Quand on est né dans la banlieue pauvre de Seattle (Washington), qu'on est noir, de parents rappeurs, et qu'autour de nous gravitent dealers, délinquants et petits criminels, on a 99% de chance de finir comme eux, incarcérés tôt ou tard pour trafic de drogue, ou explosés un soir sur un trottoir d'une overdose.

La chance de Nissim Black, anciennement Damian Jamohl Black, c'est d’abord la musique. Il sort un album de rap à 13 ans et un producteur le prend alors sous son aile et l'aide à démarrer sa carrière. Mais l’argent n’est pas encore la garantie de sortir indemne du ghetto. Et la deuxième chance de Black, c'est une lumière qui clignote en lui, depuis toujours, et qu'il suivra sans se décourager. Il cherche D.ieu. Pourtant, ses parents sont agnostiques, mais son grand-père maternel est musulman, et, enfant, il lui inculque les fondements de l’Islam. A 14 ans, il participe à un camp d'été sans savoir que les organisateurs sont des missionnaires catholiques évangélistes. Le jeune est fasciné. On lui parle de sens à l’existence, de vie après la mort, d'enfer et de paradis. Il lit la Bible, et se convertit. La lumière en lui clignote sans cesse. Sa carrière musicale démarre en hyperbole et il est très vite propulsé au rang des meilleurs. Ses musiques hip hop se frayent les places au sommet des hit-parades. Il prend alors le nom de « D Black ». Les dollars pleuvent, mais il s'embourbe dans des rixes entre bandes qui faillissent finir très mal. Presque au bord du non-retour, il met les freins. Rien ne va plus. Il raconte :

« A ce point, j'ai compris que je ne pouvais pas continuer ainsi. Je cherchais un sens, en fait, je cherchais D.ieu. J’ai toujours cherché l'authenticité, je voulais connaître le chemin de la vérité, de la pureté. J'ai commencé à chercher D.ieu partout. Je pouvais lire la Bible des 8 et 10 heures par jour, je m'isolais longuement la nuit, bien avant de connaître Breslev et la Hitbodédout. Le déclencheur, ça a été la lecture des prophètes. Quand je lisais le rapport d'amour entre le Créateur et le peuple juif, je ne pouvais pas ne pas vouloir faire partie de cette relation. Je voulais que D.ieu m'aime aussi comme ça, comme c'est écrit, et être le réceptacle de toutes Ses bénédictions. Je ne cherchais pas une religion, je cherchais la proximité avec D.ieu, et c'est ce qui m’a mené au judaïsme. » Il a entamé une conversion orthodoxe avec sa femme, puis, mariage avec elle à Seattle, en bonne et due forme cette fois, selon la loi juive. Son beau-frère, avec qui il travaille, et sa belle-sœur les ont suivis dans leur démarche. Lors de ce parcours atypique et tortueux, Black raconte des rencontres exceptionnelles, comme celle avec Rav Benzaken de Seattle, qui donne la main à Black tout au long de son parcours, ou la lecture du livre de Rav Arouch, “Les Chemins de la Foi”, traduit en anglais. Mais la source de toutes les inspirations pour Black est, bien entendu, Rav Na’hman de Breslev et ses enseignements.

Il est d’une détermination de roc et a bien l’intention d’arriver au sommet. Il veut se convertir, c’est décidé. La lumière en lui clignote de plus en plus fort. Pendant cette période de transition, il arrête la scène et les albums pour se consacrer totalement à sa conversion en immersion totale. Il disparaît complètement de la scène de 2011 à 2012, ne produit plus, pour réapparaître sporadiquement en 2013 en Tsitsit et barbe.

Quand on lui demande si le judaïsme n'est pas simplement encore une étape vers autre chose, il sourit.

