Le racisme est, c’est une évidence, un phénomène négatif, et particulièrement à gauche on n’oserait guère être raciste. S’il s’agit des Noirs ou des Arabes, qui se permettrait d’être raciste ? De grandes manifestations stigmatisent le racisme. Mais attention, il y a un racisme permis, entre autres, dans les milieux d’extrême-gauche : c’est l’antisémitisme. Etre contre les Juifs, on n’ose pas, alors, on attaque Israël, et le terme « sioniste » est évidemment assimilé au terme « juif ». Soyons honnêtes ! On ne fait que répéter ici ce que l’on a écrit à maints endroits, depuis de nombreuses années, mais pourquoi revenir là-dessus ici, encore aujourd’hui ?

Il y a plusieurs raisons : une circonstancielle. Il y a quelques jours, en Libye, on a attaqué Bernard-Henri Lévy en le traitant de « chien juif », ce qui est, en soi, déjà significatif d’une haine pour le Juif, car pourquoi identifier l’opposition politique à l’origine de l’opposant. De plus, cette attaque n’a pratiquement pas été mentionnée dans la presse : aucune indignation officielle, aucune condamnation n’a été entendue. Le convoi dans lequel il se trouvait a été mitraillé, alors qu’il venait faire un reportage en Lybie. Cet événement n’a pas suscité beaucoup d’écho en France, car, apparemment, la banalité de l’événement ne semble plus beaucoup intéresser le public.

Ici, le bât blesse, et c’est cet état d’esprit qu’il importe de condamner. Que l’on s’habitue à des attentats, à un acte antisémite, quelles que soient les circonstances ou les victimes, et nous retombons dans une société sauvage. Il ne s’agit pas de Bernard-Henri Lévy, de son engagement, mais du « chien juif », qui rappelle trop les chiens allemands qui s’attaquaient aux Juifs.

Serait-on devenu plus sensible, du fait que c’est un Juif qui est la cible ? Un attentat contre Alain Finkielkraut, à Paris cette fois, s’était déjà inscrit dans la même mouvance. Il importe de se souvenir que le Juif, quelque soit son lien avec la tradition, est objet de la haine. Certes, Bernard-Henri Lévy ne nie pas son judaïsme. Les nazis avaient tiré des Juifs convertis des monastères, pour les jeter dans les camps.

Banale peut-être, la haine du Juif provient, selon la tradition, du Mont Sinaï, par analogie entre le terme hébraïque « Sinaï » et le terme « Sina » (haine). La haine d’Israël provient de la Révélation du Sinaï, de la séparation essentielle entre les Juifs et les nations. Le Juif peut vouloir s’assimiler, refuser ce stigmate, cela le poursuit. Avraham Avinou se voulait « de l’autre côté » du reste de l’humanité. Serait-ce là pour Bernard-Henri Lévy, pour Finkielkraut et pour bien d’autres une occasion de réfléchir à leur être véritable ? Le célèbre philosophe, Henri Bergson, avait décidé, à 80 ans (!), de se convertir, mais comme c’était en 1941, au moment où l’on poursuivait les Juifs, il a finalement renoncé à le faire « pour ne pas trahir son peuple ». Quelle que soit l’époque, le Juif gêne, dérange, il est celui que l’on ne peut intégrer qu’apparemment. Le Capitaine Dreyfus a vécu cette hostilité, bien qu’il ait été apparemment assimilé. Bernard-Henri Lévy a réfléchi, on le sait, sur « l’esprit du judaïsme » dans un livre célèbre. Mais le vrai esprit, celui qui maintient le peuple, ne doit pas être la haine, élément négatif, mais l’amour, la fierté d’appartenir à un peuple dépositaire d’une tradition qui dépasse l’instant, pour témoigner à jamais de l’unité de D.ieu Dans la prière du Chema, dans le premier verset, 2 lettres sont écrites en lettres majuscules (plus grandes que les autres). Ces 2 lettres sont le ‘Ayin et le Dalet, qui signifient, à elles seules, 2 idées : – « ’Ed » – témoin, et – « ’Ad » – pour toujours. Tel est le rôle d’Israël d’être témoin, dans l’Histoire, et pour toujours, de la foi en D. unique. Il y a chez Bernard-Henri Lévy un reste de cet idéalisme, de ce sens de la fraternité, de ce refus de la violence, de ce goût de la liberté, mais cela ne peut rester « laïque », et n’a de valeur solide que dans la perspective d’un lien avec la Transcendance.