L’Éternel a créé le monde de façon telle que le négatif puisse permettre de reconnaître le positif. C’est, évidemment, la condition du libre arbitre, et la nécessité de donner un sens et une valeur à l’action humaine. Si l’homme ne pouvait pas faire le contraire de ce qu’on lui dit de faire, ce qu’il fait serait dénué de poids. Être délivré de la nécessité du choix retirerait toute initiative positive à la créature. C’est le sens de la première injonction donnée à Adam Harichon. « De tous les arbres du jardin tu peux manger, mais de l’arbre de la science du bien et du mal, tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangerais, tu mourras » (Béréchit 2, 16 et 17). Il a désobéi, et les conséquences pour l’humanité sont connues, mais il avait la possibilité du choix. Les Sages expliquent ainsi le terme « très bien » après la création d’Adam. « Très bien » (Ibid. 1, 31), c’est l’existence de la tendance au mal, du « Yétser Hara' », car c’est cette possibilité du mal qui donne son assise à l’action de l’homme. Un autre exemple de cette nécessité de placer la difficulté avant le choix est apporté par la guerre d’'Amalek. Les enfants d’Israël viennent de traverser la Mer Rouge, ils se dirigent vers le Mont Sinaï pour la Révélation. Alors, 'Amalek arrive et s’attaque à Israël avant qu’il parvienne au Mont Sinaï. 'Amalek symbolise le mal, l’obstacle qui se présente avant la Révélation, pour empêcher le peuple juif de recevoir la Torah. L’intervention de l’obstacle précède la réalisation du BUT de la création – Avraham a dû passer par 10 épreuves pour affermir sa foi, Its’hak fut prêt à être sacrifié pour être proche de l’Éternel, et la vie de Ya'acov fut pleine de pièges, avec Essav, avec Lavan, et la disparition de Yossef. Le Premier Temple fut détruit par les Babyloniens, mais alors survint, avec la fin de la prophétie, le formidable essor de la Torah Orale. À partir d’Ezra, la « sagesse » remplaça la prophétie, et fut plus féconde, car elle permit l’effort personnel de l’individu qui s’élève par sa proximité avec la parole du Créateur.

Vinrent alors les Grecs, qui tentèrent de se mesurer avec les Sages. Philosophie grecque contre Sagesse divine, tel fut le dilemme imposé aux Hasmonéens. Les Grecs avaient compris que 3 lois essentielles étaient la base de la Torah : le Créateur est le souverain de l’organisation naturelle de l’univers (interdiction d’observer Roch 'Hodèch, le début du mois hébraïque, qui évoque le renouvellement cyclique de la nature), le cachet de la sainteté dans le développement de la nature (interdiction d’observer le Chabbath) et le sceau de la spiritualité en pratiquant la circoncision (qui consacre l’Alliance avec le Créateur en perfectionnant la nature). Ce triptyque était l’opposé de la philosophie grecque qui exalte au contraire la vanité du corps.

Chaque époque est ainsi balisée par une opposition qui lui offre sa vitalité et en même temps ses difficultés. Ce n’est pas seulement à l’égard d’Israël que ces obstacles se manifestent : pogroms, croisades, révolutions et bien d’autres éléments négatifs qui accompagnent l’Histoire. Un des tournants les plus essentiels de l’humanité fut l’époque des Lumières, qui rejeta la foi en une transcendance. Le marxisme a joué pendant près de deux siècles cet aliment empoisonné qui a presque disparu aujourd’hui, mais exerce encore son influence néfaste en Chine ou en Corée du Nord ! L’une des conséquences les plus négatives de ces avatars négatifs fut évidemment la Shoah, qui s’est intégrée dans l’une des guerres les plus meurtrières de l’Histoire. La tragédie d’Israël s’est rencontrée avec la tragédie de l’Histoire.

Ces avatars sont la conséquence d’un refus de reconnaître le rôle de la Transcendance et sont, en fait, le résultat de l’hellénisme qui ne cesse de se cacher derrière les aventures historiques. Actuellement, l’Histoire a couru ; les changements technologiques et idéologiques se sont développés à une allure impressionnante. En un siècle, il s’est produit plus de transformations techniques que pendant 2,000 ans. L’électricité, puis le prodige de l’électronique, ont changé considérablement la vie de l’humanité. La question la plus fondamentale est, alors, la suivante : va-t-on ? L’humanité s’approche-t-elle de l’abîme ou d’une ère de bonheur ? L’hellénisme triomphant assurera-t-il une époque pacifiée et peut-on entrevoir, au-delà des triomphes techniques, un Eldorado heureux ? Certainement non ! La guerre actuelle en Ukraine est l’un des symptômes les plus inquiétants ! Le danger d’une guerre nucléaire n’est pas écarté. Par ailleurs, le réchauffement climatique, conséquence de la surindustrialisation de la planète, n’annonce rien de positif. Il n’y a pas de gendarmes pour protéger l’humanité ! Seul un retour, un recours à une Valeur absolue, une prise de conscience de la part de l’humanité, peuvent, peut-être, aider l’humanité à se réveiller. Voulant peut-être améliorer la situation de la créature, la technologie a finalement conduit à une dégradation du climat, et au danger éventuel d’une guerre nucléaire.

C’est alors le moment de se rappeler les annonces des Prophètes sur l’avènement messianique. Comme on l’a écrit au début de cette chronique, le négatif ne peut que déboucher sur le positif. Les « difficultés » actuelles, restes de l’influence hellénisante, peuvent paraître insurmontables, mais notre confiance en D.ieu, Qui exerce Son influence sur l’Histoire, nous encourage à ne jamais désespérer ! Le croyant en une finalité de l’Histoire sait que les méandres sont imprévisibles, mais le Messie doit venir ! Certes, il peut être très difficile de vivre une telle époque, comme l’ont dit certains Sages de la Guémara : « Je veux la Délivrance, mais j’ai peur de la voir venir ». Nous sommes actuellement conscients d’une dégradation de la situation économique, politique, sociale, sanitaire, de l’humanité. Il nous faut espérer que de ces difficultés, jaillira bientôt la Lumière. Quand ? Nous l’ignorons. Espérons en la proximité, mais l’arrivée du Messie ne fait aucun doute, et comme le dit le Rambam : « Même s’il vient tard, je suis cependant certain, chaque jour, qu’il arrivera ».