La semaine dernière, j’ai reçu une lettre d’une femme juive récemment revenue à la pratique religieuse. Elle réside avec son mari dans une petite communauté de la banlieue de Los Angeles.

L’an dernier, ils sont venus me consulter sur un problème personnel relatif à la religion. Ils sont tous deux Ba’alé Téchouva, mais une petite différence les sépare. Il a fait Téchouva plus tôt qu’elle et est d’une certaine manière plus ancré dans le mode de vie religieux.

Le mari demandait à sa femme de passer à l’étape suivante en se couvrant les cheveux, comme c’est la tradition chez les femmes mariées religieuses. Elle avait du mal à envisager cette idée, et c’était la raison de leur venue à New York, à Hinéni. Elle m’expliqua qu’une telle responsabilité était trop lourde pour elle à ce stade-là - non seulement pour une histoire d’orgueil, ce qu’elle concédait, mais aussi par crainte de sa famille, en particulier de sa mère qui pourrait réagir agressivement à une telle décision. De plus, elle et son mari étaient membres d’une synagogue orthodoxe où même la rabbanite ne se couvrait pas les cheveux.

Ils quittèrent mon bureau après une longue discussion, exprimant leur gratitude pour ce qu’ils avaient appris à mon cours de Torah, bien que la femme eût encore des doutes sur l’idée de se couvrir la tête.

Un an plus tard - la semaine dernière -, je reçus donc la lettre de cette femme.

L’épouse racontait qu’elle pensait constamment à notre discussion et que, chaque semaine, elle et son mari écoutaient mes cours de Torah en live sur Internet, et à chaque fois, elle se rappelait la nécessité de faire le pas en se couvrant la tête.

Elle se lança finalement en l’honneur du Chabbath et décida de marcher vers la maison de ses parents dans l’après-midi. Elle redoutait la réaction des gens qu’elle connaissait dans la communauté où elle avait grandi. À sa grande surprise, personne ne réagit négativement, et bien qu’il y eût des moments de tension avec sa mère, l’inconfort initial disparut. Elle porte désormais son couvre-chef avec grâce. Elle enroule sa belle écharpe en turban et se sent comme une princesse de Jérusalem.

Le concept de « Ba’al Téchouva » tel que nous le concevons, est relativement nouveau en termes d’histoire juive. Nous avons toujours eu des Ba’alé Téchouva, mais ce sont pour la plupart des Juifs ayant grandi dans des foyers pratiquants et qui, pour une raison ou une autre, ont perdu leur chemin avant de renouer avec un mode de vie conforme avec la Torah. Le mouvement de retour à la pratique religieuse d’aujourd’hui est totalement différent.

Lorsque j’ai créé Hinéni, il n’y avait pas d’organismes de Ba’alé Téchouva à part entière. Les Juifs américains étaient pour la majorité privés de judaïsme - ils n’avaient aucune idée de ce que signifiait être membre du ‘Am Israël, le royaume de prêtres qui s’est tenu au Sinaï. En tant que survivante de la Shoah, je savais que je ne pouvais pas rester dans mon coin en silence et observer mes frères disparaître à nouveau. D’où la raison de la création de Hinéni. La réaction de mes frères juifs varia de l’apathie au cynisme. J’étais considérée comme une rêveuse sentimentale qui ne pouvait accepter la réalité telle qu’elle était.

La réaction des orthodoxes fut de balayer mon idée d’un revers de la main : on m’expliqua que mes efforts seraient une « perte de temps ». On me demandait systématiquement si je pensais vraiment que « ces gens » deviendraient un jour pratiquants. Dans le même temps, les Juifs conservatifs et réformés craignaient que je leur fasse - ou à leurs enfants - du lavage de cerveau en les transformant en religieux fanatiques.

Aujourd’hui, bien sûr, tous ces avis sceptiques se sont avérés faux. Le mouvement des Ba’alé Téchouva est devenu une source puissante d’énergie et de vitalité - une belle étoile brillante dans la communauté juive. Cela nous a néanmoins posé une série de problèmes.

