Les Israéliens diraient « Hazouï… ! » « hallucinant… ! » : une rencontre entre la chanteuse Dikla Dori et le Rav Ben Porat.

Mais les temps que nous vivons invitent à ces rapprochements, où les barrières tombent, reliant les pôles « extreem » de la société israélienne.

Extrêmes oui, mais pas antagonistes…

Elle, Dikla, musicienne, compositeur et parolière des plus grands talents de la scène israélienne, écrivant des succès pour Shlomo Artzi et Sarit Haddad, s’est faite connaître comme interprète sur le tard, avec des albums de grande qualité, salués par tous les médias. 

La chanteuse Dikla et Rav Ben PoratLa chanteuse Dikla et Rav Ben Porat

Sa voix grave et enveloppante, l’instrumentalisation “orientalo-pop” de ses albums, où sa patte est reconnaissable dès les premières notes, sa présence, font d’elle aujourd’hui, même à 50 ans, le nec plus ultra de la chanson israélienne. Fortement reliées à ses racines judéo-arabes, elle chante les choses de la vie, l’amour qu’elle porte à son père, avec à la fois une grande simplicité qu’elle revendique, et une sophistication innée.

Dikla, moitié irakienne, moitié égyptienne, née en 1973 à Béer Chéva', d’une famille traditionaliste, chaleureuse, aimante est complètement autodidacte dans le domaine musical. Elle gravit doucement, l’un après l’autre les échelons du succès, dans un parcours long et sinueux (elle change 30 fois d'appartement en l’espace de sept ans, et dort parfois à la belle étoile), construisant sa carrière en vingt ans, sans tubes instantanés. La consécration arrive enfin, à 40 ans, et elle pose ses bagages. 

Entière dans ses positions

Depuis quelques années, la pratique du judaïsme et son approfondissement sont devenus sa priorité. Elle a complètement arrêté de se produire le Chabbath, elle prie, se délecte de chaque mot des bénédictions matinales (Birkot Hacha'har) et son livre de prédilection est le Tanakh (5 livres de la Torah), qu’elle étudie journellement ; lorsque des questions surgissent, elle sait qu’il faut s’adresser au « spécialiste », c’est-à-dire à un érudit. Et même si c’est un orthodoxe, et que les « milieux » branchés froncent les sourcils, Dikla s’en moque.

Artiste véritable, elle sait intuitivement où se diriger pour trouver l’authenticité. On a pu la voir en plein Tel Aviv ce Yom Kippour, avant la prière de Né'ïla, prendre parti pour un petit Minyan à ciel ouvert qui avait ”osé” mettre une séparation entre hommes et femmes lors des prières. Des manifestants étaient venus détruire cet “affront” à la démocratie et Dikla, indignée tentant de les en empêcher, dénonçait cette attitude soi-disant libérale, qui cache en fait la dictature la plus rigide de la pensée laïque. 

La chanteuse Dikla et Rav Ben PoratLa chanteuse Dikla et Rav Ben Porat

Qu’est-il arrivé à l’État Hébreu, érigé pour la protection des Juifs et la liberté de leur culte, se demande-t-on… 

Toutes les questions sont permises

Dikla introduit son Rav devant les caméras (fondateur du Kollel Achré Hayich à Bayit Vegan, architecte du mouvement de Téchouva en Israël, et l'un des dirigeants de la Yéchiva Or Saméa'h), pour qui, on le sent, elle a une immense admiration : 

« J’ai connu beaucoup de Rock Stars en Israël et à l’étranger, mais Rav Ben Porat, est ma rock star à moi, personnelle, qui depuis dix ans m’accompagne et répond à mes questions, dans l’immensité de son érudition. J’ai gagné un Oscar d’être ici à ses côtés, géant et influenceur en Torah, éclairant de son sourire le monde ». C’est sa terminologie avec toute la déférence qu’elle a pour lui.  

La chanteuse Dikla et Rav Ben Porat

On pourrait mettre ici un point final. Ne serait-ce que l’invitation au dialogue, dans le respect et la convivialité, de ces deux êtres venant d’espaces si différents, qui s’écoutent, s’interrogent et se répondent avec bienveillance et tolérance, avec amitié même, réunis par leur judaïsme, nous ferait dire : ”Dayénou ” - c’est amplement suffisant-, rien besoin d’ajouter.

Mais les questions de Dikla sont celles de nous tous, pertinentes, douloureuses, non exprimées mais dans les cœurs. Il n’y a aucune provocation dans ses propos, seulement le désir vrai de saisir les voies de l’Éternel, dans la mesure du possible. Pour cette interview qu’elle a elle-même initiée, elle s’habille avec modestie, retenant ses cheveux en chignon, et pose avec infiniment de délicatesse les questions qui lui pèsent depuis le 7 octobre et ne lui laissent pas de repos.

Axiome incontournable

“On avait promis « plus jamais ça », en référence aux souffrances de l’exil, et voilà qu’ici, en Israël (protégé, par l’armée la plus puissante du Moyen-Orient, entouré par la barrière technologiquement la plus perfectionnée qui soit), c’est arrivé. Un pogrom plus sanglant encore que ceux commis il y a 150 ans en Europe de l’Est. Comment est-ce possible, de telles abominations ? Que s'est il passé ce jour-là dans l’approche spirituelle des choses ? Le Mal est-il si fort ? Il y a comme un mystère qui enveloppe ces événements…”

C’est Dikla la croyante, qui interroge. Et le Rav le sent.

Il ouvre Le Livre et dévoile à son élève, à partir des versets de la Torah, (Dévarim 31;15 ), un basic incontournable de la foi juive : 

“D.ieu n’intervient que si on L’appelle, si on Le veut. S’Il n’est pas “désiré” au sein d’une collectivité, si on Lui manifeste opposition, résistance, qu’on refuse de Le laisser entrer, Il ne vient pas. Tout simplement. Le retrait de Sa Présence, sans même parler de punition (le verset n’en mentionne pas) est déjà une calamité en soi. Car lorsque l’Éternel S’éloigne, c’est Sa protection qui nous quitte, et l’homme livré alors aux “hasards”, aux forces et aux lois de la nature qu’il a lui-même choisies comme “substituts du Divin”, se retrouve seul et désemparé devant ses ennemis. Et les idoles qu’il a élues à la place du Très-Haut, ne pourront alors lui être d’aucun secours.”

La chanteuse écoute avec concentration. 

D.ieu a mis entre nos mains la possibilité de régler le thermostat de notre service divin comme nous l’entendons, selon l’intensité de rapprochement avec l’Éternel que nous voulons. On veut être avec Lui, protégé par Lui, Il sera là ; on ne Le veut pas, Il cachera alors Sa Face-aster - astir panaï -, et malheureusement, ténèbres et forces du mal pourront alors envahir les lieux.

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Dikla et Rav Ben Porat ensemble dans un entretien ? 

Oui ! N’en déplaise à certains. La marche de l’Histoire juive entamée il y a 3.000 ans prend de la vitesse avant le grand dénouement et rapproche “ceux qui L'appellent vraiment”, comme dit le Psalmiste. 

Le Rav invite toute l’équipe des cameramen qui ont accompagné Dikla, à venir passer le jour saint chez lui. 

“Depuis 50 ans”, dit-il, “je reçois chaque Chabbath des invités, spécialement des non religieux. Vous êtes tous conviés…” 

 'Am Israël en toute beauté. 

La chanteuse Dikla et Rav Ben Porat