C'était au milieu de la Seconde Guerre mondiale. L'Europe brûlait, la fureur des Nazis ne connaissait aucune limite et des milliers de Juifs étaient envoyés aux crématoires tous les jours. Ceux qui avaient de la "chance" étaient envoyés dans les camps de concentration pour travailler, tant qu'ils avaient les forces de servir la machine de guerre nazie. Quiconque défaillait savait que le moment de sa mort se rapprochait. Chaque groupe de travailleurs était dirigé par un kapo qui était lui-même prisonnier mais avait comme mission de superviser un groupe de prisonniers.

La mélodie de Satmar

Dans un camp de concentration, l’un des prisonniers juifs était un rabbin important de la ‘Hassidout de Satmar, en Hongrie. Après avoir remarqué qu’un rayonnement particulier illuminait son visage, les Nazis décidèrent de resserrer l'étau autour de lui et de le surveiller de plus près. Il devait travailler sans répit dans des conditions très difficiles. On ne le laissait jamais se reposer. Les coups et insultes étaient son pain quotidien.

Un jour, en fin d'après-midi, le corps meurtri par les coups et épuisé, le rabbin trouva une planche, s'assit dessus et posa sa tête contre le mur adjacent. Ses pensées s’envolèrent vers les jours ayant précédé la guerre, il se souvint du temps où il était assis à la table de l’Admour, Rabbi Yoël de Satmar. Il pensait à son Rav et se mit à fredonner une mélodie apprise chez son beau-père. Il sentit ses forces revenir et s'apprêtait à se relever quand il entendit un bruit près de lui. Il ouvrit les yeux et ….Horreur ! Que vit-il? Ni plus ni moins que le kapo debout à ses côtés. Il referma les yeux et attendit le coup mortel prêt à l'achever. Mais rien ne se passa. Il rouvrit les yeux en tremblant de peur et vit le kapo toujours à ses côtés. Mais son regard avait changé, il était plus doux… Le kapo se mit à pleurer, à sangloter... Il lui raconta que lorsqu’il était enfant, avant d'abandonner la religion, il allait souvent chez le beau-père du Rav qui lui avait aussi appris cette mélodie.

Le kapo resta à ses côtés plusieurs minutes. Lorsqu'il se releva, il n'était plus le même. Quelque chose en lui avait changé. Il commença à surveiller les prisonniers avec une négligence volontaire et fermait les yeux sur ce qu'il pouvait. Les prisonniers furent très étonnés de ce changement soudain...

Quand l’étincelle devient flamme

Cette histoire figure dans le livre Ness Hahatsala du Rabbi de Satmar. Elle prouve qu’en chacun de nous, même chez celui qui paraît très éloigné de la Torah, brûle la même étincelle juive. Au plus profond de nous, ce point d'origine subsiste. Tout ce que nous devons faire, c’est transformer cette étincelle en flamme qui éclaire. Parfois il faudra une contrainte, parfois une mélodie, parfois une bonne action pour la révéler. Cela peut être aussi l’exemple d'une personne intègre qui nous a bouleversé, quelque chose qui a la force de raviver la flamme qui est en nous.

Une fois, une de mes amies a demandé à son médecin russe : "Depuis combien de générations n'avez-vous plus de liens avec la religion juive? "Six” a-t-elle répondu. "Dans ce cas, a poursuivi mon amie, pourquoi êtes-vous venue habiter en Israël, malgré la situation difficile au niveau sécuritaire et économique ? Pourquoi ne pas avoir choisi un autre pays ?" Sa médecin l’a regardée avec grand étonnement avant de s'exclamer : "Mais je suis juive !" Malgré le fait qu’elle était très éloignée de la pratique, elle se sentait appartenir au peuple juif. L'étincelle ne s'était pas éteinte !

Une bataille acharnée contre la Torah

Pendant 180 ans, les Grecs dominèrent le peuple d’Israël et lui imposèrent sa culture. Ils tenaient les hauts postes et les moyens de communication et firent tout ce qui était en leur pouvoir pour attirer la jeunesse vers la culture du corps. Ils créèrent d'immenses stades à Jérusalem, organisèrent des compétitions sportives et des spectacles. En parallèle, ils développèrent la littérature et la philosophie.

En plus de cette révolution culturelle, ils menèrent une entreprise de sécularisation : celui qui observait le Chabbath était condamné à mort, les mères qui faisaient la circoncision à leur fils étaient jetées du haut de la muraille avec leur enfant, celui chez qui on trouvait un Séfer Torah était brûlé avec lui. Les synagogues furent fermées ainsi que les écoles juives. Des milliers de Juifs fuirent vers le désert pour pouvoir mener une vie dans le respect de la Torah. Là encore, les Grecs les poursuivirent et les tuèrent.

Après tous ces efforts pour faire oublier le judaïsme aux Juifs, naquit une génération qui n'avait pas vu de Séfer Torah, qui n'avait pas entendu de Chofar, qui ne mangeait pas Cachère et n'observait pas le Chabbath.

Selon toute logique, il était impossible de perpétuer la tradition juive. Le petit nombre de Juifs qui continuait de respecter la Torah diminuait et semblait aller vers la disparition. Quelqu'un aurait-il pu alors penser que bien des millénaires plus tard, comme c’est le cas aujourd’hui, de nombreux Juifs observeraient strictement les préceptes de la Torah ? Ce phénomène n’est-il pas la concrétisation de la promesse écrite dans Dévarim (31,21) selon laquelle la Torah ne sera pas oubliée ?

L’étincelle du juif et les flammes de ‘Hanouka

Lorsque les Grecs arrivèrent à Modiin et essayèrent d'y obliger les Juifs à abandonner la Torah, alors commença la révolte. Matitiahou et ses fils, qui étaient peu nombreux, se levèrent et combattirent avec énergie et courage. Nous venons de fêter leur victoire ainsi que le miracle de la fiole d'huile en célébrant ‘Hanouka.

Le miracle réside aussi dans le fait que tout le peuple soutint la révolte, que son cœur était avec cette poignée de valeureux combattants qui souhaitaient “restituer à la couronne sa gloire d’antan” et rendre au peuple juif sa Torah afin qu'il puisse l'observer. Lorsque les Grecs perdirent la bataille, le peuple juif redevint uni "comme un seul homme, avec un seul cœur". Il accepta alors l'autorité du Sanhédrin et des Sages de la Torah.

Il subsiste cependant une question. Comment les Juifs purent-ils revenir si facilement à la pratique de la Torah, après une déconnexion de 180 ans ? Là encore, la réponse est que notre peuple est attaché à ses racines. Un Juif souhaite toujours se rapprocher d'Hachem. Au fond l'étincelle ne s’éteint pas.

Le grand mouvement de Téchouva qui existe de nos jours est la preuve qu'il ne faut jamais désespérer d'un juif, aussi éloigné peut-il être. Car en chacun brûle cette étincelle qui ne demande qu'à être allumée.

Nous l'avons rallumée il y a peu de temps à ‘Hanouka, tâchons de la garder à l'état de flamme sans attendre les prochaines fêtes pour la raviver…

Extrait de “Marvé Latsamé” - Traduit par Sylvie Tsivia Temstet