J’ai récemment reçu la lettre d’une jeune femme qui effectuait son retour au judaïsme. Élevée dans un foyer laïc, ses frères et sœurs ont contracté des mariages mixtes (avec l’approbation des parents), elle connaissait mieux les fêtes chrétiennes que les juives. Sa vie changea radicalement lorsqu’une femme orthodoxe fut embauchée dans le cabinet d’avocats où elle travaillait, s’est liée d’amitié à elle et l’a invitée pour un Chabbath. Ce Chabbath a été une expérience transformative, qui a été le facteur déclencheur de son périple de retour vers la foi juive.

Tout ceci a eu lieu il y a deux ans, lorsqu’elle avait trente-deux ans, et maintenant, à l’âge de trente-quatre ans, elle est anxieuse d’avancer dans la vie, de se marier et de fonder un foyer juif authentique. Deux raisons sérieuses l’ont incitée à m’écrire : la première, pour l’aider à trouver son Basherte, son âme sœur, et la seconde, pour  obtenir des conseils pour améliorer son observance du judaïsme. Elle cherchait spécifiquement de l’aide pour la prière. Elle reconnaissait la centralité de la prière dans le judaïsme, mais elle se sentait indigne. Elle redoutait que son incapacité à se concentrer fût une indication des cicatrices laissées sur son âme par l’époque où elle était laïque. Elle se sentait frustrée et se demandait si elle pourrait un jour surmonter le passé, et se retrouver sur le même pied que ceux qui ont été nourris par le judaïsme de la Torah. Elle se sentait particulièrement troublée et désavantagée en cette période avant les Jours Redoutables où l’accent est mis sur la prière.

Ma chère amie,

Non seulement vous n’êtes pas désavantagée, mais vous avez un immense avantage. Le fait même de vous regarder comme indigne vous rend digne. Seule une belle âme sensible peut avoir de telles pensées. La plupart des gens penseraient avoir largement assumé leurs responsabilités en allant à la synagogue, en récitant quelques prières (même si ces prières sont ponctuées par des conversations avec d’autres fidèles), sans mentionner les moments d’inattention. Vous, ma chère amie, êtes révoltée par une telle conduite, vous avez conscience de la solennité de se tenir devant D.ieu en prière et supplications. Votre cœur est brisé, car vous vous sentez indigne, mais nos Sages nous enseignent que : « Le cœur le plus complet est un cœur brisé. » Comme le roi David nous l’a enseigné : « Karov Hachem Lénichbéré Lev -  D.ieu est proche des hommes au cœur brisé » (Psaume 34). De même, dans le psaume 51, David s’écrie : « Ziv’hé Elokim Roua’h Nichbéra… les sacrifices [agréables] à Dieu, c’est un esprit contrit ; un cœur brisé et abattu, ô D.ieu, tu ne le dédaignes point. »   

Le Talmud nous enseigne ceci : « Toute personne qui offre à D.ieu un cœur humble et contrit est considéré comme si elle avait offert toute forme de sacrifice… » Votre cœur brisé donnera des ailes à vos prières qui s’élèveront pour arriver jusqu’au trône divin. Quant à votre incapacité à vous concentrer convenablement, ne laissez pas la négativité vous distraire de la prière. Le Satan attaque toujours ceux qui sont immergés dans une Mitsva, mais si vous demandez de l’aide à D.ieu, Il vous permettra de vous concentrer et de vaincre ces forces négatives. Dites simplement à Hachem que vous aimeriez prier de tout cœur, avec votre esprit et âme, et Il vous donnera la force. Ayez à l’esprit que D.ieu n’est pas seulement notre Roi, mais Il est aussi notre Père, et les pères désirent ardemment se réconcilier avec leurs enfants qui se sont éloignés… les pères désirent embrasser leurs fils et filles…pour les bénir, et non les punir. Ayez confiance dans vos prières.    

