Il n’est pas question – dans cette chronique – d’un nouvel article sur l’antisémitisme. Tant de livres ont été consacrés à ce sujet. Il sera question, ici, d’une réflexion – 80 ans après la libération et la découverte de l’horreur – sur la cruauté de l’homme, sur son caractère bestial – qui n’a pas changé depuis 80 ans ! Le MAL ABSOLU a été réalisé pendant cette période, et il nous importe d’y réfléchir aussi après le massacre du 7 Octobre 2023, qui justifie, hélas, notre propos, encore aujourd’hui !
Revenons en arrière, sur les années nous séparant de 1945 – date d’une espérance pour l’humanité. Deux faits essentiels marquent, du point de vue idéologique, cette période : l’utopie marxiste, égalitaire qui apparaissait comme l’avenir heureux de l’humanité, a totalement fait faillite. Le deuxième aspect de cette époque est le maintien de l’antisémitisme, qui n’a pas changé depuis ces 80 ans ! Réfléchissons mieux et tirons les conséquences de cette constatation : convergente, la transcendance semble aujourd’hui disparaître de l’horizon. Les faits sont têtus, et la Providence ne cesse de diriger l’Histoire, car il y a des relations entre ces divers repères. Perte de l’espoir, refus d’un Absolu, il ne reste qu’une chose : un coupable, et ce coupable, cet ennemi, c’est le Juif, qui garde l’espoir d’une humanité meilleure et reste accroché à une Transcendance active. On déteste le Juif, même quand il n’est pas relié à l’observance, bien que cela soit le critère réel de l’existence juive. Le christianisme, l’islam, le marxisme (bien qu’inventé par un Juif, totalement étranger à son peuple) ne sont convergents que par leur haine du Juif.
Interrogeons-nous maintenant sur la raison de cette haine héréditaire. Que représente le Juif pour le « Goy » ? Il symbolise la permanence, la survie dans un monde aveugle, l’espoir. La prophétie est, bien sûr, l’expression réelle de cette adversité constante. Le prophète le sait, mais n’en fait pas un cas – bien que de nombreuses prophéties mentionnent les païens. Le sage en est conscient, mais comme le prophète, il n’utilise pas cette connaissance. Le prophète comme le sage – juifs tous les deux – représentent la permanence de cet espoir. Il existe, à cet égard, une illustration de cette rivalité entre l’absence, le manque, d’une part, et la présence. Au 12ème siècle, un prêtre dominicain espagnol – nommé Raymond Martin – a écrit un violent livre contre les Juifs, en citant très souvent des textes talmudiques tronqués ou insuffisants. Ce livre s’appelle le « Pugio Fideï » (Poignard de la foi contre les Juifs), d’une violence très forte, contre le Talmud et les Juifs. Ce livre écrit en latin au 12ème siècle a été traduit en français au 17ème siècle par un janséniste qui se nommait Joseph Voisin. Pascal, le grand philosophe, qui était aussi janséniste, a connu, par l’intermédiaire de Joseph Voisin, le livre Pugio Fideï, et il le cite souvent dans ses Pensées, pour démontrer que les Juifs étaient « grands » quand ils annonçaient le christianisme et « misérables » quand ils l’ont refusé. À ses yeux, que représentent les Juifs grands puis misérables ? Ils sont les Témoins de la vérité chrétienne, grands d’abord, puis misérables (c’est la thèse d’Augustin, au 4ème siècle, qui devait expliquer pourquoi les Juifs n’ont pas accepté le christianisme). Le rôle de témoins est, en fait, à la source de tout antisémitisme, car le Juif a tort d’exister.
Le tour est joué. Pascal, grand philosophe, savant de premier ordre, détruit ainsi l’idée d’un judaïsme actif et vivant. Soyons conscients que l’être juif aujourd’hui – comme hier – dérange le non-Juif.
Que désiraient Nietzsche, Heidegger, sinon le refus d’une transcendance ? Inconsciemment, c’est la force, aujourd’hui, de tous ceux qui s’attaquent à Israël, de La Haye à New-York ! Pourquoi les universités américaines sont-elles les véhicules modernes de cette haine, qui peut s’affirmer ouvertement ou en cachette, mais qui survit toujours, hier comme aujourd’hui ? Auschwitz a ouvert aujourd’hui ses portes, mais la porte reste ouverte pour cette opposition qui transcende le temps. Il ne nous reste qu’à affirmer avec fierté notre appartenance. Au 12ème siècle, le Rachba (Ben Adéreth) a écrit une réponse au Pugio Fideï, et il cite les textes talmudiques tronqués. Ce livre s’appelle « Pérouché Agadot » du Rachba (traduit en français) qui représente trois siècles à l’avance une réponse juive directe à Pascal. Sachons, proclamons que le judaïsme, la Torah ont une réponse à apporter dans un monde obscur et aveugle. Cette réponse est la réponse du D.ieu vivant, Qui S’est révélé au Mont Sinaï et ne cesse de protéger Israël.
En conclusion, le Juif, quelle que soit l’époque, quel que soit le peuple dans lequel il se trouve, reste L’AUTRE. Il est inassimilable et l’on aurait pu penser que la Shoah ouvrirait les yeux, mais ce ne fut pas le cas et cela apparaît aujourd’hui plus que jamais. L’Autre ne se laisse pas intégrer depuis 3000 ans dans la société contemporaine et c’est ici la source de la haine qui se réveille de temps en temps. Le Juif doit dépasser cette haine et savoir qu’il est le représentant du Créateur sur terre, c’est son rôle.