Tout commence en 2012 dans un lycée juif parisien. Cette année-la, un nouvel élève arrive, Yoni, avec qui je me lie d’amitié très rapidement. Il me dit qu’auparavant, il était dans un lycée non-juif et qu'il n'a pas eu la chance d'étudier la Torah, ni même d’apprendre à lire en hébreu lorsqu’il était petit.

Au fur et à mesure de nos discussions, je me rends compte qu'il n'y a quasiment aucune trace de judaïsme dans son éducation puisqu’il me pose les questions les plus basiques sur le judaïsme. Grâce à D.ieu, il apprend rapidement à lire et commence à prier avec nous à la synagogue de l’école, mais en dehors de cela, il ne mange pas Cachère et côtoie toujours ses anciens amis non religieux.

Petit à petit, Yoni se familiarise avec son héritage spirituel. Néanmoins, quelques questions existentielles commencent à le déranger : « Quel est mon but dans ce monde ? Comment être sûr que la Torah est authentique ? D.ieu existe-t-il réellement ? » Etc.

Je viens d’une famille religieuse, donc je connais ce genre de questions et sais parfaitement y répondre. Et voilà que commence une interminable série de débats durant lesquels on échange nos idées à ce sujet. Malheureusement, n'étant pas le seul à s’interroger sur le sens de la vie, il va se « réfugier » derrière d’autres élèves qui ne veulent pas voir la vérité en face. De mon côté, je parle avec lui tous les jours et lui propose d’assister à des cours de Torah qui l’aideraient à ouvrir les yeux, mais Yoni refuse catégoriquement. Je comprends sa réticence, mais je continue d’espérer qu’un jour, il finira par se laisser convaincre.

Le temps passe et nous obtenons tous les deux notre bac. Yoni décide d'entrer à la fac à Paris tandis que je poursuis mon chemin en Israël, à la Yéchiva. Nos chemins se séparent, et naturellement, il devient difficile de garder le contact à cause de la distance.

3 mois plus tard, je reçois un message de Yoni : il doit absolument me raconter quelque chose d’important. On s’appelle et il m'explique que lorsqu’il est arrivé à la fac, il a abandonné le peu de pratique qu’il avait adopté à l’école. Plus le temps avançait, plus il ressentait un manque qu’il n’arrivait pas à définir, un manque profond qu’il ne pouvait pas combler. Seule la pensée réconfortante de son séjour à l’école juive l’empêche de tomber dans la dépression…

J’essaie de l’apaiser, mais rien à faire. Il me parle même de crise identitaire. Il ressent un besoin vital de savoir exactement qui il est, où il va, et son but dans la vie. Finalement, il finit par m’avouer que nos anciennes discussions de Torah lui manquent. Je saisis cette occasion pour lui rappeler mon conseil : écouter un cours de Torah ! Il me répond qu’il va réfléchir…

Quelques jours plus tard, Yoni m’envoie un message sur mon téléphone en me disant qu’hier soir, il a mis une Kippa, s’est enfermé dans sa chambre et a écouté un cours de Torah qui l’a fait pleurer ! Il me dit que dorénavant, il prend sur lui de faire Téchouva, petit à petit. De mon côté, je n’arrive pas à y croire : j’ai aidé un juif à se rapprocher de son Créateur !

Je m’empresse de le féliciter pour son initiative et lui annonce que dans deux semaines, je dois revenir en France pour une courte durée et qu’on pourra discuter de tout cela. Pendant ce temps, je réfléchis longuement à la façon dont je vais pouvoir l'aider. Que vais-je bien pouvoir lui dire qui touchera son cœur ? Finalement, c’est décidé : je vais lui proposer d’accomplir la Mitsva des Tsitsit, car étant donné qu’il s’agit d’une Mitsva qu’on réalise à chaque instant et qui protège l’homme de la faute, ce serait un excellent tremplin pour l’aider dans sa Téchouva !

Ces deux semaines passent en un rien de temps et me voilà à Paris, où je rencontre Yoni dans un restaurant. Je suis étonné de le voir sans Kippa. On s'installe, on reçoit notre commande, je me lève pour faire Nétilat Yadaïm, mais Yoni ne m’imite pas. Je récite la bénédiction sur le pain, tandis que Yoni commence à manger sans faire la moindre bénédiction. Idem pour le Birkat Hamazone… Je décide alors de le juger favorablement car après tout, il n’est qu’au début de sa Téchouva. Son attitude me pousse malgré tout à ne pas lui parler tout de suite de la Mitsva des Tsitsit…

Après le repas, je lui propose de marcher un peu pour discuter, en espérant trouver une occasion de le convaincre de mettre les Tsitsit. Il me raconte que c'est encore dur pour lui d'avancer, mais qu'il sait que ça viendra un jour et qu’il a encore besoin de temps.

Je précise que ce jour-là, exceptionnellement, j’avais sorti les Tsitsit de mon Talit Katan hors de mes vêtements car ils étaient neufs et je ne voulais pas les abîmer. Je n’avais jamais agi de cette façon auparavant, mais ce matin-là en m’habillant, cette idée m’est bizarrement venue à l’esprit…

Yoni me dit ensuite que pour l’instant, faire tout ces « trucs religieux » est trop difficile pour lui et qu’il n’est pas encore prêt. A ce moment-là, je renonce définitivement à l’idée de lui parler des Tsitsit, car j’étais sûr qu’il ne m’écouterait pas. Incroyablement, c’est précisément le moment qu’il choisit pour me dire : « Dis-moi Mickaël, c’est quoi les Tsitsit ? »

Je n’en croyais pas mes oreilles, c’est comme s’il avait lu dans mes pensées ! Un peu troublé, je lui réponds : « Pourquoi tu me parles de ça maintenant ?! »

Et là, il me répond le plus simplement du monde qu’il avait vu mes Tsitsit dehors et qu’il voulait savoir pourquoi les juifs les portent ! Exactement le jour où j’ai décidé de sortir mes Tsitsit pour la première fois de ma vie…

Très ému, je lui explique brièvement la Mitsva. Au moment où je termine, on passe devant une librairie juive et Yoni décide d’y entrer pour acheter… un Talit Katan ! J’ai toujours du mal à y croire en écrivant cette histoire…

Depuis ce jour, Yoni a décidé de faire une vraie Téchouva. Aujourd’hui, il incite sa famille et ses amis de la fac à suivre les voies d’Hachem. Après ses études, il envisage même d’entrer à la Yéchiva !

J’ai raconté tout cela à ma mère et dans sa grande sagesse, elle m’a répondu : « Mon fils, tu peux apprendre une grande leçon de toute cette histoire : lorsque tu veux faire une Mitsva, quelle qu’elle soit, n’y renonce jamais car de toute façon, la volonté de D.ieu se réalisera quand même, avec ou sans toi. Même si au final, ton ami a pris la décision de faire Téchouva de son plein gré, cela faisait partie du projet divin, donc si tu avais renoncé à l’aider, un autre l’aurait fait à ta place et tu aurais perdu cette grande Mitsva d’encourager quelqu’un à se rapprocher d’Hachem ! »

A méditer…