Essayer d'imaginer, 600 000 membres du peuple d'Israël se tiennent debout devant Moché Rabbénou, et attendent d'écouter les saintes lois de sa bouche, et Moché se tait, rien ne sort ! Comme une sorte de paralysie soudaine, inattendue. Celui qui prend la relève et se met à enseigner au peuple, c'est El'azar Hakohen. Pourquoi ? Que se passe-t-il ? C'est pourtant Moché qui a entendu ces lois directement de l'Éternel !? Et bien, tout simplement, Moché fut frappé d'amnésie au moment où il devait prononcer la Halakha. Cet oubli était la conséquence directe de son comportement coléreux contre les officiers de l'armée qui revenaient de l'expédition de guerre. La Torah nous dévoile une règle spirituelle : ”tout celui qui se met en colère, sa sagesse le quitte !”.

Même Moché Rabbénou, le dirigeant du peuple juif, le plus humble de tous les hommes, qui a agi dans l'intention de sauver les enfants d'Israël de la faute, lui aussi n'a pas été épargné des conséquences dévastatrices de la colère. Voici les paroles de Rabbi Haïm Vital, le plus grand élève du Ari zal : ”mon maître s'éloignait de la colère plus que de toutes les autres fautes, il avait l'habitude de dire : chaque faute abîme un membre du corps, mais la Middat Haka'ass (la colère) abîme toute l'âme et la rend “Tréfa”!

Avez-vous une idée de ce qu’il se passe dans notre corps lors d'un accès de colère ?

La coagulation du sang se fait plus rapide, le nombre de globules grandit jusqu'à atteindre 500 000 globules au centimètre cube, les muscles à l'entrée de l'estomac se serrent, les battements cardiaques augmentent considérablement, la tension artérielle monte…

Bref, nous qui prions tellement pour la santé, sommes-nous conscients des dégâts occasionnés par notre manque de maîtrise de soi ? En nous contrôlant, en essayant de garder notre calme, nous évitons un grand nombre d'ennuis (que ce soit au niveau de notre santé ou au niveau de nos relations avec autrui). Mais, la grande question est la suivante : comment parvenir à nous dominer ? Il est vrai que intellectuellement, nous comprenons combien il faudrait s'éloigner de la colère, le problème est d’y arriver au moment de l'épreuve !

Mettre le doigt sur l'origine de la colère nous aidera à la surmonter !

Nous voulons avoir le contrôle de notre vie. On se lève le matin avec un programme déjà planifié, un but déjà fixé : je dois être à la station de bus à 8h précises ! Et que se passe-t-il quand à 7h50 votre petit enfant renverse une bouteille d'huile en plein milieu du salon…?

Nous avons du mal à accepter une optique différente de la nôtre. De nombreuses discordes entre conjoints ou entre parents et enfants prennent source dans les divergences d'opinion.

Nous avons tendance à vite juger négativement, c'est la tendance naturelle de l'homme. Il nous est difficile de s'arrêter et de prendre du recul face à la situation présente. Le stress de la vie et la course après le matériel ne font que compliquer la tâche. Le travail des Middot exige de s’introspecter, de s'analyser, de se mettre à la place de son prochain. Prenons l'exemple d'une maman qui, en rentrant du travail, découvre la chambre de sa fille adolescente. Que voit-elle ? Un désordre fou ! Toutes les chaussures sont éparpillées sur le sol, des piles de vêtements remplissent le bureau, les lits, la poubelle est renversée… Et voilà qu'elle se remplit de pensées négatives : quelle insolente ! quelle fainéante ! La seule chose qui l'intéresse, c'est  ses amis ! Elle sait très bien que je n'ai pas d'aide à la maison et elle me laisse tout comme ça !?

Nos sentiments de colère, de rancune prennent naissance dans nos pensées négatives. Parce que nos réactions naissent de nos émotions, qui elles, naissent de nos pensées. Si on arrive à changer nos pensées, on arrivera à changer nos réactions ! Et la colère se transformera en pitié, par exemple.

La Torah nous enseigne : “Ne juge pas ton prochain jusqu'à ce que tu sois mis à sa place” (Maxime des pères).

Si cette maman s'était arrêtée quelques secondes et avait mis un frein à ses pensées automatiques, elle aurait pu réfléchir autrement : ”pauvre chérie, elle est débordée, elle se lève à 6h30 le matin, court au travail jusqu'à 17h, quand elle rentre, elle est épuisée, l'état de cette chambre témoigne de ses dures journées !”

Nous nous remplissons de colère contre les personnes qui nous ont contrariées, blessées ou détrônées (un patron qui a renvoyé son employé par exemple). Nous oublions malheureusement trop souvent que la Providence conduit tous les événements de notre vie jusque dans les moindres détails ! C'est le Créateur qui place les obstacles sur notre chemin, c'est Lui qui choisit les envoyés, comme il est écrit : Rabbi 'Hanina m'a dit : ”Nul ne peut lever un doigt ici-bas ,sans que cela soit proclamé aux Cieux” (Houline 7b).

Le hasard n'existe pas, tout vient d’Hachem et tout est pour le Bien !

Nos moments de colère proviennent de notre manque de confiance en Hachem. Notre tâche dans ce monde consiste à assimiler cet enseignement si précieux de Rabbi 'Hanina à l'intérieur jusqu'à le concevoir comme une règle s'appliquant de manière concrète à tous les instants de notre vie. Cette capacité d'accepter la volonté de Hachem dans toute circonstance existe en nous. Nous l'avons héritée de nos patriarches et de nos matriarches qui suivaient Hachem sans se poser de questions.

Sur le verset : ”C'est sur l'ordre du Seigneur que partaient les enfants d'Israël, sur l'ordre du Seigneur qu'ils s'arrêtaient, tant que la nuée restait fixée sur le tabernacle, ils demeuraient campés” (Bamidbar 9,19), nous dit le Or Hahaïm Hakadoch. La Torah vient faire l'éloge des enfants d'Israël qui géraient leur vie selon la volonté d’Hachem. Si Hachem veut, je veux. Si Hachem ne veut pas, je ne veux pas !!

Cette annulation du soi devant la volonté du Créateur les définissait comme serviteurs d'Hachem. Si nous désirons devenir des êtres plus sereins, la première des choses serait de décider de travailler sur cette Midda de colère de façon constante, jour après jour, en s’auto-analysant après les échecs (après s'être emportée, se poser la question : qu'est-ce qui m'a amenée à m'énerver ?)

Et surtout, ne pas se décourager ! Tout changement se fait lentement, car il s'agit de déraciner des modèles de comportements, des réactions automatiques et de les remplacer par d'autres, plus réfléchies. Cette rééducation est un dur labeur, mais sa rentabilité a une valeur incommensurable. Il en est trois que le Saint béni soit-Il aime : celui qui ne se met pas en colère, celui qui ne s'enivre pas, et celui qui passe outre ses tendances” (Pessa’him,11,3b). 

Chabbath Chalom à toutes !