Au lendemain d’élections démocratiques en Israël, qui se déroulent pour la 3ème fois en moins d’un an, il n’est pas inutile de réfléchir à l’acte de l’électeur face à l’intention du Tout-Puissant. « Je suis libre, et je fais ce que ma conscience me dit de faire ». Tel est le sentiment de chacun, mais le croyant sait que le Tout-Puissant dirige l’univers. C’est le dilemme posé par le Roi Salomon dans les Proverbes (16, 33) : « On agite le sort dans l’urne mais l’arrêt qu’il prononce vient de l’Eternel ». L’électeur croit qu’il a décidé, mais le résultat, c’est le Tout-Puissant qui l’a imposé. Le problème de la liberté de choix est connu, et semble insoluble. Où est le sens de l’acte ? Hasard ou nécessité ? Vieux problème ! 

Banal, car il est évident, mais il importe d’en comprendre, à chaque circonstance, le déroulement profond. L’Histoire est en devenir permanent comme le temps, mais l’homme, l’individu, s’inscrit-il dans cette nécessité ? Ce problème est, en réalité, dans la perspective de la Torah, apparent extérieurement, mais essentiellement faux intérieurement. 

On rapporte souvent, à cet égard, le verset du Chir Ha-Chirim : « A une jument attelée aux chars de Pharaon, je te compare, ma bienaimée » (Chir Ha-Chirim 1, 9). Que signifie cette comparaison ? Le Midrach explique : « Ordinairement, c’est le cavalier qui conduit sa monture, mais dans le cas du passage de la Mer Rouge, c’est l’inverse qui se produisait : la monture entraînait le cavalier dans la mer, sans lien avec sa volonté ». Le Rav ‘Haïm de Volozine utilise ce Midrach pour mettre en valeur l’acte de l’homme et en particulier du peuple juif. Il importe que l’homme agisse librement et dirige sa monture, il effectue son choix, pour sa part, et ainsi il influe sur le devenir de l’Histoire. Il ne doit pas considérer son acte comme inutile, en estimant que finalement c’est le Tout-Puissant qui décide. Non, c’est en fonction de l’acte de l’individu que l’Histoire se déroule, et c’est l’acte individuel qui influe sur le devenir historique. Les Egyptiens avaient fait le choix de poursuivre Israël ; ce choix prouvait qu’ils n’avaient pas compris la puissance divine, ainsi qu’il est écrit : « Alors les Egyptiens sauront que Je suis l’Eternel » (Exode 14, 4). Leur libre choix les a entraînés à poursuivre Israël, mais c’est leur monture qui les a conduits dans la mer. Ici, se résout le dilemme évoqué plus haut : l’homme choisit sa voie – positive ou négative – et par là il dirige le char divin, comme il est écrit : « Le Tout-Puissant chevauche les cieux par ton aide » (Deutéronome 33, 26). Il n’y a ni hasard, ni nécessité : chaque créature est responsable de ses actes.

C’est en se référant à cette analyse que se situe la responsabilité de l’homme. Dans une époque de globalisation, l’on risque de se sentir « perdu dans la foule ». En réalité, chaque acte influe, a une conséquence cosmique. Il pourrait apparaître que les résultats du 3ème tour confirmeraient les résultats précédents, et, apparemment, cela ne s’est pas produit, mais c’est plutôt l’inverse qui a été obtenu. En toute hypothèse, il nous revient d’agir, et de ne pas s’en remettre au hasard, à ce que l’on nomme le « sort ». C’est nous qui créons le sort, par notre conduite. Notre responsabilité ne cesse jamais d’être engagée. Les circonstances peuvent s’imposer à nous, en fonction de nos actes, mais c’est dans le cadre de notre situation qu’il faut choisir librement. Le résultat n’est que la conséquence de nos actes libres. En réfléchissant de cette façon, cette liberté est presque vertigineuse, mais – et c’est l’enseignement le plus fort – elle est gravée dans notre observance. Ainsi faut-il comprendre la transformation du terme חָרות (‘Harout, gravé) en terme חֵרות (‘Hérout, liberté), terme employé pour expliquer que la Loi gravée sur les Tables est source de notre liberté. Haute, difficile, mais si belle responsabilité !