Chaque matin en me réveillant, je me demande si ce que j’ai vécu la veille était bien réel, ou si ce n’était qu’un mauvais rêve.

J’ai du mal à intégrer cette nouvelle réalité, du mal à penser que nous vivons une « guerre mondiale » contre un ennemi invisible, du mal à réaliser que personne n’est en mesure de savoir quand et comment tout cela se finira…

Depuis plusieurs semaines, nous vivons une période qui restera très probablement gravée dans l’Histoire. Ce qui est sûr, c’est que cela restera à jamais gravé dans notre mémoire collective et que notre vie ne sera jamais plus la même. Il y aura indubitablement un « avant » et un « après ».

Mais comment réussir à surmonter tout ce que l’on vit sans tomber dans l’angoisse, le stress, la peur, voire même la dépression ?

Comment réussir à rester enfermé chez soi 24h sur 24, 7 jours sur 7, seul ou « trop bien » accompagné, tout en gardant son calme et en se surpassant ?

Rabbi ‘Haïm Falaggi répond à cette question dans son livre « Réfoua Vé’haïm », où il dit qu’en période d’épidémie, une personne devra s’éloigner catégoriquement de trois choses : la colère, l’inquiétude et la tristesse.

Pourtant, qui d’entre nous ne ressent pas au moins un de ces trois sentiments, tellement humains en cette période si difficile ? Comment l’appréhender et triompher ? Comment rester confinés, tout en gardant son calme, sans s’inquiéter, et, qui plus est, en étant joyeux ?

Cela pourrait nous faire penser à Roch Hachana, à propos duquel il est dit : « Guilou Bir’ada » « Réjouissez-vous dans la crainte » ; d’un côté, il y a le jour du jugement avec toutes les lois qu’il comporte et le sérieux que cela impose, et d’un autre côté, le sentiment de joie qui doit également nous envahir en ce jour de fête, et c’est à ça que nous devons aspirer.

Même si cela est plus facile à dire qu’à faire, il faut réussir à prendre du recul face à la situation que nous vivons. A quoi nous servira-t-il de nous mettre en colère ou de nous inquiéter ? Cela améliorera-t-il la situation ? Cela nous fera-t-il avancer ? Assurément, non, nous n’y gagnerons absolument rien. Alors pourquoi aggraver une situation qui n’est déjà pas facile à vivre ?

Il est évident qu’il est très important de comprendre la gravité de la situation et de suivre les instructions du Ministère de la Santé du pays où nous vivons, mais sans rentrer dans des peurs démesurées, car, comme nous l’enseigne le Ben Ich ‘Haï, la peur peut apporter bien plus de malheur, ‘Hass Véchalom (Ben Yéhoyada sur Baba Kama 60b).

Ce que nous vivons en ce moment est quelque chose de tout à fait irréel. Aurions-nous pu penser qu’en 2020, plus d’un tiers de la population mondiale soit confinée chez elle pour essayer de survivre à une pandémie contre laquelle « personne » ne peut rien ?

Ce que nous vivons est tout simplement incroyable, mais il ne faut pas oublier que ce que nous vivons est temporaire. Nous avons tous déjà passé des périodes difficiles et vécu des moments où nous nous sommes dit : « Je n’arriverai jamais à passer ça », « C’est la fin du monde ». Mais finalement, nous avons réussi à passer ces périodes qui nous paraissaient insurmontables, en en tirant même des leçons et en s’améliorant.

Alors n’oublions pas que cette période aussi est temporaire, et que bientôt, si D.ieu veut, nous en parlerons au passé…

Il est écrit dans Michlé (18,14) : « Un esprit viril sait supporter la maladie ; mais un esprit abattu, qui le soutiendra ? ». Le Gaon de Vilna écrit sur ce verset que même si quelqu’un est malade, s’il est dans la joie, cette maladie s’annulera. Cela signifie que si une personne essaye de rester toujours joyeuse, de tenir le cap, de sourire à ses enfants, à son mari/sa femme, bien qu’elle se trouve dans une période de stress, cela éloigne la maladie.

Nous sommes des êtres humains, et il est tout à fait normal d’être stressés dans une telle période, mais, comme le dit le Rav Fanger, on ne combat pas un sentiment négatif par un autre sentiment négatif, c’est-à-dire que si nous voyons que le stress ou la tristesse nous envahissent, il ne faut pas en plus nous en vouloir, mais comprendre que nous sommes des êtres humains et que cela est normal.

Cette période est bien évidemment propice à renforcer notre Emouna (foi en D.ieu) que tout ce qui se passe est fait par Hachga’ha Pratit (Providence Divine), au millimètre près, et que « Personne ne reçoit un coup [au doigt] ici-bas sans que cela ne soit décidé Là-Haut » (‘Houlin 7b). Ceci est la base de notre croyance.

Il est donc de notre devoir à tous de nous connecter avec Hachem, car il est évident qu’Il attend quelque chose de nous et que nous devons comprendre que nous n’avons plus vers qui nous tourner à part Lui. Bien sûr, c’est un moment propice à la Téchouva, à une introspection, et chacun de nous sait pertinemment quoi réparer, mais sans chercher trop loin, Hachem attend notre prière, Hachem attend de chacun de nous de lever les yeux au Ciel et de L’implorer. De L’implorer de nous délivrer et nous envoyer enfin la Délivrance que nous attendons tant.

La semaine dernière, le Grand-Rabbin d’Anvers, le Gaon Rav David Moché Liberman, a dit quelque chose qui m’a énormément fait réfléchir. Il a dit qu’il ne se souvient pas d’une période aussi terrifiante depuis la Seconde Guerre Mondiale, où chacun a peur pour sa vie.

Imaginez-vous le jour où tout sera « fini », où chacun pourra sortir de chez soi, et retrouver une vie « normale ». A quel point apprécierons-nous de retrouver nos parents ou nos enfants, de voir ses petits-enfants, de recevoir sa famille à la maison, de prier en Minyan, de répondre à un Kaddich, d’étudier en ‘Havrouta, d’aller à son travail, de faire des courses, et même d’aller à l’école ! Des choses qui nous paraissaient tellement normales il y a quelques jours seulement, nous paraissent maintenant inaccessibles.

Nous traversons une période difficile et deux solutions s’offrent à nous : se briser ou se surpasser. C’est le moment du test ultime. Le test ultime de notre Emouna, de notre Yirat Chamayim (crainte du Ciel) et de notre comportement envers notre prochain…

Notre maison, notre conjoint, nos enfants, notre travail… Rien n’a réellement changé, mais il serait peut-être temps de tout apprécier davantage. Nous sommes en plein test, et ce test passera, lui aussi.

Alors, certes, notre vie ne sera jamais plus la même… Mais essayons de faire en sorte que le « après » soit meilleur que le « avant »…