Nous devons dire quelque chose. Il est inconcevable de rester passifs devant ce scandale plus longtemps. Il faut ménager des moments de répit, faire un peu d’ordre, y mettre un peu de réflexion… », et quand le respectable Monsieur Lévi ne répond pas aux appels téléphoniques de son mari, sa voix ordonne : « Comme il t’offense ! Comment ose-t-il ? Nous n’avons pas le droit de nous taire ! Nous n’avons pas le droit de laisser passer, tu entends, pas le droit !!! »

Johanna a aussi sa liste de doléances, non moins graves : « Il y a une fuite dans notre salon » informe-t-elle son mari et elle l’envoie chez le voisin en question, celui qui fait les travaux à l’étage supérieur. Elle sent la colère monter en elle, quand il n’ouvre pas la porte, mais elle se maîtrise avec force : « Il semble qu’ils soient trop occupés… Nous essaierons de revenir plus tard… Ne t’inquiète pas », elle apaise son mari qui se sent vexé, « Je suis convaincue que s’il avait su que c’était toi, il aurait ouvert… »

Un homme, de par nature, est fort. Il campe sur ses positions et est prêt à se battre pour les défendre. Ce potentiel lui a été donné dans le but de diriger, d’éduquer et d’agir. Cependant, dans une situation conflictuelle, cette capacité représente un obstacle. Son essence le pousse à exprimer son opinion par l’action et à se battre pour elle, parfois en offensant autrui. Des différends entre voisins, des conflits sur le lieu de travail ou le partage des tâches à la Yéchiva sont quelques exemples des nombreuses occasions où cette nature peut le faire trébucher.

La célèbre dispute de Kora’h (Bamidbar, chap. 16 et 17) et de sa congrégation est la preuve des résultantes amères générées par les conflits.

« Regarde combien une dispute est douloureuse », dit Rachi, « voici que le Beth Din ici-bas ne punit pas un enfant avant qu’il n’atteigne un certain âge et ici, à cause de la querelle, même les nourrissons sont atteints et perdus par la sentence divine ».

La dispute est assimilée à un feu dévorant qui détruit tout, sans faire de distinction entre le juste et l’impie, le petit et le grand, comme il est dit (Chémot 22, 5) : « Lorsqu’un feu sortira, qu’il trouvera des épines, et qu’a été consumé une meule, ou la moisson ou le champ ».

Et c’est ici que se mesure de nouveau le pouvoir de la femme : éteindre le feu et sauver son foyer.

Nos Sages amènent l’exemple de deux femmes qui furent mêlées à la dispute de Kora’h et de ses partisans : la femme de On Ben Pélèt et celle de Kora’h au sujet de laquelle le verset dit (Proverbes 14, 1) : « La sagesse des femmes édifie leur maison ; leur folie la renverse de ses propres mains ».

« La sagesse des femmes » fait allusion à la femme de On Ben Pélèt qui sut parler au cœur de son époux : « Que vas-tu gagner de cette dispute ? Que ce soit Moché qui ait raison ou bien Kora’h, tu n’en retireras rien du tout à l’avenir. » Et lorsqu’il refusa de l’écouter et que toute l’assemblée de Kora’h vint le chercher pour qu’il prenne part au conflit, elle s’empressa de découvrir ses cheveux, ce qui eut pour effet de faire fuir tout le monde et de sauver son époux.

« Et leur folie » décrit la femme de Kora’h qui l’incita à contrer Moché et entraîna qu’il s’indignât des fonctions qu’il s’était attribuées.

L’épreuve de la dispute nous guette à chaque pas.   

« Pourquoi ne t’a-t-on pas donné ce poste ? Comment ton ami a-t-il pu avoir la préséance alors qu’il est entré dans l’entreprise deux ans après toi ? »

« Pourquoi ne t’ont-ils pas offert l’honneur d’être ’Hatan Torah ? » demanda Perla.

« Comment lui permets-tu de te parler de cette manière ? » s’étonna Aurélie.

Tu détiens le pouvoir d’éteindre le feu de la discorde ou, D.ieu en préserve, de l’attiser. Tu es celle qui décide s’il convient d’apaiser son mari, de passer sous silence les injustices, de rester sereine face à l’affront, de passer l’éponge et de mériter la récompense suprême de « celui qui se tait lors de la dispute », sur lequel il est dit (Iyov 26, 7) : « Il suspend la Terre sur le néant ». Ou au contraire d’allumer, de rappeler ce qui a été oublié, de tenir rigueur de chaque blessure et d’entretenir le feu de la dispute qui est susceptible, D.ieu en préserve, de consumer tout le foyer.