Parmi les premiers dirigeants d’Israël, une idée largement répandue voulait que les Juifs pratiquants – en particulier les orthodoxes (’Harédim) – soient une minorité démographique vouée à s’assimiler ou à disparaître progressivement dans la société israélienne moderne et laïque. À titre de référence, au moment de la fondation de l’État, les ’Harédim représentaient environ 40 000 personnes sur l’ensemble de la population juive, soit bien moins de 5 %. Leur nombre paraissait marginal face à l’élan nationaliste majoritaire.

Ces dirigeants imaginaient que, sous la pression du développement économique, de la modernisation et du contact avec la société israélienne, la majorité de leurs enfants rejoindrait le "melting pot" sioniste, ne laissant subsister qu’une branche rabbinique minoritaire. Ceux qui persisteraient dans leur "obscurantisme" serviraient de folklore pour les touristes visitant Méa Chéarim. Ces hommes à l’habit sombre et aux longues Péot rappelleraient un passé lointain, un peu comme les Indiens d’Amérique.

Cette vision n’était pas sans fondement, car effectivement une bonne partie de la jeunesse du vieux Yichouv de Jérusalem avait quitté son milieu pour se fondre avec les Sabras israéliens, à la tunique beige et à la culotte courte. Les nouveaux immigrants, eux aussi, oubliaient vite leurs traditions sous l’influence du système scolaire laïque et de l’expérience des Kibboutzim de la Hashomer Hatsa’ir (extrême gauche).

Mais voilà que les années passent, et la réalité s’avère bien différente. Déjà, la démographie contredit ces prévisions : la population pratiquante a connu une croissance rapide, passant d’un statut de minorité fragile à celui d’un acteur majeur, sur les plans social et politique. Mais il existe un autre facteur, essentiel, que ces prédictions n’avaient pas pris en compte : le phénomène de la Téchouva.

Ce mouvement débute en 1973, après la guerre de Yom Kippour. Il se développera discrètement, puis connaîtra un véritable essor avec les séminaires de judaïsme, l’ouverture de Yéchivot et de séminaires pour Ba’alé Téchouva, ainsi que le développement du système scolaire religieux. De grands Rabbanim comme le Rav Réouven Elbaz, ou des figures emblématiques de la bohème tel-avivienne ayant fait Téchouva comme Ouri Zohar encadreront ce retour et révolutionneront la société israélienne. La technologie moderne permettra de diffuser le message partout, éveillant la curiosité spirituelle de citoyens jusque-là éloignés du judaïsme. Depuis le 7 octobre 2023, on assiste à un véritable mouvement de masse, fulgurant, qu’il n’est plus possible d’étouffer – d’autant plus que, dernièrement, des otages et leurs familles participent eux aussi à ce retour collectif.

Si, au début de la création de l’État hébreu, la tendance allait à l’abandon de la tradition, aujourd’hui l’effet inverse se manifeste. Qui aurait pu prévoir un tel retournement ! (Rappelons que, déjà il y a plus de trente ans, le Rav Chlomo Wolbe, visionnaire surprenant,  pressentait que tout Israël ferait Téchouva, parallèlement à l’effondrement de la laïcité israélienne – au même titre que celui du communisme en Russie. "Un mensonge ne peut tenir à long terme, et la vérité finit toujours par se dévoiler", disait-il.)

Israël se trouve aujourd’hui sur la bonne voie, celle que nous ont tracée nos ancêtres. On peut déjà se préparer à assister à la chute d’Édom, qui dépend justement du retour aux sources du Klal Israël. Devant nous, des jours grandioses !