Depuis la genèse de notre histoire, les parents ont l’obligation d’enseigner la Torah à leurs fils et filles. Ce commandement est répété à de maintes reprises dans la Torah. Soudain, le mouvement des Ba’alé Téchouva inverse tout et les enfants sont désormais appelés à enseigner à leurs parents. Mais comment peut-on critiquer des parents sans créer un mur, sans offenser ? Le fait même qu’un enfant veuille tenter de rééduquer ses parents était considéré par beaucoup comme une terrible ‘Houtspa (insolence) - après tout, comment un fils ou une fille peut il/elle censurer le mode de vie d’une mère ou d’un père ?

Lorsque l’épouse de Californie est apparue devant sa mère avec la tête couverte, elle posa une question de base : « Comment se fait-il, maman, que tu puisses respecter quelqu’un vêtu de la tenue traditionnelle des musulmans, des hindous ou des chrétiens (la bonne sœur ou le prêtre) et t’opposer de manière véhémente à un Juif en habits de ‘Hassid ou portant des Tsitsit et une Kipa, ou une femme juive vêtue comme une orthodoxe ? ».

La mère répondit superficiellement quelque chose comme : « Telle est notre société ». Mais la véritable raison de cette réaction différente est que la vue d’un musulman ou d’un hindou portant des vêtements traditionnels ne rappelle pas au Juif son abandon de la Torah. Mais même un bref regard porté sur un Juif vêtu traditionnellement touche une corde profonde de culpabilité.

La jeune auteure de la lettre a surmonté son problème, et ses expériences devraient tous nous servir de leçon. Même dans les circonstances les plus difficiles, elle et son mari ont conservé des relations chaleureuses avec leurs parents. Les liens entre eux n’ont jamais été coupés. Et lorsqu’elle fit le grand saut en se couvrant la tête - un geste vivement réprouvé par sa mère -, elle continua à parler à sa mère avec respect et affection. Calmement, elle expliqua tout à ses parents, et ceci a fait toute la différence - à tel point qu’à une autre occasion où elle exprimait des doutes sur son apparence à sa mère, celle-ci l’encouragea, lui assurant qu’elle avait l’air ravissante avec son nouveau couvre-chef.

Les Ba’alé Téchouva doivent s’inspirer de son expérience : lorsque vous vous embarquez dans la voie de la Torah, vous devez être très prudents avec les sentiments de vos parents. Retenez qu’ils n’ont jamais été dans le monde de la Torah. Et en embrassant ce nouveau mode de vie, vous pointez - au moins dans leur esprit - un doigt accusateur contre eux.

Cette situation ne diffère pas de celle d’être parent. Lorsque vous critiquez votre enfant et lui communiquez des règles, vous devez le faire de manière aimante, mais sans compromis. Si un enfant se rebelle et refuse de se plier à vos injonctions, vous ne le jetez pas hors de la maison, vous ne coupez pas la relation. Au contraire, vous tentez de vous occuper de lui avec affection. S’il ne respecte pas vos croyances, attendez jusqu’au moment venu. La patience et la persévérance sont une nécessité absolue, mais vous ne pouvez pas fléchir dans vos convictions. Vous devez rester un modèle pour votre enfant qui pourra un jour vous imiter.

Nous vivons à l’époque précédant la venue du Machia’h, et il est écrit qu’à cette époque, « les enfants ramèneront leurs parents ». Ce phénomène se déroule sous nos yeux. Les Ba’alé Téchouva doivent prendre l’initiative d’inviter leurs parents à participer à ce nouveau périple : ils doivent tenir les mains de leurs parents et devenir des parents spirituels pour eux.

Des Ba’alé Téchouva emmènent souvent leurs parents à mon cours de Torah du jeudi soir - et pour un grand nombre de ces parents, c’est le tout premier cours auquel ils assistent. Quelle merveille de voir les générations s’unir par les paroles et les enseignements d’Hachem !