Quant à votre passé : vos expériences ont fait de vous une jeune femme plus gentille et plus intelligente. Ayant vécu dans l’obscurité spirituelle, vous en appréciez davantage la lumière spirituelle, et c’est peut-être une des raisons pour laquelle nos Sages nous ont enseigné : « Là où le Baal Téchouva se tient, personne d’autre ne peut se tenir. » La Téchouva est un magnifique cadeau. Non seulement annule-t-elle le passé, mais elle permet au passé de devenir un atout. C’est un phénomène qui contredit toute logique. Si une bouteille se brise, il est impossible de la réassembler, mais lorsqu’une âme est brisée, par le processus de la Téchouva, non seulement devient-elle une, mais D.ieu Lui-même promet qu’Il prendra tous les morceaux brisés et les transformera en cristaux brillants.

Mais la Téchouva n’est pas l’équivalent du repentir. C’est une traduction erronée. La Téchouva est un retour à l’essence, un retour à l’être réel, à la personnalité que D.ieu vous avait destiné à être. Alors oui, il est possible grâce à la Téchouva, que la glace brisée se transforme en cristal brillant. N’ayez aucune crainte, D.ieu vous indiquera la voie.  

Avant de conclure cette discussion, j’aimerais me concentrer sur un thème périphérique, mais important, qui ressort de votre lettre. Grâce à votre collègue bienveillante, votre vie a été transformée et vous avez découvert votre héritage juif. Nous pouvons en tirer une leçon extraordinaire. Un grand nombre d’entre nous pensons que n’étant pas rabbins ou rabbanites, nous ne pouvons faire de Kirouv (rapprocher les Juifs au judaïsme), mais votre lettre est la preuve que nous devons nous impliquer. Nous sommes actuellement à la Paracha de Nitsavim, dans laquelle la Torah témoigne que nous étions tous debout devant D.ieu…le terme « tous » est développé par l’énumération de chaque secteur de la société, des dirigeants jusqu’aux porteurs d’eau. La question évidente ici est la suivante : « Pourquoi cette redondance ? Le terme de tous n’englobe-t-il pas tout le monde ? Comme il n’y a pas de redondance dans notre Torah, nous devons saisir le message profond. La Torah nous enseigne que nous sommes tous responsables les uns des autres. Notre Père céleste a fait de nous tous des garants et votre lettre est une magnifique illustration de cette nécessité. Hier, vous étiez une Juive totalement laïque qui aurait pu se perdre, tout comme vos frères et sœurs. Si cela avait été le cas, votre famille entière, que D.ieu préserve, aurait disparu dans ce grand melting pot universel de l’assimilation et des mariages mixtes. Grâce à une collègue bienveillante, votre vie a changé du tout au tout, vous avez découvert votre héritage juif et redonné vie à votre famille. Relevez que ce n’est ni un rabbin, ni une rabbanite, ni un enseignant ou un organisme qui vous a fait revenir à la vie juive, mais une collègue de travail ! En outre, la transformation miraculeuse n’a pas eu lieu en conséquence d’une brillante dissertation, mais par la majesté du Chabbath. Conclusion : en ouvrant nos maisons le Chabbath, nous pouvons toucher le cœur des membres de notre peuple.

Notre génération souffre d’une érosion continue : la croissance nulle, les mariages mixtes et l’assimilation déciment nos rangs.

« Pourquoi les rabbins n’agissent-ils pas pour renverser la tendance ? » demandons-nous. Mais nous devons nous poser la même question à nous-mêmes. Pourquoi ne faisons-nous rien ? Votre lettre démontre que chacun peut et doit faire quelque chose. Que ce soit au travail, en vacances, au club de sport, lors d’une rencontre familiale ou simplement dans nos relations avec nos voisins, nous pouvons avoir un impact susceptible d’offrir une vie nouvelle à des individus, à des familles et au peuple tout entier. « Et Laassot Hachel..Héférou Toratékha… Le temps est venu d’agir pour l’Eternel : on a violé Ta Loi. » Nous devons agir pour D.ieu et restituer la Torah à son domicile légitime : le cœur juif. Puissions-nous tous nous mobiliser pour relever ce défi et par ce mérite, puissions-nous assister à la Délivrance, la venue du Machia’h rapidement et de nos jours.