« Le judaïsme ne vous coure pas après, il est là. Vous le cherchez et vous le trouvez uniquement par vos propres forces. Et j'ai cherché de toutes mes forces, je peux le dire. Je me suis battu, j'ai tenu bon, et là, je pose mes valises. Il faut dire la vérité, dans les autres religions, on cherche des brebis perdues, et on veut leur "refiler" le bonheur à tout prix ! Pas ici. Personne n’est venu me dire : “Hey, Black ! C’est par ici. C’est le bon chemin ! Welcome to the club !”. J’étais seul avec D.ieu et Il m’a dirigé à chaque pas. »

Pourquoi cette décision prise il y a 5 ans de faire votre Aliya et de venir en Israël ? N'est-ce pas encore une difficulté supplémentaire ?

D.ieu, le peuple juif, et la terre d’Israël sont un. Depuis mes premiers pas dans le judaïsme, je sentais que je viendrais. Cette décision s'est imposée à moi. Ici, vous êtes dans une autre dimension spirituelle. Tout appel au lien avec D.ieu. Maintenant, bien sûr, il y a des difficultés. Il faut s’acclimater, d'autres codes, d'autres us.

Par exemple ?

Black sourit. « Ici on vous regarde, on vous dévisage sans se gêner. C'est très différent des USA où on évite de montrer qu'on regarde. Ici on vous bouscule ou on vous marche sur les pieds, pas parce que “on te cherche”, mais parce que c'est comme ça, sans violence, c'est une sorte de rugosité israélienne… Il faut juste comprendre et s'habituer. »

Des manifestations de racisme ?

Oui, comme partout. Mais, d'un autre côté, à Beth Chémech où nous nous sommes installés, c'est le bonheur. Les enfants ont leurs écoles et sont complètement intégrés. On vient les chercher Chabbath pour la lecture des Téhilim en groupe. Mes enfants étaient touchés aux larmes. Le Rav Kaniewsky m’a dit lors d’une visite que j’ai eu le mérite de lui rendre : “Le fait que vous soyez noir, c’est votre qualité et pas un défaut.”

Votre emploi du temps ?

Je me lève au Nets, à l’aube, je prie, puis je vais dans la forêt de Beth Chémech pour mon Hitbodédout (isolement dans la nature pour s’adresser à D.ieu), puis j ai mes heures de Limoud (étude), et ensuite, je travaille en studio sur ma musique et mon prochain album. Et, bien sûr, ma famille, à qui j’essaye de consacrer le plus de temps possible.

Comment avez-vous concilié le rap et votre nouvelle vie ?

J'avais pensé abandonner le rap, mais non. Je vais aussi convertir ma musique. A la base, c’est une musique imprégnée de violence, de chaos, où le crime et la drogue sont le filigrane obsédant avec des paroles saccadées, morcelées, comme la vie des gens du ghetto. Mais cette musique, c'est la mienne, D.ieu m'a donné le talent de la composer et je veux en faire quelque chose pour les nôtres, pour ramener au bercail ceux qui se sont éloignés.

Vos préférés de la musique ‘hassidique et juive ?

J’aime beaucoup écouter Reb Chlomo Carlebach. Cet homme était au-dessus de tout ce qu'on peut s’imaginer dans le domaine musical. Tout musicien qui a une affinité avec le spirituel comprend que ses mélodies viennent de très haut, quelque part au Gan Eden. J’écoute bien sûr Gad Elbaz, avec lequel j’ai travaillé, Avraham Fried, Shwekey, et je suis un admirateur des airs de la ‘Hassidout et de Belz en particulier.

Dans des clips décoiffants, plein d’humour, il se met en scène sous toutes ses facettes : le black américain de Seattle USA, le noir africain de ses lointaines racines en dance rap tribale, ou encore le juif ‘Hassid du Shtetl, en duo avec Gad Elbaz, dans un décor de “Violon sur le toit” (https://www.youtube.com/watch?v=BCh-yxlcEY8&pbjreload=101). Parce que s'il a fait ses choix, il ne renie rien de ce qu’il a été, ni d'où il vient.

Chaque partie de lui est un morceau du puzzle qui l’a mené à la vérité.