Comment être bien dans sa peau à l’ère de la communication numérique ? 

ENTOUREZ VOTRE CHOIX AVEC UN CRAYON :

A. La communication n’a jamais été aussi facile.
B. Les gens sont très facilement joignables.
C. La communication n’a jamais été aussi difficile.
D. Nous sommes particulièrement injoignables.
E. Toutes les réponses ci-dessus.

LA BONNE REPONSE est… roulement de tambour...E !

Techniquement parlant, la communication est plus simple, plus rapide, et plus efficace qu’elle n’a jamais été. Du point de vue émotionnel, cependant, nous sommes particulièrement intouchables.

(Y a-t-il eu une vibration dans ma poche à l’instant ?... J’aurais pu jurer avoir senti une vibration… Désolé, où en étions-nous ?)

La communication traverse un tournant historique.

Nous transmettons des informations à des vitesses incroyables.

Communiquez-le sur Twitter. Partagez-le sur Facebook. Transmettez-le sur YouTube. Partagez-le sur Google+ (en réalité, y a-t-il des gens qui le font ?). Communiquez-le ici ou là. Transmettez-le partout.

Je communique beaucoup de choses. Pour moi, le fait de transmettre est à la fois cathartique et intimidant.

Lorsque quelqu’un transfère mon tweet ou mon blog, c’est très satisfaisant et encourageant. Mais que se passe-t-il lorsque les gens ne répondent pas ?

On peut éprouver un sentiment de solitude.

Ou ressentir ceci : « Peut-être que les gens ne me comprennent pas. » ou : « Peut-être suis-je ennuyeux. »

Le besoin pressant de partager, et le risque qu’il induit n’est pas un phénomène nouveau, il est inscrit dans la structure fondamentale de la nature humaine.
 

Voici comment le rav Yossef Dov Solovetchik le formule :

« Lorsque quelqu’un ressent sa solitude, son monde original et personnel, il ressent aussi le besoin de partager son message avec les autres.

Malheureusement, puisque le message est nouveau et étrange pour ceux qui l’entourent, il n’est souvent pas accepté.

Lorsque l’homme ne peut communiquer avec d’autres que lui-même, il souffre de l’expérience de la solitude. » (Thinking Aloud, p. 267)

 

Ce rav écrivait à une époque antérieure aux Twitters et à Facebook, mais ses propos n’ont jamais été autant d’actualité. Lorsque les autres s’identifient avec ce que je leur envoie, je me sens compris et puissant.

Lorsque les autres ne s’identifient pas avec ce que je leur envoie (mais, en fait, remettent en question mon équilibre psychologique), je me sens rejeté et faible.

Bienvenue dans le monde des réseaux sociaux, où le fait de partager revient à oser. Identification alliée à isolement.

L’acceptation et le rejet.

J’ai ressenti les joies de l’acceptation et les douleurs du rejet.

Et je continue à partager des nouvelles. En effet, je trouve que ces deux vécus ont de l’importance pour mon égo.

Différentes expériences inspirent des personnes différentes.

Ce qui m’intéresse ne vous intéresse pas forcément - et ce, en soi, est une belle leçon.

Nombreux sont ceux qui sont rapides à rejeter la « culture du partage » à la mode, la traitant comme un engouement passager qui finira par se démoder ou comme un loisir immature que nous ne sommes pas aptes à rejeter. Mais l’expérience du partage existe depuis des siècles. Les hommes voudront toujours communiquer, c’est parfaitement naturel.

Mais pourquoi cela semble-t-il tant manquer de naturel parfois ?

J’ai souvent l’impression d’avoir une relation ambivalente faite d’amour et de haine avec mon iPhone.

Parfois, j’adore vraiment partager, et d’autres fois en revanche, je me sens superficiel et frivole - pourquoi ?

Je me pose souvent cette question, et je pense que la réponse se résume à mon intention.

Est-ce que je communique pour obtenir des compliments ou comme moyen de libre expression ? La libre expression, cela semble naturel, car c’est naturel. Comme la musique, l’acte d’expression en soi procure un sentiment de libération. Tout le livre des Tehilim est un recueil de chants de pure libre expression. Je ne pense pas que le roi David se serait soucié du nombre de transferts de tweets ou des « J’aime » qu’il pouvait accumuler. Ce n’était pas l’idée recherchée.

La promotion de soi semble manquer de naturel, en particulier lorsque personne ne s’identifie avec le produit que je vends, et d’autant plus si le produit que je vends, c’est moi-même. Cela semble manquer de naturel, car il n’est pas question de « partager », mais de tout autre chose, d’« implorer. » Il n’y a pas de libération dans le fait d’implorer. De solliciter.

L’une des leçons les plus importantes que j’ai apprises de la Culture du Partage : mon intention définira toujours mon expérience du partage. En outre, mon estime de moi-même est généralement maîtresse de mes motifs.
 

Lorsque nous nous sentons bien tels que nous sommes, nous sommes libres de nous exprimer. Dans le cas contraire, nous implorons une reconnaissance.

Le contentement procuré par un transfert de tweet n’est pas aussi satisfaisant que la joie d’un brainstorming, de penser et de partager quelque chose qui touche en nous une corde sensible.
 

Consultons une nouvelle fois le rav Solovetchik :

        « Si mon public sent que ces interprétations sont aussi importantes   pour leurs perceptions et émotions, je devrais me sentir amplement récompensé. Néanmoins, je ne dois pas me sentir blessé si mes       pensées ne génèrent aucune réaction auprès de mes auditeurs. » (The lonely man of faith, p. 9)

 

Ce qui fait des échanges numériques  une expérience tellement intimidante est le fait que nous ne voyons pas de réactions en temps réel, en face à face. Le mieux que nous pouvons espérer, c’est un smiley digital... une tête de :)”  

Souvent, nous n’avons pas moyen de savoir si les gens sont vraiment touchés par ce que nous leur communiquons.

Mais cela ne devrait pas diminuer la valeur de la libre expression.

Partager, c’est oser.

Mais c’est également libérateur.

Merci de m’avoir laissé partager mes sentiments.

Dani Joszef