Je n’avais qu’une idée en tête : me venger de mon ex-mari ! Je le détestais tellement après notre divorce ! J’avais été blessée, trompée, abandonnée et du coup j’étais certaine qu’à la moindre occasion de pouvoir lui rendre la pareille, j’allais la saisir au vol.

Mon cœur débordait de ressentiment et j’étais dans l’optique de répondre non à la moindre de ses demandes, de le critiquer auprès de tous et de couper court à toute espèce de coopération. Après tout, cet homme n’avait-t-il pas brisé toutes mes illusions de la vie maritale ? J’étais prête à lui donner ma vie et voilà qu’à présent, je me retrouvais seule à élever notre enfant en comptant chaque sous précieusement avec la peur du lendemain. Je prenais le chemin de la rancœur et de toute façon, qui m’en voudrait après ce que j’avais vécu ?

Et pourtant, une autre voie allait s’offrir à moi, une voie qui, même si je l’ignorais à l’époque, allait m’apporter beaucoup plus que le simple plaisir de mettre mon ex dans une situation difficile : j’allais saisir l’opportunité de ne pas me venger !

Des couches ou du lait ?

Je me suis mariée jeune et je savais que mon mari aimait bien sortir avec ses amis, mais pour moi il ne s’agissait que d’un hobby. Ce n’est que plus tard que j’ai compris qu’il s’agissait d’un véritable fléau. Nous avons eu une fille, mais malgré notre nouvelle vie de famille, mon mari continuait à sortir tous les soirs, ne rentrant qu’à l’aube et pouvant même dépenser des sommes folles en une seule soirée simplement pour faire plaisir à ses copains et cela, malgré nos difficultés financières !

J’en arrivais à devoir choisir entre du lait ou des couches pour notre bébé car je ne pouvais pas me permettre d’acheter les deux ! Je me réveillais seule en pleine nuit, pratiquement toutes les nuits. Et je pleurais jusqu’à ce que je l’entende rentrer. Il me mentait pour pouvoir retrouver ses copains et pendant que je pensais qu’il allait voir un Rav pour améliorer son comportement, il partait s’amuser auprès de ses amis. Et il finissait par dépenser tout ce qui nous restait pour manger. Encore et encore, jusqu’au point où je ne pouvais plus avoir confiance en lui. J’ai tout essayé pour que l’on s’en sorte à deux mais hélas parfois, il faut savoir rendre les armes…

Nous avons donc divorcé et je me revoie à serrer ma fille, encore bébé, et me demander comment nous allions nous en sortir.

Rancœur VS bon sens

Alors quand un jour, il m’a appelée pour me demander une faveur, je n’avais qu’une envie : raccrocher ! Ca m’aurait fait du bien sur le moment de lui hurler au téléphone de ne jamais me rappeler et de nous oublier pour le restant de ses jours. Il voulait que nous parlions de l’éducation de notre fille et que nous décidions de mettre toutes nos rancœurs de côté et oublier ce qui s’était passé entre nous pour l’élever dans la meilleure coopération possible. Et surtout, il voulait que je ne parle jamais à notre fille de la raison de notre divorce pour ne pas qu’elle ait une mauvaise image de lui.

J’aurais pu dire « Non, tu te débrouilles, tu as gâché ma vie, à moi de gâcher la tienne ! » et ainsi lui faire la guerre au travers de notre fille. Mais je ne sais pas pourquoi, ce n’est pas ce que j’ai fait. Je l’ai écouté, et tenez-vous bien… j’ai accepté sa proposition, pour le bien de ma fille. Je n’ai jamais regretté cette décision.

« Merci pour tout, Maman »

En fait, plus précisément, c’est 13 ans plus tard que j’ai compris combien j’avais eu raison de laisser mes ressentiments de côté. Ma fille me demandait souvent pourquoi nous avions divorcé avec son père et je restais toujours évasive dans mes réponses, gardant en tête ma promesse et ne voulant pas critiquer mon ex-mari.

Puis la crise d’adolescence aidant, ma fille me reprochait de plus en plus d’être la cause de ce mariage raté. Mais je ne tenais bon, ne voulant pas égratigner l’image qu’elle avait de son père qu’elle mettait comme toutes les filles de son âge sur un véritable piédestal. Du coup, cela se retournait contre moi et elle m’en voulait.

Puis un soir, le choc. Nous mangions tranquillement et soudain, elle m’a regardée dans les yeux et elle m’a dit : « Maman, je sais pourquoi vous avez divorcé Papa et toi. Tu sais… ses sorties et les difficultés financières qui vont avec.

- Quoi ?! Mais… comment l’as-tu appris ? » J’étais tellement choquée que je n’arrivais plus à trouver mes mots !

« C’est papa qui m’a tout raconté.

- Ah bon ? Mais comment ça… Qu’est-ce qu’il t’a dit ?

- Pendant toutes ces années, je me doutais qu’il y avait quelque chose que vous me cachiez, mais je préférais t’en vouloir à toi plutôt qu’à Papa que je vois moins souvent. Et finalement j’ai pris mon courage à deux mains, je lui ai posé la question et il m’a tout dit. Il m’a raconté ses soirées avec ses copains et son obsession à vouloir s’amuser et oublier sa vie de famille… Il n’en était pas fier. »

Puis elle ajouta : « Merci pour tout, Maman. »

Grandir dans l’amour et le respect

Je peux vous dire que ce moment restera gravé à tout jamais dans ma mémoire. Ce merci était si sincère et il représentait tant de sacrifices ! Je ressentais tellement de gratitude !

Tout d’abord envers mon ex-mari qui avait su lui expliquer avec ses mots notre histoire, sans pour autant abîmer leur relation. Puis envers ma fille qui, du haut de ses 14 ans, avait eu l’intelligence de demander des explications directes à son père sans se laisser enfermer dans ses certitudes. Mais aussi et surtout envers ma décision de ne jamais le critiquer ni le rabaisser auprès de notre fille, qui ainsi avait pu grandir dans le respect et l’amour de son père.

Il faut bien l’avouer, c’est très dur de ne pas céder à ses pulsions de vengeance, encore plus quand on en a l’occasion. Mais j’ai choisi un autre chemin. J’avais accordé une faveur à l’homme qui m’avait le plus déçue 13 ans plus tôt, mais aujourd’hui je me rendais compte que c’était moi que j’avais le plus aidée.

Rachel S.