Question 

Chalom Kvod Harav, 

Mon épouse et moi-même vivons ensemble, Baroukh Hachem, depuis plus de cinquante ans. J’ai 75 ans et ma femme 72 ans. Alors que je suis en bonne santé et me sens bien, ma femme a commencé il y a quelques années à souffrir de démence. Les symptômes de sa maladie s’aggravent de jour en jour. Je vois qu’il lui est de plus en plus difficile de faire des gestes simples et courants. Elle s’embrouille, oublie des choses et a même du mal à retrouver ses lunettes. Ma femme se fait un devoir de préparer nos repas. Je remarque ces derniers temps qu’elle peine à faire correctement même ce qu’elle a l’habitude d’effectuer. Par exemple, elle oublie de retirer la casserole du feu et laisse le plat brûler. À ce sujet, j’ai une question sensible à vous poser. Est-ce que je peux continuer à lui faire confiance en ce qui concerne la Cacheroute ? Comment serai-je sûr qu’elle achètera toujours des produits Cachères et qu’elle ne les confondra pas avec d’autres produits ? Puis-je me fier à elle pour séparer la viande des laitages, pour trier le riz et pour vérifier les œufs ?

Réponse

Chalom et bénédictions,

Votre question est des plus difficiles. En fait, elle est d’actualité pour de nombreux couples et pour les membres de la famille. En effet, ce comportement que vous décrivez est typique de la démence. De manière générale, on peut dire que cela vaut la peine de contrôler si ses fonctions liées à la gestion des tâches (planification, organisation, exécution) sont lésées. Dans ce cas, efforcez-vous de vérifier avec sensibilité et délicatesse si les charges lui incombant concernant la Cacheroute sont remplies convenablement. Il est également important de prêter attention à toute détérioration potentielle de l’état de santé de votre épouse. Mais tant que toutes ses fonctions managériales sont bien exercées, même si elle peut parfois oublier quelque chose ou s’embrouiller, rien ne vous empêche de vous fier à elle, principalement pour les tâches simples et routinières qu’elle a l’habitude d’accomplir et qu’elle maîtrise. 

Réponse détaillée

La Halakha nous prescrit la règle fondamentale suivante : « un seul témoin est digne de foi en ce qui concerne les interdictions. » Il est possible de faire confiance à quelqu’un qui, à notre connaissance, respecte strictement la Halakha pour qu’il ne nous fasse manger que de la nourriture Cachère, achetée, préparée et servie selon les règles de la Halakha. Mais évidemment, il n’est pas envisageable de s’en remettre à quelqu’un défini par la Halakha comme étant non doué de raison, par exemple un enfant, peu importe à quel point cette personne est dévouée et se conduit conformément à la Halakha. Nous devons mettre en doute ses capacités à exécuter les choses comme il faut. 

Cependant, il faut avoir une bonne raison pour en venir à considérer qu’une personne a l’obligation de cesser d’effectuer des actes qui lui sont coutumiers. Puisque, d’après les principes que j’ai évoqués, le point de vue de la Halakha est dans ce contexte assez simple, l’attention devrait se porter principalement sur l’aspect médical. Pour ce faire, j’ai soumis cette question à mon ami, le professeur Tsvi Dwolatzky, directeur de l’unité de gériatrie à l'hôpital Rambam, vice-doyen et professeur clinicien de la Faculté de médecine Ruth et Baruch Rapaport au Technion. Le professeur Dwolatzky est l’un des gérontologues les plus éminents d’Israël et a eu le privilège de soigner des Guedolé Israël, les maîtres de notre génération. Voici sa réponse : « C’est une question importante et très compliquée. Dans le cadre du processus de démence, les fonctions exécutives contrôlées par les lobes frontaux du cerveau sont endommagées. Cette détérioration se manifeste par des difficultés de coordination, d’organisation, de raisonnement et de gestion des tâches. De même, des troubles touchant à l’apprentissage de nouvelles choses apparaissent. Il s’ensuit qu’une personne habituée à accomplir correctement un acte pendant de nombreuses années comme le triage du riz aura la possibilité de continuer en raison de la règle appelée “’Hazaka”, c’est-à-dire grâce à une expérience acquise par une longue pratique. Néanmoins, s’il s’avère que d’autres comportements liés au fonctionnement managérial jettent un doute sur sa bonne marche, il faut réexaminer toutes les aptitudes dont faisait preuve cette personne. Prenons l’exemple de quelqu’un qui gère son compte bancaire. Si l’on constate que quelques erreurs ont été commises dernièrement, il sera alors nécessaire d’évaluer dans quelle mesure il effectue vraiment cette tâche de manière convenable. En conclusion je dirais : “Concernant quelqu’un qui se met à perdre la mémoire et qui, sans nul doute, va sombrer dans la démence, on doit être confiant dans le fait que ce qu’il a accompli jusqu’à présent de façon correcte, il continuera à le faire apparemment aussi bien. Mais comme le dit le dicton : suspecte-le tout en le respectant. S’il montre des difficultés à organiser, à planifier ou à gérer des tâches, c’est le signe qu’il faut réévaluer effectivement son mode de fonctionnement.” »

Et il a ajouté : « Un point important : plus une tâche pour le patient est usuelle et familière, plus ses chances de continuer à l’accomplir seront grandes. Plus une tâche est complexe, plus il est clair que ses chances de succès seront moins bonnes. »

Ces propos ont un caractère général. Un grand nombre de questions spécifiques relatives à ce problème nous sont adressées fréquemment. C’est pourquoi, si vous avez des questions particulières à nous poser, n’hésitez pas à nous les envoyer à l’adresse e-mail ci-dessous et nous envisagerons de développer le sujet dans un autre article. 

Nous répondons à vos questions concernant les sujets Halakha, Vieillesse et Médecine, à l'adresse mail: [email protected]. Certaines des réponses seront développées et publiées ici même.