Après leur sortie d’Egypte et après le passage de la Mer Rouge, avant d’arriver au Mont Sinaï pour recevoir les 10 Commandements, les enfants d’Israël sont confrontés à deux rencontres différentes : une négative, l’attaque d’Amalek, et l’autre, cordiale et positive, la visite de Yitro, le beau-père de Moché Rabbénou, avec la femme et les fils de Moché. Il est significatif que ces deux éléments ne sont séparés dans la Torah par aucune autre Paracha, et, d’autre part, qu’ils précèdent, tous deux, la promulgation de la Torah. (Même si certains de nos sages estiment que la visite de Yitro est postérieure, il est encore plus significatif qu’elle soit consignée dans le texte avant l’arrivée au Mont Sinaï.)

Sans revenir sur les nombreux commentaires qui marquent l’opposition entre les adversaires d’Israël d’une part, et ceux qui veulent l’alliance avec Israël par ailleurs, au-delà donc de cet antagonisme toujours évoqué, il convient, ici, de relever, avant le don de la Torah, le combat permanent entre les forces du mal et le pouvoir du bien. Les forces du mal, incluses dans la matière, mais uniquement virtuelles, sont devenues efficaces après la faute d’Adam Ha-Richon ; elles se traduisent sous la forme d’un combat, d’une lutte ayant pour but d’empêcher l’avènement de la Torah dans le monde. C’est le sens de la guerre d’Amalek qui s’attaque précisément au symbole de l’alliance avec Dieu., à la Brith-Mila, comme il est précisé dans Devarim (Ch. 25 v. 17-19).

La réponse à cette lutte contre Amalek, descendant d’Essav, doit être donnée par un descendant de Yossef, « l’anti-Essav » par définition, donc Yehochoua, de la tribu d’Ephraïm, fils de Yossef. A l’inverse, pour le désir de se rapprocher de la volonté divine, c’est Yitro qui, selon le Midrach, était un dignitaire de Pharaon. Bien que troublé par les souffrances des non-juifs (car le terme Vayi’had – et il se réjouit, signifie aussi selon Rachi que sa chair s’est hérissée à l’idée des malheurs des Egyptiens), il a cependant désiré remercier l’Eternel, selon l’expression essentielle : « Loué soit l’Eternel Qui vous a délivrés de la main de l’Egypte » (Chemot 8, 10). Et Yitro trouve nécessaire d’offrir un holocauste et des sacrifices pour D.ieu (Ibid.). La Guemara rapporte que c’est de Yitro que l’on apprend qu’il faut exprimer sa gratitude à l’Eternel (Berakhoth 54a). Deux personnages remercient l’Eternel dans la Torah selon l’expression classique : « Loué soit l’Eternel ». Le premier, c’est Eliézer, le serviteur d’Avraham, qui remercie D.ieu d’avoir rencontré Rivka, pour l’amener être l’épouse de Its’hak (Beréchit 24,21). Il s’agit alors de la construction de la famille d’Avraham. Ici, il est question du sauvetage de l’ensemble du peuple. 

L’opposition avec l’intervention d’Amalek apparaît encore plus clairement si l’on considère la conclusion des deux chapitres : Amalek est voué à la disparition pour que le Nom ineffable puisse être parfait. Le « trône » comme le « Nom » ne sont écrits qu’à moitié, tant qu’Amalek subsiste. Mais l’inverse est aussi conforme à la justice. Au lendemain de son apparition, Yitro s’occupe de l’organisation de la justice, au sein du peuple d’Israël. Il veut mettre de l’ordre dans la vie sociale, et la Torah lui laisse ce mérite. Il est intéressant de relever que Moché Rabbénou fait précéder la nécessité de garder le souvenir de l’attaque d’Amalek (dans le livre de Devarim, 25, 16-18) de l’interdiction de poids et mesures inexactes. Comme le remarque le Rav Munk, dans Kol HaTorah, la lutte contre Amalek « nécessite une attitude parfaite dans le domaine idéologique et spirituel, de même que le domaine moral et commercial. Dans la zone du matérialisme et du physique, elle nous oblige à la perfection, de même dans le domaine social et religieux » (Kol HaTorah, p. 250). C’est cette leçon également que donne Yitro qui dit à Moché qu’il doit choisir, comme juges, « des hommes éminents, craignant D.ieu, des hommes intègres, ennemis du lucre » (Chemot 18,21). C’est ici que l’on peut comprendre le but de la Torah, et le lien entre les deux Parachiot consécutives dans la Torah. La disparition du mal doit précéder l’avènement de la Royauté de D.ieu Pour que le Trône divin soit parfait, il importe de se conduire en conséquence.

Dans les Tehillim, en particulier dans les 5 derniers chapitres, la nécessité de l’élimination des forces négatives reste constamment répétée, face à la construction de la société selon le plan divin. Mais il fallait que cet avertissement soit adressé au peuple d’Israël avant la Promulgation de la Torah. C’est ainsi que ce qui pourrait apparaître comme des faits anecdotiques cachent en réalité le message du D.ieu d’Israël. Il nous importe de savoir que de nous dépend la venue du Royaume de D.ieu Il nous est interdit d’occulter cette condition.

Qu’arrive bientôt le jour où le Trône divin et le Nom du Tout-Puissant se révèlent dans leur totalité. Puissions-nous y contribuer, et soyons conscients de la nécessité de voir bientôt apparaître le rayonnement de la grâce divine sur l’humanité !