"Chère Rabbanite Jungreis,

Par où commencer ? Je suis certain que de nombreuses personnes vous posent le même genre de questions. Je me sens accablé et blessé. Voici quelques informations sur mon background. Mes parents sont des survivants de la Shoah, et mes grands-parents des deux côtés ont été tués à Auschwitz. J’ai été élevé avec des sentiments intenses pour le peuple juif et Israël, mais sans aucune pratique de la Torah. La possibilité de m’assimiler ne me posait pas problème et j’ai même fréquenté des jeunes filles non-juives. Heureusement pour moi, lors de vacances en Israël, j’ai rencontré des élèves de Yéchiva et ma vie a changé du tout au tout : je suis devenu un Juif orthodoxe. Rentré à la maison, j’ai été cependant choqué de découvrir que mes parents critiquaient mon nouveau mode de vie. Pour la première fois, un conflit s’est déclaré entre nous. Ils ne parvenaient pas à accepter mon nouveau statut de jeune homme respectueux des Mitsvot.

J’ai parfois envie de m’enfuir, de fuir toute cette tension. Je pense souvent que je devrais retourner en Israël. J’y étais heureux et je ne devais pas gérer ces tensions. Je suis également troublé par mon passé. J’ai certes fait Téchouva, mais mon passé continue de me hanter. Je prie constamment, mais je ne suis pas certain que mes prières sont acceptées. Je me sens déprimé et troublé. Je vous en prie, ne me dites pas de consulter un psychiatre. Je n’en ai pas les moyens, et même si je le pouvais, je ne pense pas qu’ils ont toutes les réponses pour moi.

Ma mère essaie de me diriger vers un « mode de vie normal », c’est-à-dire la poursuite d’études sans Torah. Je ne peux me permettre de vivre seul sachant que je suis encore à l’école, donc je suis sujet à un harcèlement constant. Je pense que vous êtes la mieux placée pour m’aider. Si vous décidiez d’imprimer ma lettre, merci d’omettre mon nom. Je pense que mes parents n’apprécieraient pas de voir leur nom dans le journal."

Réponse de la Rabbanite :

"Mon cher ami,

Commençons par mettre au clair que non seulement D.ieu peut vous pardonner, mais Il l’a déjà fait ! Il est écrit que le niveau qu’un Ba'al Téchouva sincère est si élevé que personne ne peut accéder à cette hauteur. Toute personne qui aborde D.ieu avec un cœur contrit et de réels sentiments de regret est pardonnée. « Même si vos fautes sont rouges écarlates, elles deviendront aussi blanches que neige » : telle est la promesse réconfortante de D.ieu. En conséquence, douter du pouvoir de pardon de D.ieu indique non seulement votre manque de foi, mais c’est également une injustice à vous-même. Abandonnez votre vie passée et ne la laissez pas empoisonner votre présent.

Il est certes important de se souvenir du passé pour éviter les écueils de ses indiscrétions passées, mais il est tout aussi important de se libérer de ses effets handicapants. Nos Sages nous enseignent : « Ce qui est passé, est passé ». Plutôt que de se focaliser sur l’obscurité d’hier, profitez de la lumière d’aujourd’hui… la lumière de la Torah et des Mitsvot. Apprenez à vivre dans la joie, et lancez-vous dans l’édification d’une vie de Torah constructive. De plus, retenez qu’ayant grandi dans un environnement non-pratiquant, votre négligence par rapport aux commandements n’était pas voulue, mais même si elle l’avait été, D.ieu vous pardonne avec plaisir. Le Tout-Puissant nous implore constamment : « Revenez vers Moi et Je retournerai vers vous ».

Ceci dit, je voudrais vous offrir des conseils pratiques : nos Sages nous recommandent ceci : « 'Assé Lékha Rav Oukné Lékha ‘Havèr - faites-vous un enseignant et acquérez un ami ». Il est impératif d’avoir un Rav vers qui vous tourner, qui vous guidera et vous enseignera la Torah. Chacun a le devoir de faire tous les efforts possibles pour trouver un enseignant compétent en Torah. Si vous avez besoin de conseils dans ce domaine, vous pouvez appeler notre bureau à Hinéni et nous serons heureux de vous diriger vers une Yéchiva ou un Rav.

2. La seconde partie de cette formule est de vous trouver un bon ami. La meilleure manière de mener une vie de Torah consiste à trouver un partenaire. Vous avez besoin d’une ‘Havrouta, d’un compagnon d’étude. Etudier régulièrement est essentiel si vous voulez progresser dans votre judaïsme. Un ami de Torah n’est pas seulement quelqu’un que vous fréquentez, mais il peut vous offrir du ‘Hizouk (renforcement), des forces, des conseils et des connaissances. Je suggère que vous abordiez ce sujet avec le Rav, et, avec l’aide de D.ieu, il vous trouvera une ‘Havrouta appropriée.

Quant à la situation avec vos parents, il est très regrettable que vous vous soyez heurté à une telle animosité. Parfois, des parents non-pratiquants réagissent avec hostilité devant la pratique religieuse de leurs enfants. A chaque fois qu’ils observent leur fils ou fille respecter le Chabbath, manger Cachère ou prier, etc., ils se remémorent le judaïsme qu’ils ont abandonné et sont submergés par un sentiment de culpabilité. Mais il y a aussi un revers de la médaille à ces histoires. Très souvent, les enfants Ba'al Téchouva provoquent leurs parents. Ils donnent parfois le sentiment de porter un jugement ou d’être condescendants. Ils prêchent plutôt que de partager des enseignements de Torah, alors soyez prudents de ne pas tomber dans ce piège. Si vos parents voient que vous êtes sincère et engagé, et qu’en dépit de leurs critiques, vous restez respectueux et stable dans votre pratique, ils finiront non seulement par vous accepter, mais ils deviendront fiers de votre Torah et Mitsvot. Je travaille depuis 40 ans avec les Ba'alé Téchouva, et je n’ai jamais vu cette formule échouer. Le principal, c’est de ne pas céder à la colère et de traiter constamment vos parents avec calme et dignité.

Quant à votre rêve de retourner en Israël, pourquoi devrait-ce rester un rêve, un simple souhait ? Pourquoi ne pas passer un an ou deux à étudier dans l’une des bonnes Yéchivot en terre sainte ? Cela vous donnera l’occasion de progresser et de devenir un Juif de Torah… de mûrir et de renforcer votre Yiddishkeit, votre judaïsme.

Le conflit avec votre famille est certes triste, mais il n’est pas dénué d’espoir, car il est bien plus tragique lorsque les enfants abandonnent la Torah de leurs parents. La situation que vous décrivez est encourageante, car, grâce à vous, le judaïsme de votre famille se développera et vos parents auront du Na’hat (satisfaction juive).

Puissiez-vous aller de succès en succès et puisse la prophétie de Malakhi se réaliser : « Et les cœurs des pères se tourneront vers les enfants et les cœurs des enfants, vers leurs pères… ».