Trois termes qui reviennent, ensemble, ces jours-ci et qui, pourtant, ne semblent pas liés entre eux. Ils traduisent la banalité de la vie quotidienne, les événements de l’actualité, et, de ce fait, évoquent la routine, mais c’est, ici, qu’il faut découvrir la présence du Créateur. La vie quotidienne nous enferme dans un cycle qui nous entraîne, et nous interdit de trop réfléchir. Or c’est ici que le bât blesse, ce qui veut dire qu’être vaincu par la routine est, en fait, une démission pour l’homme, presque un désastre pour quelqu’un qui désire donner un sens à sa vie, et ne pas disparaître dans l’inconnu. C’est encore beaucoup plus grave pour le Juif, fidèle à l’enseignement du Sinaï : ce dernier, en effet, a le devoir de tenter d’éclairer la grisaille de la quotidienneté à la lumière de la parole révélée au Sinaï.

Pourquoi avoir choisi ces trois exemples – canicule, maladie, élections – pour dénoncer l’hégémonie de la routine dans la vie de l’être créé ? L’homme vit dans un triple cadre : géographique, physique, et social. Le Juif doit transcender ce triptyque pour y introduire l’Infini, l’Éternel, et révéler ainsi l’Auteur de l’univers. Révélation par la créature qui répond à la Révélation du Tout-Puissant. Le triptyque présenté invite l’homme à sortir du MOI pour s’élargir vers l’universel. Cette déchirure inconsciente doit être appréhendée de façon consciente, et c’est là l’« 'Avodat Hachem » – le culte divin – qui doit être l’apanage du fils d’Israël.

Climat, d’abord ; il ne s’agit pas seulement de la pression atmosphérique. L’expression peut se comprendre au propre, mais aussi au figuré. La canicule actuelle, en Europe – comme le froid glacial en Sibérie ou en Alaska – sont des émissaires du Tout-Puissant, en toutes circonstances. Le climat peut, certes, influencer la société, et les relations sociales peuvent s’en ressentir. Il n’est pas contestable que ces données soient le résultat de la volonté de l’Éternel. Pourquoi tel volcan crache encore de la lave, et tel volcan est éteint ? Reconnaissons le fait du Créateur.

Éléments physiques maintenant. Eux aussi sont soumis au désir du Tout-Puissant. De Lui dépendent la santé, ou, ce qu’à D.ieu ne plaise, la maladie, ou les infirmités. Le devenir physique de l’humanité est, certes, l’ultime objectif, et il ne faut jamais oublier que le but de l’Histoire est de conduire vers une voie. Ici aussi, aveuglés par les problèmes de l’instant, on ne réfléchit guère sur la finalité – absolue, et non relative – de l’activité.

Il faut nous réveiller, disent les auteurs des livres du « Moussar ». Mais pour se réveiller, il faut se sentir endormi. Peut-être est-ce là le plus grand danger ! Se laisser endormir par la routine de la vie quotidienne, qui nous ferme les yeux.

Le troisième – et dernier – élément qui absorbe notre activité et s’impose à notre MOI, c’est, on l’a dit précédemment, l’aspect social. Influencés que nous sommes par l’AUTRE, nous n’arrivons pas à être indépendants. L’AUTRE, ici, on l’a défini « élection », car il dépend de chacun d’entre nous d’entretenir, ou d’éviter, cette relation avec l’AUTRE. Quoi qu’il en soit, ici aussi, la difficulté est grande pour celui qui cherche à réfléchir à son MOI, au sens réel de notre présence sur terre.

Un texte de la prière du matin nous invite à demander au Tout-Puissant de nous éviter les écueils qui risquent de nous écarter de notre voie vers la spiritualité, car, dit le texte, « nous sommes les descendants d’Avraham, Its’hak et Ya'akov ». C’est la conscience d’assurer le prolongement d’une tradition trimillénaire qui doit nous protéger des dangers à chaque époque. Mais essayons de faire que ces dangers, ces obstacles sur la voie de la réflexion approfondie, soient des tremplins pour nous pousser à chercher plus loin, au-delà de notre vue limitée. Il est clair que dans ce triptyque, le troisième élément, on l’a appelé ici élection – car il est assez actuel aujourd’hui en Israël, après l’avoir été en France – pour bien souligner que, dans l’élection, l’homme croit agir, être souverain de son choix, mais en fait c’est le Tout-Puissant Qui donne sa force à l’élu. Les trois versants de l’acte de la créature restent au niveau horizontal. Mais en fait, le réveil véritable en vue de donner un sens à l’Histoire – histoire de l’individu, histoire du peuple juif, histoire de l’humanité, devenir cosmique – ce réveil ne sera utile que s’il est vertical, et nous relie à un objectif qui dépasse l’instant. Le fini sensible n’est que relatif, il s’adresse à nos sens, limités par hypothèse. Ce n’est qu’en ouvrant les yeux, grâce à un lien vertical, que le passager sur terre trouvera un sens à son existence. Au-delà du physique, du limité, du relatif, l’Absolu répond aux questions, donne un équilibre à la création, nous rattache au Royaume, rassure le créé, et lui accorde le cachet de l’éternité. Ouvrons les yeux, sachons lire au-delà des méandres du quotidien, et nous sommes sur la voie du bonheur ici et au-delà.