Le propos de la démocratie, c’est le libre choix du gouvernant, afin de représenter les souhaits du peuple. La régularité de cette invitation au peuple est nécessaire, car les mouvements d’opinion peuvent changer, les circonstances peuvent modifier les réactions du public. Cela est souhaitable, mais refaire en 2 ans 4 élections dans le même but – élire une Assemblée de Députés – par le seul prétexte qu’une majorité stable n’a pas été possible, c’est le signe d’une décadence démocratique, et d’une déficience idéologique. La démocratie ne peut sortir qu’affaiblie d’une telle fatigue populaire.

Que se passe-t-il aujourd’hui dans notre état ? La cause de cette situation est, selon nous, évidente et il importe qu’un changement s’opère si l’on veut éviter un démembrement de la nation. L’élément créateur de cet état n’était pas le judaïsme, mais le socialisme et le nationalisme. A partir du moment où cet alliage s’est disloqué, un certain nationalisme est resté vivant, sans grande puissance unificatrice. L’élément qui unit aujourd’hui les habitants d’Israël serait plutôt négatif : la peur de l’ennemi qui ne veut pas accepter l’existence de l’Etat d’Israël. Mais au-delà de cet objectif – non spécialement constructif – les distinctions politiques – gauche, droite – ont perdu de leur acuité. On le sait, bien souvent, les descendants des fondateurs des kibboutzim se retrouvent à Los Angeles ou au Queens, quartier de New York ! L’idéalisme créateur, qui a mû les pionniers de l’Etat, a bien fondu. Les raisons du nouveau tour des élections ne sont nullement politiques mais uniquement personnelles : Netanyahou et Saar appartiennent à la même famille politique, mais des oppositions personnelles les opposent. Et c’est pour cette raison que de nouvelles élections vont se dérouler dans quelques semaines. C’est regrettable mais c’est la réalité.

Soyons bien conscients : il n’y a que la réalité spirituelle qui cimente le peuple juif. Le Midrach rapporte qu’avant de bénir ses 12 fils, le patriarche Yaacov Avinou leur demande s’ils étaient unis dans leur foi, et ils lui répondirent : « Chema Israël », « Ecoute Israël, l’Eternel (ton D.ieu) est notre D.ieu, l’Eternel est Un (pour nous tous). » Le terme « Un » s’écrit en hébreu אחד – א=1 et חד=8+4, soit 12, la valeur numérique de ces 2 lettres. Pour nous douze (les douze tribus), nous avons le même D.ieu unique qui est le tien. Et l’on sait que lors de la 1ère guerre mondiale, si les soldats juifs engagés dans les armées ennemies (française ou allemande) se rencontraient, ils fraternisaient et s’aidaient l’un l’autre. Le lien à la tradition, lien vieux de plus de 3 000 ans, est le seul garant de l’unité d’Israël. Il n’est pas question, ici, de séparatisme, et il importe de collaborer à la construction religieuse de l’état, en exprimant notre voix, pour continuer la voie d’Israël, le « Dérekh Hachem ». Il importe cependant d’exprimer notre mécontentement devant les actes totalement inutiles pour le maintien spirituel de l’être juif. La seule justification de la pérennité de l’existence d’Israël se trouve dans la bénédiction accordée par Moché Rabbénou au peuple d’Israël : « Ensemble, seront (unies) les tribus d’Israël » (Devarim-Deutéronome 33, 5). Dans son Commentaire sur ce verset (Kol HaTorah - La voix de la Thora), le Rav Munk cite un texte du Midrach Sifri : « Le Prophète Amos écrit : ‘Il (Dieu.) a bâti dans les cieux Sa demeure sublime et appuyé Son palais sur la terre’ (Amos 9, 6). Rabbi Chimon Bar Yohaï commente : Cela ressemble à un homme qui rapproche deux bateaux, et construit par-dessus un pont sur lequel il érige un palais. Celui-ci sera solide aussi longtemps que les hommes maintiennent le pont, sinon le palais s’effondrera ». Rachi commente : « Lorsqu’ils s’unissent en un faisceau et que la paix règne parmi les hommes, alors Il est leur Roi ; ce n’est pas le cas s’il y a des disputes entre eux ». Et le Rav conclut ce commentaire rabbinique : « L’unité démocratique est le meilleur support pour la théocratie » (Ibid.). Ne serait-ce pas une leçon pour notre époque ?