Le Rav Israël Salanter, l’un des grands Maîtres du XIXème siècle était célèbre pour être un éducateur hors-pair.

Il avait pour habitude de dire que les parents considèrent bien souvent les jeux de leurs enfants d’un regard quelque peu méprisant. Ils pensent que c’est puéril, inutile etc. 

Il donnait l’exemple suivant : un enfant est en train de prendre son bain. Il joue avec un morceau de bois, le faisant naviguer à la surface de l’eau. Puis, se tournant vers sa mère, il s’exclame : “ Maman, regarde mon bateau ! ‘’ La mère lui répond avec agacement : ‘’ Mais pas du tout, ça n’est pas un bateau ! ‘’, tout en lui prenant des mains le morceau de bois. Sachez, explique le Rav Salanter, que l’enfant vit cette scène exactement à la manière d’un homme qui contemple son bateau en train de couler ! Pour l’enfant, le morceau de bois était bel et bien un bateau !

N’imaginez pas qu’il s’agisse d’une plaisanterie. Au contraire, c’est tout à fait sérieux. L’adulte qui dérange l’enfant dans son jeu, lui vole quelque chose. Par le biais du jeu, l’enfant apprend, évolue, s’exprime. Son monde est pour lui tout aussi sérieux et respectable que celui des grands. L’adulte, qui, de toute sa hauteur, s’adresse à l’enfant en lui disant : ‘’ Arrête ces jeux, occupe toi de choses plus sérieuses ‘’ l’empêche de se développer correctement.

Chez les familles pratiquantes, le vendredi soir et le samedi matin, il est de coutume que la famille se délecte des mets délicieux du Chabbath, chante des Zémirot, prononce des Divré Torah etc. Au bout d’environ une demi-heure, alors que les adultes sont tout à leur conversation, les petits quant à eux commencent à s’agiter sur place. Ils en ont un peu assez d’être assis là, à écouter des conversations interminables qui ne les concernent pas. A ce moment, le père fait les gros yeux aux petits perturbateurs, en les sermonnant : ‘’ Nous sommes à la table du Chabbath, tu dois rester assis ! ‘’. Il est vrai qu’il est important que l’enfant sache qu’une fois par semaine la famille partage ensemble les joies du Chabbath, mais il faut être conscient qu’il est impossible d’exiger d’un enfant qu’il reste des heures assis à table. Les adultes ne s’en rendent souvent pas compte, car eux apprécient de pouvoir s'asseoir et discuter entre eux, mais pour un enfant rester assis plusieurs heures relève de l’exploit. C’est au-dessus de ses capacités.

Le but des parents d’inculquer l’amour du Chabbath est certes louable, mais il faut que l’enfant ait de son côté la maturité nécessaire pour intégrer cette notion. Autrement, nos tentatives seront vouées à l’échec et produiront l’effet inverse.

Si nous souhaitons réellement voir nos enfants rester à table le Chabbath, posons-nous les questions suivantes : combien de temps mon enfant est-il capable de rester assis ? A-t-il de quoi s’occuper à table ? Les Divré Torah sont-ils adaptés à son niveau ? Le fait-on participer ? On peut même proposer à l’enfant de jouer à côté de la table où il pourra ainsi profiter des paroles de Torah ainsi que des chants de Chabbath des adultes, tout en se sentant un peu plus libre de faire ce qui lui plaît.

L’on peut légitimement se demander ce qu’un tout jeune enfant est en mesure de comprendre. Comment perçoit-il les événements qui se produisent autour de lui ? 

Il faut en premier lieu savoir que chaque jour qui passe est pour lui l'occasion de percevoir un peu plus le monde qui l’entoure. Il apparaît clairement qu’il est capable de déchiffrer et de comprendre son environnement, contrairement à ce que l’on pourrait penser.

Les parents ont parfois tendance à se dégager de leurs obligations affectives envers leurs enfants parce qu’ils considèrent qu’ils sont trop petits pour ressentir quoi que ce soit. Or cela est faux. Un enfant, même petit, perçoit tout à son niveau et les parents ne doivent jamais sous-estimer cette capacité de compréhension.

Enfin vient l’obligation pour les parents de s’exprimer en un langage adapté au niveau de compréhension de leur enfant. Au-delà des mots, nos enfants saisiront parfaitement notre message sur le plan affectif, et c’est cela l’essentiel. Nous aurons pour notre part rempli notre rôle d’éducateur de la meilleure manière qui soit.